L’affirmation d’une marque (1875-fin du XIXème siècle) 

 

1. La fidélité au positionnement initial
1.1. L'attachement à une optique de qualité
1.2. La revendication d’un cachet sec : le rejet des vins sucrés

2. L’intégration du succès anglais
2.1. La réputation acquise par la marque Pommery
2.2. Un succès à entretenir
2.3. Une "translation"

3. Une réputation à tenir
3.1. Un rôle plus affirmé des prix
3.2. Etendre et préserver sa réputation
3.2.1. Les prix
3.2.2. Les modes de "réclame"

Chapitre IX : La gestion d’un "capital-marque"[1]

 

Cette expression renvoie aux attributs qui définissent la marque Pommery au cours de cette seconde période. La politique suivie depuis ses débuts par la maison Pommery semble connaître un certain aboutissement. A cet égard, le succès rencontré sur le marché anglais a joué un rôle déterminant. De fait, la marque Pommery a pris une nouvelle dimension, dont témoigne ce capital, qu’il lui faut gérer comme tout bon capital.

 

1.                La fidélité au positionnement initial

 

Il s'agit là d'un fait marquant qui doit nous arrêter : la fidélité au discours initial - qui accompagne la revendication de sa particularité - en fait un moment fondateur, constitutif de son identité. Elle a dessiné une véritable ligne de conduite, qui a sans doute contribué à la réussite de la marque Pommery.

 

1.1.         L'attachement à une optique de qualité

 

La maison Pommery a toujours prétendu défendre une optique de qualité. Si elle a d'ailleurs toujours rejeté les vins sucrés et assuré la promotion de son cachet sec, c'est au nom d'une exigence de qualité et d'authenticité[2]. La politique appliquée sur le marché anglais dès le milieu des années 1860 a été étendue à l’ensemble de ses marchés au début des années 1870. Elle ne propose plus à la vente, en 1873, qu'une seule et unique qualité supérieure, la "Carte Blanche", déclinée en plusieurs dosages en fonction des marchés[3]. En 1872/1873, nous avons relevé dans la correspondance : un cachet Anglais Extra-Sec et Sec, un cachet Français Demi-Sec, un cachet Allemand et un cachet Russe Doux[4]. En 1879, nous ne trouvons plus que quatre cachets, employés quel que soit le marché : Extra-Sec[5] (cachet Anglais), Sec (cachet Américain), Demi-Sec (cachet Français) et Doux (cachet Russe). Dans un même temps, la fourchette de ses prix s'est réduite  : une bouteille de Sec ou d'Extra-Sec coûte 50 centimes de plus que les autres cachets car elle comporte des « vins vieux de choix »[6]. L’extension de cette politique marque l’aboutissement du processus engagé dès la fin des années 1850 : elle s’est recentrée sur les seuls vins de qualité supérieure[7]. Il est à noter que cette politique se démarque vraisemblablement de celle adoptée par de nombreuses maisons[8]. Elle revendique, dans la correspondance, la qualité de ses produits, au moins égales aux vins des principales marques, y compris pour son vin doux dont elle ne revendique pas la spécialité :

 

« […] C'est [la C.B.G.[9]] le même type de vin que celui fourni par Roederer ou Clicquot, la qualité en est supérieure et peut parfaitement rivaliser avec ces marques. »[10]

 

L'une des manifestations de cette optique réside dans le refus de privilégier une logique de vente au détriment de la qualité, ce que cette formule est censée résumer : « faire peu, mais faire mieux »[11]. Cette optique de qualité apparaît clairement lors des crises qui secouent le vignoble, en raison de pénuries. Les vendanges de 1872 et 1879 notamment se soldent par des récoltes insignifiantes en quantité au regard de la demande[12]. Cette pénurie n'a fait qu'accentuer les pratiques douteuses de certaines maisons, qui s'approvisionnent en crus provenant d'autres régions que la Champagne[13], certaines régions viticoles de la France en profitant pour essayer d’écouler leurs stocks. La maison Pommery est d'ailleurs sollicitée, en 1872, par une maison de vins de Saumur et une maison de vins de Bourgogne qui cherche à placer ses vins[14]. Elle justifie son refus par une exigence d'authenticité, par la volonté de conserver «le cachet distinctif du Champagne d'origine pure et incontestable»[15]. A cette occasion, elle affiche sa volonté de ne pas privilégier une logique de vente au détriment de la qualité de ses produits :

 

         « […] sont libres de s'adresser aux Mumm, Heidsieck et autres faiseurs, quant à nous nous préférons voir nos affaires se restreindre que de livrer du faux champagne à l'ancien prix. »[16]

 

         « […] Mieux vaut restreindre un tant soit peu la vente que de livrer des produits douteux de nature à détruire les meilleures et plus vieilles réputations. »[17]

 

En l'occurrence, dans la deuxième lettre, H. Vasnier explique à A. Hubinet comment la maison Pommery entend gérer cette pénurie. Le prix du vin a été augmenté en France d'un franc par bouteille, en vue « d'arrêter court la vente sur ce marché » [18]. Elle sacrifie le marché français pour pouvoir maintenir la qualité des vins qu’elle fournit sur les autres marchés. Là encore, la qualité apparaît comme une ligne de conduite qu'il lui faut absolument respecter pour maintenir sa réputation. Il est intéressant de remarquer que les choix opérés par la maison Pommery ne semblent pas être suivis par tous ses concurrents, y compris parmi les principales marques. A plusieurs reprises, H. Vasnier remet en cause la qualité des vins que celles-ci ont achetés :

 

« […] nous pouvons parfaitement les faire aux mêmes prix que les petits vins sucrés de Roederer, Clicquot et autres, mais comme elles n’aiment pas perdre de l’argent pas plus que nous, nous en concluons qu’elles s’arrangent de façon à donner à leurs clients un vin pour leur argent. »[19]

 

Dans cet extrait, la maison Pommery répond à un de ses agents allemands, qui lui reproche d'augmenter ses prix alors que les autres maisons ne le font pas. Là encore, elle tient clairement à se démarquer de ses concurrents. D’ailleurs, dans ce passage, il est bien précisé qu’elle pourrait imiter ses concurrents, mais elle a choisi une optique différente, celle de la qualité : fournir un vin comme celui de ses concurrents reviendrait à se rabaisser. Ce n'est sans doute pas l'origine champenoise des vins qui est remise en cause ici[20], mais elle fait plutôt référence aux achats de "vins de spéculation". Ces vins n’ont pas été achetés par les négociants au cours des dernières vendanges. La plupart ont été rejetés en raison de leur qualité insuffisante[21]. Leurs propriétaires les gardent alors en réserve, sachant très bien qu’ils pourront les écouler et en tirer un bon prix lors de mauvaises années. Ces achats massifs ne constituent pas une garantie de qualité, les différentes maisons ayant trop besoin de ces vins pour satisfaire leur clientèle. C'est cet argument que la Maison cherche à faire valoir, auprès de ses agents, contre ses concurrents[22]. Mais la maison Pommery ne se démarque pas simplement dans son discours. Certains éléments semblent venir confirmer l'optique choisie. Elle rapporte ainsi à A. Hubinet qu'une cuvée qu'ils ont dégustée ensemble - et qu'ils ont refusée pour cause de mauvaise qualité - a été achetée par la maison Clicquot[23]. Même si la situation est difficile, la Maison semble toujours s'imposer une dégustation préalable des vins, pour s'assurer de leur qualité, avant d'acheter. Dans une lettre adressée à Greno en 1879, elle confie à Greno qu’elle est en train d’effectuer quelques achats de vins de spéculation, mais en complément des « achats énormes » qu’elle a effectués lors de la dernière récolte[24]. Là encore, nous n’avons a priori pas de raison de mettre en doute les propos tenus à N. Greno.

 

 Il ressort de ces exemples que la Maison a réellement fait de cette optique de qualité une ligne de conduite. Devant l'explosion des prix des crus, elle s'y rattache pour justifier, auprès de ses agents, l'augmentation du prix de se vins - aussi bien en 1872/1873 qu'en 1879/1880 d'ailleurs[25]. Dans tous les cas, elle est présentée comme une exigence à partir du moment où la maison Pommery a fait le choix de la qualité ; maintenir la qualité a un prix. Nombre de maisons ont augmenté leurs prix à l'occasion de ces crises, vraisemblablement dans la même optique que la maison Pommery. Certains agents se plaignent cependant de ces augmentations, que d'autres maisons ne pratiquent pas :

 

         « […] la maison Moët a sa manière de travailler ce n’est pas une raison pour que nous l’imitions. Ses expéditions depuis quelques années sont tombées de moitié, elle a maintenant la spécialité du bon marché, c’est un genre de vin qui peut avoir ses avantages, mais que nous ne cherchons jamais à fabriquer. »[26]

 

         Quoique la maison Moët soit prestigieuse et de sérieux concurrents, la maison Pommery défend sa ligne de conduite propre. Elle n'a ni la même politique, ni les mêmes ambitions que la maison Moët. Aussi tient-elle à s'en démarquer au nom d'une exigence de qualité. Même s'il convient de relativiser la référence à la maison Moët - elle n'est sans doute pas le spécialiste du vin bon marché décrit -, il n'en reste pas moins vrai que la maison Pommery, au contraire de sa concurrente, s'est recentrée sur les vins de qualité supérieure. Le choix de la qualité qu’elle a fait l'engage à ne pas privilégier une logique de vente à tout prix. A cet égard, la pénurie de 1872/1873 représente plutôt pour elle une opportunité qu'elle saisit, puisque, nous l'avons vu, elle en profite pour ne plus proposer qu'une seule qualité supérieure. C'est une étape dans son développement, non dans le développement de ses affaires, mais surtout de son image. Elle en développe la cohérence, ce qui assure la crédibilité de la marque.

 

1.2.         La revendication d’un cachet sec : le rejet des vins sucrés

 

La diffusion des vins secs s'opère progressivement selon les marchés et les consommateurs[27]. Il faut attendre vraisemblablement les années 1890 pour qu'elle s'accélère. Au cours de cette décennie, la vente des vins secs ou extra-secs de la marque Pommery gagne en importance[28]. Malgré cette diffusion, les vins sucrés ont toujours leurs adeptes, y compris en Angleterre. La maison Pommery propose elle-même un type de vin "doux" - la C.B.G.[29] - qu'elle vend essentiellement dans le nord de l'Allemagne et en Russie, marchés traditionnels de ces vins. Il ne s'agit pas véritablement d'un changement opéré dans la politique de la Maison. La C.B.G. est sans doute un vin proche de celui proposé sur le marché allemand dans les années 1860. Ce cachet doit surtout concurrencer, sur leur terrain, les vins de Clicquot et Roederer. Il s’agit plus, en réalité, d’occuper une place sur ce marché que de promouvoir ce genre de vin. Elle n’a d’ailleurs pas abandonné la perspective de diffuser un cachet sec :

 

         « […] vins secs qui sont pourtant aujourd’hui infiniment plus à la mode et ont presque entièrement remplacé parmi les véritables amateurs les vins siroteux d’autrefois […] Partout ailleurs on délaisse ces vins de Champagne contenant 25% de sirop, sirop qui ne sert qu’à habiller et masquer le plus souvent la pauvreté et la maigreur du vin. Nous pouvons évidemment envoyer des vins aussi sucrés que Roederer puisque l’on ne sait pas encore apprécier les vins secs en Pologne, mais à notre avis ce n’est pas en copiant les vieilles marques que l’on arrive à se distinguer […] mais nous regrettons que vous ne combattiez pas avec un nouveau drapeau (celui des vins secs ) et nous doutons fort que l’on puisse réussir en se laissant traîner à la remorque des vieilles marques routinières. »[30]

 

La maison Pommery s'adresse ici à son agent à Varsovie. Il est significatif qu'elle l'invite à se battre pour promouvoir les vins secs sur un marché où « l'on ne sait pas encore les apprécier », c'est-à-dire qu’elle lui demande de jouer un rôle actif dans l'évolution du goût sur son marché. Se retrouvent ici le même appel à la croisade, la même ardeur militante que nous avions déjà mis en évidence pour les années 1860[31]. La Maison est prête à lui expédier des vins pareils à ceux de Clicquot et Roederer – l’allusion aux « vieilles marques routinières » dans ce passage renvoie sans aucun doute à ces deux marques - mais nous retrouvons surtout le même besoin de se démarquer de ses concurrents : il s'agit, sur ce marché, de « se distinguer » et non d’accepter docilement le goût dominant. La continuité thématique avec le discours initial est évidente ; l'expression « vieilles marques routinières» nous apparaît, pour la première fois, dans une lettre de Greno datée de 1857[32]. La référence constante à ces marques dans la correspondance de la maison Pommery témoigne de leur rôle dans l'affirmation de son identité : la marque s’est toujours construite contre ces « vieilles marques », qui incarnent un vin qu’elle a toujours rejeté.

 

Ce souci de se démarquer des vins sucrés imprègne la conduite de la maison Pommery. Même si elle est amenée à les fournir, elle affiche son mépris pour « ces petits vins sucrés »[33]. Dans le discours de la Maison même, ce cachet de C.B.G. est relégué au rang de vin de seconde catégorie : la Maison le recommande pour ceux qui ne peuvent pas payer ses vins secs[34]. L'image de la marque, sa réputation, s'est construite à partir de ces vins secs, dont elle a toujours revendiqué la spécialité. Le succès rencontré par la marque Pommery tient sans doute en partie à leur qualité. Ainsi, sur le marché russe, pourtant fort amateur de vins relativement sucrés, elle semble se démarquer de ses concurrents en proposant un vin plus sec :

 

         « […] G. Levé tient essentiellement à l’honneur d’avoir le premier introduit le vin sec à Moscou, mais le voilà, dit-il, dépassé en sec (en plus sec) par un Clicquot étiqueté « Dry England », et par un Roederer « Sec » […] Les agents de ces maisons voyant que notre sec marchait, ont tenu évidemment à dire qu'ils pouvaient offrir du sec aussi, et même plus sec. J'ai trouvé ces Clicquot et Roederer des vins pâteux, contenant passablement de 1874. Ils sont lourds et manquent de finesse [...] Quant à Levé, il tient à ce que le vin que nous enverrons soit le plus "sec" qu’on puisse trouver à Moscou. »[35]

 

Le négociant qui a introduit le vin sec à Moscou (G. Levé) est l'intermédiaire avec lequel la maison Pommery est en contact sur la place de Moscou. En l'occurrence, le vin sec qu’elle propose est dosé à 15% et A. Hubinet lui demande de préparer des échantillons dosés à 10 et 12%. Il est intéressant de remarquer que les maisons Clicquot et Roederer - qui tiennent le haut du pavé sur ce marché - s'adaptent en fonction du vin de la maison Pommery. Elle est une référence en ce qui concerne le vin sec. Sans doute son succès sur le marché anglais y a-t-il contribué, nous y reviendrons. D'une manière générale, la maison Pommery a profité de la diffusion qu'a connu le vin sec dans les dernières décennies du XIXème siècle : il s'opère sur l'ensemble des marchés, semble-t-il, un glissement vers un vin plus sec[36] - le dosage du vin sec restant relatif selon le marché[37]. Il est en tout cas à la mode : le rôle de différenciation qu'il joue dans l'extrait ci-dessus – ce que montre l’attachement d’un négociant moscovite à disposer du vin le plus sec - vient en témoigner. Il ne fait pas de doute que la maison Pommery a recueilli les fruits de ce positionnement initial[38]. Elle a toujours fait montre de sa volonté d’imposer ce vin – dont elle a fait son  « cheval de bataille ». Pour preuve que l'image de la marque s'est construite à partir de ces vins secs, la Maison tient particulièrement à ce que ses agents fassent respecter le marquage distinctif de ses cachets, et particulièrement entre son cachet "Sec" et le "Doux" :

 

« […] réservant pour le vin sec seulement le petit cachet ou stamp que nous appliquons au col […] La différence entre les deux vins sera plus tranchée croyons-nous et cela importe beaucoup[39]

 

Au début des années 1870, les cachets "Sec" et "Extra-Sec" sont recouverts d'une feuille d'étain et ont un petit "stamp" au col de la bouteille qui les différencie. Le cachet "Doux", lui, se différencie par l'emploi, non d'une feuille d'étain, mais de cire dorée qui recouvre le bouchon. Son attachement au respect de ce marquage, le refus de transiger, semble bien témoigner de son importance pour la maison Pommery[40]. Il s'explique sans doute par la volonté de ne pas associer outre mesure la marque Pommery à ce type de vin, à la différence du petit stamp sur lequel apparaît le nom de la marque.

 

2.                L’intégration du succès anglais

 

Le marché anglais n’a pas joué qu’un rôle moteur pour le développement des ventes de la maison Pommery. C’est en grande partie sur ce marché que la marque s’est construite et a créé ce "capital-marque". Le discours de positionnement que nous avons mis en évidence a initié cette construction ; ce processus s’est parachevé sur le marché anglais.

 

2.1.         La réputation acquise par  la marque Pommery

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Si les cachets anglais "Sec" et "Extra-Sec" sont encore loin d'être consommés sur tous les marchés "continentaux" au début des années 1870, c'est avec ces vins que la marque a assis sa réputation non seulement sur le marché anglais - grâce aux cuvées "Extra-Sec"de1865 et 1868 - mais également au-delà, comme A. Hubinet le sous-entend dans cet extrait :

 

« […] Certes, ce n'est pas bien agréable d'être obligé de me croiser les bras parce que vous avez trouvé bon de semer votre stock aux quatre coins du Globe, sans vous préoccuper plus que cela des vieux pionniers de votre réputation… »[41]

 

A. Hubinet reproche à la Maison un manque de reconnaissance envers le marché anglais, une sorte d’ingratitude. Dans son esprit, elle lui doit la réputation qui lui permet de « semer son stock aux quatre coins du Globe ». Il fait probablement référence ici au marché américain et aux Colonies anglaises, mais plusieurs lettres, adressées à d’autres représentants, au début des années 1870, évoquent également la réputation acquise par la marque Pommery[42]. Il importe de remarquer que A. Hubinet fait du succès sur le marché anglais un moment "fondateur" pour la marque Pommery. Les orientations qu’il a suivies y ont porté leurs fruits[43]. La réputation de la marque connaît son point d’orgue avec la commercialisation en 1879 du "Pommery Nature 1874", qui est resté dans les mémoires comme l'un des premiers bruts de l’histoire du champagne à avoir connu un succès commercial[44]. Nous n’avons pas trouvé de références, dans la correspondance, évoquant la réussite de ce vin, en revanche, des témoignages "littéraires" montrent à quel point il semble avoir marqué les esprits des consommateurs, comme cette Ode au Pommery 1874 :

 

« Adieu donc, Pommery Soixante-quatorze! A petites gorgées respectueuses nous nous séparons, tristes de penser que jamais plus un tel vin ne passera par nos lèvres. »[45]

 

         A. Hubinet fait référence également au souvenir qu'ont gardé les consommateurs anglais de ce millésime 1874[46]. Son succès tient pour une part à l’excellente qualité des vendanges de 1874 - qui ont produit d'excellents vins peu ou pas dosés[47] - mais également à la qualité du travail de la Maison. La reconnaissance de cette qualité s'exprime parfaitement au travers des prix atteints par les cuvées sur le marché anglais.

 

Vintage

Bollinger

Clicquot

Heidsieck

Moët

Perrier-J.

Pommery

1880 in 1887

95/-

-

85/-

75/-

97/-

109/-

1884 in 1891

90/-

94/-

82/6

88/-

96/-

105/-

1889 in 1896

94/-

105/-

85/-

80/-

80/-

107/-

1892 in 1899

83/-

100/-

91/6

89/6

91/6

115/-

1893 in 1900

76/-

90/9

89/-

79/3

71/6

90/-

1898 in 1905

83/-

98/-

84/-

81/-

75/-

98/-

 

Figure 15 : Tableau comparatif des prix établis sur le marché anglais sept ans après la mise sur le marché d'une cuvée[48]

 

Les prix atteints par la marque Pommery, au cours des deux dernières décennies du XIXème siècle, la placent devant des marques qui comptent parmi les plus prestigieuses et font référence sur le marché anglais. Ils viennent sanctionner la réputation acquise par la marque et concrétisent la politique suivie dès ses débuts sur ce marché[49]. Ce succès ne signifie pas que la qualité du vin est définitivement assurée sur ce marché et A. Hubinet joue un rôle, au moins aussi important qu’auparavant, pour assurer la pérennité de cette réputation acquise : la qualité parfois irrégulière des cuvées exige des précautions[50]. 

 

A. Hubinet évoque dès 1874 le rôle pionnier du marché anglais dans la réputation de la maison Pommery. Si nous manquons d'éléments pour juger de cette assertion, elle semble en tout cas se vérifier en ce qui concerne le "Pommery 1874". En consacrant la réputation de la marque sur le marché anglais, il a grandement contribué à assurer son succès outre-Atlantique :

        

         « […] La réputation de notre vin reste la plus fortement établie ; elle a été faite, sans aucun doute, par celle dont il jouit en Angleterre et par sa bonne qualité. C’est paraît-il la grande renommée de nos 1874 en Angleterre qui a donné le plus vif coup de fouet à nos ventes aux Etats-Unis. Graef ne pousse en aucune façon. »[51]

 

         « […] Si notre vin avait été énergiquement poussé, nous ferions ici 60.000 douzaines, car nous avons du prestige dans la sphère qui donne le ton, les "high life" suivent la mode anglaise. »[52]

 

La réputation de la marque en Angleterre semble avoir eu un tel impact aux Etats-Unis qu'elle a pallié, selon A. Hubinet, l'absence de travail de Ch. Graef, l’agent de la maison Pommery, et y a assuré le succès de la marque. Précisons que le début des années 1880 voit les expéditions de la Maison croître de manière spectaculaire : entre 1878 et 1881, elles passent de 61.620 à 370.000 bouteilles - soit une progression de 500%[53]. Sa réputation est « la plus fortement établie » de toutes les marques présentes sur ce marché. Les liens historiques entre l’Angleterre et les Etats-Unis, sources de multiples échanges entre les deux pays, ont certainement favorisé cette position. La remarque de Hubinet concernant l’influence de « la mode anglaise » sur les élites américaines tend à le prouver.

 

Cet exemple met en évidence un certain aboutissement des orientations suivies par A. Hubinet sur le marché anglais. Ainsi, la marque Pommery est à la mode parce qu'elle est très prisée des élites anglaises, et notamment l'aristocratie. Rappelons que A. Hubinet en a fait une des cibles principales pour la marque, conscient de son influence sur le goût anglais. Il n’a jamais cessé d’essayer d’introduire le vin dans les clubs ou auprès des "wine merchant" dont la clientèle est la mieux choisie[54]. Le rôle des élites anglaises doit retenir notre attention. A. Hubinet en fait un des vecteurs du développement des affaires aux Etats-Unis de par leur influence sur les élites. En réalité, cette influence dépasse largement le cadre de ces deux marchés :

 

« […] Maintenant, à Vienne, notre nom n'est connu que de l’Aristocratie qui fréquente les Anglais. Les Viennois en général ne le connaissent pas du tout… »[55]

 

« […] Ce sont les Anglais d’ici qui ont fait notre succès. Notre marque est très bien introduite, on la trouve partout. »[56]  

 

« […] Dans les fêtes du monde huppé, on ne sert que du Roederer et du Pommery. Envoyez l'"Extra-Sec" aussi sec qu'en Angleterre ; il n'est bu que par des Anglais ou par des Suédois qui le mélangent avec notre "Sec" »[57]

 

La présence de ces élites anglaises sur différents marchés, tant européens qu'américains, constitue un atout indéniable pour la marque. Elle profite d'un certain cosmopolitisme de ces élites - qui tient pour une part à l'affirmation du tourisme -, d’une certaine sociabilité de ces élites, et peut-être de l'influence que les élites anglaises semblent exercer sur les élites locales. Cela apparaît clairement ici, qu'il s'agisse de l'aristocratie viennoise ou des élites suédoises. De fait, les élites anglaises ne sont pas étrangères au prestige réel dont la marque Pommery jouit parmi les élites des différents marchés. Il est possible que leur réputation de "connaisseurs" leur assure une certaine influence sur le goût en général. Dans cette perspective, outre qu’elles auraient contribué à établir la réputation de la marque sur le marché anglais, elles auraient contribué à diffuser ses vin secs ou extra-secs.

 

2.2.         Un succès à entretenir

 

 

L'intégration du succès anglais peut se mesurer à son influence sur la politique de la maison Pommery. Les orientation définies par A. Hubinet et le succès des vins l'obligent en effet à pratiquer une "politique de présence" à l'égard des élites anglaises. Ainsi, dès la fin des années 1860, elle veille à ce que la marque soit présente sur leurs lieux de villégiature :

 

         « […] comme les principaux clients de ces villes sont principalement Anglais […] Partout où vous introduirez cette sorte, faites la coter sur les cartes des restaurants et hôtels. »[58]

 

         Ce passage est extrait d'une lettre adressée à un voyageur pour l'Italie avec qui la Maison est en contact. Les villes en question sont les « villes-station d'hiver», probablement des Alpes italiennes puisque cette lettre lui est expédiée à Turin. Le nord de l'Italie et la Suisse semblent d'ailleurs être à cette époque des destinations privilégiées[59]. L'intérêt pour la clientèle anglaise ne peut pas nous échapper ici. Les consignes de cotation transmises à ce voyageur en témoignent. La marque doit être présente partout où cette clientèle est susceptible de la consommer. Dès le milieu des années 1860, A. Hubinet s'est personnellement occupé de la cotation du cachet anglais dans les principaux lieux de consommation à Paris[60]. S'il intervient dans les affaires sur cette place, c'est sans doute en raison du nombre d'Anglais qui y séjournent. D’ailleurs, un certain nombre de décisions de la Maison ont été prises dans cette perspective[61]. Il n'est certainement pas anodin non plus qu'un des premiers voyages effectué par A. Hubinet en dehors de son champ d'action - hors Paris - le soit sur la côte méditerranéenne, autre lieu de villégiature prisé par les Anglais[62]. La maison Pommery a parfaitement intégré les orientations de son agent anglais. La clientèle anglaise - et plus particulièrement les élites - a semble-t-il constitué une cible de choix pour elle. A. Hubinet contribue d’ailleurs lui-même à faire respecter ce capital au cours de ses voyages[63].

 

La Maison ne veille pas seulement à ce que ce cachet soit coté dans tous les endroits susceptibles d'être fréquentés par les Anglais (ou d'autres consommateurs de ce cachet), mais également et surtout à ce que son prix soit maintenu :

 

« […] Cette qualité [l’Extra-Sec cachet anglais] ne doit pas être vendue au commerce au-dessous de 6,5 F. la bouteille prise en cave sans commission aucune. […] il nous importe d’obliger le commerce à maintenir le prix […] qualité qui se trouve sur les cartes des maisons de premier ordre dans toutes les villes d’eau. Ce vin est demandé toujours par les Anglais et Américains touristes. »[64]

 

Ce souci de maintenir le prix de cette qualité a évidemment une motivation économique, le prix plus élevé des vins vieux qui servent à composer le cachet anglais[65]. La Maison ne peut pas se permettre de "brader" ce vin, mais elle tient surtout à ce que la marque ne soit pas cotée au-dessous du prix que les Anglais connaissent sur leur marché. Le niveau élevé des prix, pratiqué dès ses premiers pas sur ce marché, fait partie intégrante du capital de la marque. Etant donné le "cosmopolitisme" des élites anglaises, il lui importe, pour maintenir sa réputation, de gérer ce capital : il s'agit de ne pas déchoir dans l'esprit des connaisseurs[66], de  ne pas déprécier la marque à leurs yeux. Dans l’extrait cité ci-dessus, elle demande à son agent de vendre le vin extra-sec sans commission, pour s’assurer qu’il ne puisse pas être vendu dans le commerce en dessous de son cours. Un négociant pourrait profiter d’un rabais pour baisser le prix du vin.

 

Le même souci de préservation de ce "capital-marque" conduit A. Hubinet à recommander à la Maison d'expédier son cachet "Extra-Sec" aussi sec que sur le marché anglais, voire à le réserver pour la seule clientèle anglaise[67]. Il a en effet remarqué, au cours de ses voyages, que la marque perd la faveur acquise auprès des élites anglaises, faute de proposer le même cachet - même si l'appellation est identique[68]. Le succès auprès des consommateurs anglais engage la maison Pommery - ces exemples le mettent parfaitement en évidence - en ce sens qu'il se répercute indirectement sur l'ensemble de ses marchés. Il la contraint à étendre la politique suivie en Angleterre.

 

2.3.         Une "translation"

 

 

Le cachet anglais "Extra-Sec" semble avoir remplacé la "Carte Blanche" (le cachet français) comme vin de prédilection de la marque Pommery :

 

 « […] En général les vins "Extra-Sec" que nous expédions en Angleterre surtout, où ils sont très à la mode, sont des vins très vieux […] ce jour viendra cependant, et les véritables amateurs comprendront l'extase d'un gourmet anglais devant une vieille bouteille de Pommery 1865 ou 1868!»[69]

 

Si nous employons ici le terme de "translation", c'est pour rendre compte de l'évolution qui s'est opérée, du cachet français - que la maison Pommery a voulu imposer sur le marché anglais au début des années 1860, quand il est alors le vin le plus représentatif du style de la marque[70] - au cachet anglais. Dès le début des années 1870, c'est ce cachet qui incarne la quintessence du style de la marque Pommery et peut seul satisfaire les «véritables amateurs », tout du moins dans le discours de la Maison. A la fin des années 1850, c'est avec son cachet de vin alors dénommé "sec"[71] (cachet français) qu'elle entend conquérir cette clientèle exigeante. Cette translation est plus globale encore. La crédibilité d'une maison se mesure, nous l'avons souligné, à l'aune de ses succès commerciaux. La maison Mumm joue sur ce ressort en se servant de son succès sur le marché américain[72]. Dans les débuts de la maison Pommery, c'est le marché belge, marché de "connaisseurs", qui a joué ce rôle de garant[73]. Au début des années 1870 déjà, le marché anglais l'a remplacé, lui assurant une crédibilité autrement plus significative. Le succès que la marque, et notamment le vin extra-sec, y a rencontré est largement utilisé comme une sorte d'argument commercial[74]. La maison Pommery s'appuie sur la réputation de connaisseurs des consommateurs anglais et sur leur exigence de qualité pour plaider en faveur de la qualité du cachet anglais bien entendu, et sans doute plus généralement de la marque. Il est intéressant de remarquer que le succès que connaît la marque Pommery sur le marché américain est mis en avant de la même manière par la suite[75].

 

Cette "translation" est le signe de l'intégration du succès de la marque sur le marché anglais : il est devenu un élément constitutif de l'identité de la marque Pommery et de son image. Cette "translation" est d'autant plus sensible que la maison Pommery revendique désormais la spécialité du cachet anglais "Extra-Sec" : 

 

« […] Lorsque vous verrez M.____ , veuillez bien leur rappeler que nous avons comme vin d’E.S. ce qui se fait de mieux dans ce genre, c’est même nous qui en Angleterre l’avons mis à la mode dans le monde aristocratique. »[76]

 

Revendiquer être à l'origine de la mode du vin extra-sec sur le marché anglais - et notamment parmi les élites - revêt de toute évidence un enjeu particulier. Cette affirmation est contestable. Les remarques de A. Hubinet nous prouvent assez combien, dès les années 1860, le goût des élites anglaises se porte sur des vins secs - voire bruts  ; la maison Pommery n'a fait que s'adapter, sur les conseils de son agent. En revanche, il est vrai que le Pommery "Extra-Sec" est à la mode en cette fin des années 1870. C. Ray rapporte cette anecdote : le directeur de la maison Roederer en 1878 aurait dit à un marchand de vin écossais qu'il ne partageait pas l'engouement général pour le Pommery[77]. La Maison se positionne clairement ici comme la spécialiste de ce genre de vin, ce dont témoignent ses prétentions à la qualité. Ce faisant, elle souligne qu'il fait partie intégrante de son identité. C'est la Maison qui l'a prôné et a réussi à l'imposer, à le mettre à la mode. Il ne s'agit pas d'opportunisme de sa part. Il y là un véritable enjeu à un moment où le cachet extra-sec commence à se diffuser, où de plus en plus de maisons le proposent.

 

Il est intéressant de constater que nous retrouvons ici, exprimée dans des termes analogues, ce que nous avons appelé "culture de produit", dont nous avons vu qu'une des manifestations est l’incapacité à remettre son produit en question[78] : elle revendique ce qu'il y a de mieux comme vin extra-sec sur le marché ; elle refuse d'admettre qu'une autre maison puisse proposer un vin sec de meilleure qualité que le sien.[79] Ce n’est plus Vasnier qui rédige la correspondance en 1879/1880. Retrouver ici la trace de cette culture témoigne de ce que le discours initial  de positionnement est bien l’expression d’une ligne de pensée qui a fortement imprégné la culture de la Maison, et partant l’image qu’elle veut donner d’elle : la maison Pommery est indissociablement liée au vin sec.

 

3.                Une réputation à tenir

 

La maison Pommery semble afficher de nouvelles prétentions au cours de cette seconde période son histoire. Le succès de la marque sur le marché anglais n'y est sans doute pas étranger. D'ailleurs, elle cherche visiblement à étendre le capital que la marque a pu y constituer à d'autres marchés, et à développer par-là même la cohérence de son image de la marque.

 

3.1.         Un rôle plus affirmé des prix

 

Le prix entre indéniablement dans cette optique car il s'agit là d'un élément caractéristique des grandes marques de champagne et des produits de luxe en général. La maison Pommery y accorde d'ailleurs une importance toute particulière :

 

« […] il y a quelque chose de nature à nous faire beaucoup plus de tort dans l'avenir que la vente des susdits vins, c'est de voir que notre prix aujourd'hui est inférieur à celui de nos concurrents et qu'ils demandent à leur clientèle 25 centimes de plus que nous ! […] Nous vous avouons que nous trouvons cette situation humiliante pour la Marque […] En conséquence, nous croyons devoir vous prévenir dès à présent que nous avons la prétention de fournir aussi bien que n'importe quelle marque nous nous verrons forcés (pour ne pas déchoir) de coter notre "Carte Blanche" à 5,75F. comme le Roederer à partir du 1er juillet prochain…»[80]

 

Cette lettre témoigne, à notre sens, d'une évolution dans les ambitions de la maison Pommery. Il nous a semblé qu’elle a voulu pratiquer, dès ses débuts, une politique de prix élevés, s’appuyant en cela sur la qualité de son vin. Les agents de la Maison semblent cependant connaître quelques difficultés à appliquer cette politique, ce qui vient en relativiser la portée[81]. Cet extrait nous semble révélateur d'un nouveau statut de la marque Pommery. Rivaliser avec ces maisons n'est plus une simple ambition, mais désormais une exigence : la marque ne doit pas être "distancée" par les principales marques de champagne, au sein desquelles elle tient à se faire respecter. H. Vasnier la place en effet sur le même plan que ses concurrents. Dans son esprit, il est inconcevable que la marque soit moins chère alors que la qualité de ses vins n'a rien à leur envier. Il justifie d'ailleurs la nouvelle augmentation du prix du vin, non par l'argument habituel d'une hausse du prix du raisin, mais par la nécessité de « ne pas déchoir ». Ce discours est habituel sur le marché anglais où la marque joue les premiers rôles. En l'occurrence, il y a, derrière les propos de H. Vasnier, l'idée que la marque est arrivée au « pinacle » sur le marché allemand et qu'elle a une réputation à défendre. La "mortification" éprouvée en voyant la marque dépassée par ses principaux concurrents vient encore ajouter à cette idée.

 

Cet extrait est particulièrement intéressant car il est le premier à mettre autant l'accent - hormis le marché anglais - sur le prix comme élément identifiant de la marque. Ce n'est pas le seul, car la maison Pommery, aidée de A. Hubinet, a visiblement cherché tout au long de cette seconde période, et sur tous ses marchés, à ce que ses prix soient les plus élevés du marché. La première référence apparaît dans une lettre que A. Hubinet adresse à la Maison :

 

« […] Aujourd'hui permettez-moi de vous dire que vous gâchez à plaisir en vendant moins cher que Roederer…»[82]

 

La lettre dont ce passage est extrait est l'une des premières de Hubinet dans ses nouvelles attributions. Il a effectué un voyage sur la "Côte d'Azur" avant de se rendre à Paris. Nous ne savons pas à quel marché il fait référence ici : s'agit-il de Nice et sa région, de Paris où il se rend régulièrement, ou alors évoque-t-il la politique "générale" de la Maison ? La référence à la maison Roederer n'est en tout cas pas innocente. Elle est d'ailleurs récurrente au cours de cette seconde période. Elle jouit d’un prestige considérable dans la seconde moitié du XIXème siècle qui en fait l'une des marques les plus renommées. Cette réputation l'autorise à pratiquer une politique de prix élevés – les plus élevés du marché selon Vasnier[83]. En reprochant à la Maison de "gâcher à plaisir en vendant moins cher que Roederer", A. Hubinet sous-entend que la marque Pommery jouit également d'une réputation qui, à l'instar de sa prestigieuse concurrente, lui permettrait d'adopter une politique de prix plus en rapport avec son rang.

 

Cette remarque correspond semble-t-il à une évolution, à une maturation dans la pensée de A. Hubinet. Elle ne reste pas lettre morte. Dès 1878, il s'attache sur le marché russe à ce que les prix de la marque soient plus élevés que ceux de la marque Roederer :

 

         « […] Et puis il y a avant tout la grande question de ne pas être vendu au-dessous du Roederer, qui n'obtient du commerce qu'un prix inférieur au nôtre de 0.25. A mon passage à Petersbourg, le Roederer était vendu 5 R.[roubles] 25 si je me souviens bien, aux particuliers, bien entendu. Les restaurateurs le payaient 4 R.60 ou 4 R.75 (Elisseejeff vendant notre Extra-Sec 5 R.50 aux particuliers et 5 R. aux restaurateurs) »[84]

 

Il est intéressant de prendre la mesure de l'ambition de la maison Pommery. La marque Roederer est en effet solidement implantée sur le marché russe sur lequel elle connaît une grande vogue, alors que la Maison ne travaille véritablement ce marché que depuis trois années. Cette politique revêt ici une dimension stratégique. Il ne s'agit pas seulement de tenir un rang, mais le fait d'être coté le plus cher doit conférer un certain prestige à la marque. Ce n'est pas perçu en tout cas comme un handicap pour le développement des affaires, au contraire : A. Hubinet est bien conscient que le prix va rendre les débuts de son agent difficiles, mais le bénéfice en terme d'image de marque doit compenser à moyen terme[85]. Le message à l'attention des consommateurs est clair : aucune marque, pas même Roederer, n'est vendue plus cher que la marque Pommery, autrement dit aucune marque n'offre un vin de meilleure qualité. Cette stratégie de A. Hubinet joue sur les ressorts psychologiques qui conduisent certains consommateurs à préférer acheter, par «amour-propre » et besoin d'ostentation[86], le vin le plus cher. Il entend ainsi recruter l'essentiel de la clientèle parmi les consommateurs les plus aisés d'un marché, donc parmi les élites - c'est-à-dire les consommateurs susceptibles de lui faire la meilleur publicité qui soit : en choisissant la marque, ils renforcent son prestige sur ce marché.

 

Par-là même, A. Hubinet semble reproduire la politique suivie sur le marché anglais, à cette différence près qu'il choisit lui-même de jouer sur le prix, alors que, sur le marché anglais, ces prix lui ont été imposés et ont vraisemblablement déterminé la politique suivie. Cette différence témoigne semble-t-il du nouveau statut de la marque et du rôle que le prix y joue. S'il est devenu un élément essentiel dans la politique de la Maison, c'est que le prestige qui en découle semble revêtir un enjeu particulier entre les grandes marques. Nul doute que les maisons Clicquot et Roederer entretiennent soigneusement ce capital, à l'instar des maison Pommery et Mumm :

 

« […] Ch. Graef a beau dire que le nouveau vin de Mumm, à un prix plus élevé que le nôtre de 50 cents, je crois, ne se vendra pas et qu'il fera tort à leur extra-dry, non seulement l'en vois un peu sur les tables des restaurants où je vais, mais il nous enlève le prestige d'être le vin coté l plus cher sur les listes des négociants et les cartes des restaurants. Il y a là un point noir pour notre avenir que je vais tâcher d'éclaircir […] Est-ce pour cela qu'ils lancent le "Cordon Rouge" ? Evidemment, et pour être, si possible, cotés plus cher que le Pommery. »[87]

 

Cet extrait s'inscrit dans la lignée du précédent. A. Hubinet y met en évidence l'importance de la préservation de ce capital. Ne plus être coté le plus cher semble constituer un « point noir » pour le développement des affaires, problème qu'il se fait un devoir de résoudre. Il est intéressant de voir qu'il décrit ici une sorte de course au vin le plus cher entre ces deux maisons, sur un marché que la maison Mumm domine et qui constitue une sorte de "chasse gardée", mais sur lequel la maison Pommery y a considérablement développé ses affaires et est devenue un concurrent dangereux[88]. Dans cette optique,  avoir le vin le plus cher, et le prestige qui en découle, semblent être devenus des variables stratégiques : cela donne un avantage concurrentiel, notamment en terme d'image de marque.

 

Il est possible que cette politique soit suivie par les principales marques de champagnes sur les marchés où elles sont le mieux implantées. Quant à la maison Pommery, elle semble vouloir la systématiser. La définition des prix de la marque ne se fait plus, à partir du milieu des années 1870, qu'en référence aux prix de Roederer et Clicquot éventuellement, comme en témoignent ces consignes données à son agent en France :

 

         « […] de façon en France à ne jamais laisser vendre nos vins par vos sous-agents au-dessous du prix le plus élevé obtenu par la marque Roederer. C’est de la plus haute importance pour nous ! ! »[89]

 

Il est intéressant de noter que la Maison donne à son agent une sorte de "mandat impératif", qui lui impose de toujours s'adapter aux prix de Roederer. Ces consignes, et l'importance accordée au prix, montrent qu'il est devenu un élément "identifier" de la marque, un élément par lequel elle se définit, à savoir que son prix doit toujours être le plus élevé. Le fait que la maison Pommery assume une telle politique représente un tournant puisqu'elle a éprouvé jusque-là des difficultés à faire respecter ses prix, difficultés liées pour une part au manque de notoriété de la marque. La réputation désormais acquise, son succès sur le marché anglais, semble lui offrir alors une marge de manœuvre plus importante[90] : elle lui permet de « placer la marque sur un piédestal »[91].

 

3.2.         Etendre et préserver sa réputation

 

La politique de prix que prône A. Hubinet constitue sans doute le meilleur révélateur de la nouvelle dimension de la marque. Il est l'un des éléments de ce "capital-marque",  que la maison Pommery cherche visiblement à étendre et préserver. Cette volonté est particulièrement significative : il s'agit semble-t-il de donner une dimension "universelle" à ce capital. En ce sens, il doit contribuer à définir l'image de la marque, sur ses "principaux" marchés au moins[92]. C'est du moins ce que l'intervention de la Maison auprès de ses agents vient mettre en évidence, notamment pour deux domaines aussi sensibles que les prix et la promotion de la marque.

 

3.2.1. Les prix

 

La maison Pommery fait de ses agents les relais d'une politique exigeante, comme le montre l'extrait cité précédemment. Elle cherche d'ailleurs, dans cet extrait précédent, à en faire prendre conscience à son agent en France, avec qui elle vient d'entrer en relation[93]. La possibilité de vendre aux prix qu'elle a définis semble même être devenu un critère de recrutement dans certains cas[94]. Elle tient à avoir des agents, ou des sous-agents, capables de répondre à ses exigences, et par-là même se donner les moyens de sa politique. Ce n'est pas par hasard que A. Hubinet cherche toujours à recruter, sur une place ou un marché, le meilleur "vendeur"[95]. Dans les faits, les relations de la Maison avec ses agents ont semble-t-il évolué. Nous ne retrouvons pas les reproches qu'elle a pu adresser régulièrement à ses agents au cours de la première période, quand ils éprouvaient des difficultés à respecter ses prix de vente[96]. Dans la plupart des lettres où il est question de ses prix, elle les met en garde, les prévient qu'elle ne tient pas à vendre à prix réduits, les autorise à accorder des réductions exceptionnelles, mais ne se plaint pas de conditions de vente trop défavorables ou d'une mauvaise sélection de la clientèle, comme cela a pu être le cas auparavant. Le contexte a pu évoluer. Il est vrai que la fin des années 1850 et le début des années 1860 ont vraisemblablement été marquées par des difficultés économiques. Il est possible également que la correspondance étudiée, trop réduite pour cette seconde période, fausse cette perspective. Mais nous ne pouvons écarter l'hypothèse que la nouvelle dimension de la marque Pommery et sa réputation aident ses agents à faire accepter des prix plus élevés : à la différence de la première période, la marque Pommery est désormais reconnue comme une grande marque. De fait, sa clientèle n'est sans doute plus tout à fait la même.

 

D'une manière générale, la maison Pommery exerce un contrôle accru sur ses agents par l'intermédiaire de A. Hubinet[97]. Ce contrôle est essentiel dans la perspective d'étendre et préserver ce "capital-marque" :

 

« […] Les Viennois en général ne connaissent pas du tout la marque, et ils nous considèrent comme n’importe quel vin, meilleur marché que le Moët, le Roederer ou le Clicquot. J’ai proposé à Fischer d’insérer une annonce dans le premier journal la NEUIE FREIE PRESSE et Sacher nous prête son nom. On la rédigerait ainsi :

Moët………………………………………Tant

Deutz & Gelderman…………………… 

Clicquot…………………………………    

Roederer………………………………… 

Pommery & Greno……………………               un prix supérieur aux autres

Notre prix qui sera le plus élevé, attirera l’attention, causera des "inquiries", etc… »[98]

 

Il s'agit là d'une proposition d'annonce que A. Hubinet veut faire passer dans un journal autrichien, approuvée par H. Vasnier. Elle répond au besoin de faire connaître la marque, alors qu'il constate qu'elle est inconnue des « Viennois en général »[99] et que le vin est considéré « comme n'importe quel vin ». Il est évidemment essentiel de pallier ce manque de notoriété, et le prix est un élément essentiel dans cette perspective. Il vient alors remplir un double rôle : asseoir la réputation de la marque aux yeux des connaisseurs - l'aristocratie à Vienne et les Anglais - mais également assurer sa "promotion" auprès du public, en jouant sur le prestige que confère un prix plus élevé que les marques de champagne les plus prestigieuses et les plus en vues sur le marché autrichien.

 

L'initiative de A. Hubinet s'inscrit dans son travail de suivi des affaires, qui l'amène à déterminer les besoins de la marque et à soutenir le travail des agents. En l'occurrence, il vient combler une lacune. Il n'est d'ailleurs pas exagéré de dire qu'il a largement contribué à faire de ces prix élevés un élément "identifiant" de la marque Pommery. Précisons cependant que cette extension ne rencontre sans doute pas le même impact sur tous les marchés. C’est le cas notamment sur le marché belge, où la maison Pommery souffre de son ancienne réputation[100]. En tout cas, il nous est possible une nouvelle fois de mesurer l'importance des voyages de A. Hubinet. Non seulement il fait tout pour étendre ce capital - comme dans l'exemple autrichien - mais les renseignements qu'il collecte lui permettent également de faire le nécessaire pour l'entretenir. Grâce à ces voyages, il connaît exactement les prix de la concurrence sur les différents marchés - et particulièrement des maisons Clicquot et Roederer. Ce travail lui permet de donner ses recommandations aux agents ou à la maison Pommery elle-même[101] :

 

 « […] Sur beaucoup de cartes, nous sommes 14 Frs, et Roederer et Clicquot 15 Frs .J’ai fait remarquer que cette différence nous rabaissait dans l’esprit du public connaisseur, qui sait que les négociants en vin demandent un prix plus élevé pour notre marque dans les pays où l’on boit le plus de champagne. Si notre vin leur coûte meilleur marché (à eux, hôteliers et restaurateurs), c’est que nous ne refusons pas de leur vendre directement. En somme, pour obvier à cela, il faudra

absolument vendre notre vin au prix auquel est payé le Roederer par les hôteliers, c’est-à-dire 8 Frs la bouteille nue dans nos caves. J’en causerai avec Delvaux. »[102]

 

Nous avons déjà eu l'occasion d'insister sur l'intérêt de la cotation pour une marque de champagne : elle joue un rôle de vitrine pour la marque. La multiplicité des références concernant la cotation de la marque vient en souligner l'enjeu[103]. Il importe évidemment à la Maison de s'assurer que le cours de ses vins corresponde à sa politique, et ce quel que soit le marché. Les voyages de A. Hubinet lui permettent en fait de réduire la marge d’incertitude liée à cette cotation, sur laquelle elle n'a pas eu jusque-là de prise. Réduire cette marge signifie avant tout qu’elle a alors les moyens d'imposer sa politique. Cela apparaît clairement ici. A. Hubinet cherche à faire prévaloir les intérêts de la marque sur ceux des hôteliers. Il définit alors de nouvelles conditions, que Delvaux, agent de la maison Pommery, doit appliquer - toujours dans l'optique de préserver ce capital.

 

3.2.2. Les modes de "réclame"

 

La promotion de la marque sur un marché constitue un autre exemple significatif du contrôle de la maison. Il s'agit d'une des attributions principales des agents, mais elle exerce une "censure" vigilante. Par-là même, elle cherche visiblement à assurer la cohérence de son image de marque, de sorte qu'elle corresponde à son statut de grande marque et qu'elle ne nuise pas à sa réputation.

 

         Dans les premiers temps, les modes de "réclame" utilisés par la maison Pommery et ses agents ou représentants sont relativement limités en nombre. Il s’agit principalement de circulaires, d’annonces, de cartes d’adresse[104]… A partir du milieu des années 1870, la maison Pommery intervient plus fréquemment auprès de ses agents, que ce soit par la correspondance ou par le biais de A. Hubinet, pour faire valoir son intérêt :

 

         « […] Nous ne sommes pas partisans des tableaux et affiches pour les hôtels, restaurants, etc…[…] ce mode de réclame ne convient absolument qu’aux maisons qui font de petits vins, nous ne l’employons jamais. »[105]

 

         « […] Dans ces expositions, on n'est associé qu'à de petites marques, les grandes maisons s'abstenant, on n'a pas l'air d'en être une et l'on paraît vouloir se jeter à la tête des gens, ce qui est impolitique dans notre commerce. »[106]

 

La justification du rejet de ces procédés renvoie à cette idée que la Maison a une certaine réputation à assumer, incompatible avec ces pratiques - ce que connote le mépris affiché à leur égard : les utiliser reviendrait à associer l'image de la marque à de « petits vins ». Ces pratiques semblent pourtant connaître une certaine vogue dans le négoce des vins de Champagne, comme en témoignent ces deux propositions faites par les agents. Le rejet des annonces dans les journaux, alors qu'elle y a eu recours auparavant, marque une évolution dans la politique de la maison Pommery et dans la manière de se concevoir[107]. Il lui importe désormais de gérer la réclame employée par ses agents, de sorte qu'elle réponde aux exigences de son image, construite autour des vins de qualité supérieure, et à son statut de "grande marque". Ils ne doivent pas compromettre la marque avec des pratiques qui ne seraient pas dignes de sa réputation, comme nous le prouve cet extrait d’une lettre adressée à Bourgais en réponse à sa proposition de fabriquer des biscuits au nom de la Maison :

 

         « […] Toutes ces choses sont aptes à déconsidérer une maison et à lui faire perdre son prestige. C’est d’un charlatanisme qui montre un besoin immodéré de placer sa marchandise. Ce qu’il faut c’est la mention anecdotique dans le corps d’un grand journal, ou le nom figurant dans un dessin de journal comique répandu. »[108]

 

Le rejet de certains modes de "réclame" ne signifie pas que la maison Pommery renonce à assurer la promotion de sa marque. Il a au contraire pour pendant l'adoption de nouveaux modes, comme le montre l’extrait précédent. Nous retrouvons d’ailleurs d’autres traces de ces nouveaux modes qu’elle essaie de promouvoir :

 

         « […] Nous ne sommes pas plus partisans des annonces dont vous nous parlez […] cela sent la réclame ou la laisse trop voir !… A la rigueur, nous comprendrions que vous fassiez de temps en temps signaler le nom de la Maison dans un ou deux des journaux les mieux posés de Vienne ou de Pesth, mais cela dans le corps d’un article humoristique écrit par un journaliste intelligent […] alors le coup porte car la mention de la marque n’a plus l’air d’une réclame payée ! […] Ne manquez jamais aussi lorsqu’il y a un banquet ou une fête chic de tâcher d’y faire coter la marque et de le faire connaître au public qui, à la longue, finira par croire qu’un dîner distingué ne peut se donner sans Pommery […] en ne perdant jamais de vue que la réputation d’une marque de champagne dépend toujours de l’aide du monde aristocratique élégant et viveur. Elle s’établit toujours de haut en bas, jamais de bas en haut… »[109]

 

         La maison Pommery cherche à privilégier ici, par ses recommandations, des modes de "réclame" qui collent avec l'image qu'elle veut donner de la marque : ils doivent être distingués, raffinés, mais surtout pas racoleurs, comme peuvent l’être les annonces dans les journaux. En cela, ils doivent correspondre à l’optique de qualité suivie et à ses prix élevés. C'est ce qui explique ce subtil jeu sur les apparences : faire de la "réclame" sans avoir l'air d'en faire ; elle ne doit pas avoir « l’air d’une réclame payée », même si elle est obtenue en contrepartie de cadeaux offerts aux journalistes[110]. Ces modes de réclame ne sont pas exceptionnels dans le négoce du champagne. Ils s’inscrivent dans une volonté d’établir la réputation de la marque sur ce marché, ce dont témoigne le public visé. Elle cherche en effet à toucher, le monde aristocratique, les élites cultivées et aisées, celles qui lisent les « journaux les mieux posés », qui se rendent aux « banquet[s] ou fête[s] chic[s] ». Il n'est pas besoin de rappeler le rôle que ces élites peuvent jouer dans le succès d'une marque. Il est intéressant de remarquer ici que la maison Pommery reproduit la politique adoptée sur le marché anglais[111], mais sur un marché récent, puisque son agent vient juste d’être recruté à cette date. Dès ses débuts sur ce marché, elle tient à y étendre son "capital-marque", en vue d’établir sa réputation, et à ce que son agent soit conscient de ses exigences. Nous retrouvons la même démarche appliquée sur d’autres marchés. Un certain nombre de procédés témoignent également de cette volonté de s'adresser avant tout à une clientèle distinguée, dont certains semblent même faire l’objet d’une âpre concurrence entre maisons. C’est le cas par exemple d’une pratique apparemment très en vogue à l’époque qui consiste à faire citer le nom de la marque dans une opérette à succès[112].

 

         Tous ces extraits mettent en évidence le poids de l’image de marque dans le négoce des vins de Champagne. Cette prédominance l’amène à empiéter dans le domaine de ses agents et à les conseiller sur les pratiques à adopter. A son agent autrichien, elle donne le texte de l’annonce où il se présente au public comme étant l’agent de la maison Pommery, non sans avoir consulté Hubinet[113]. L’enjeu est important pour elle car il s’agit de ne pas discréditer la marque auprès du public. Elle doit garder tout son prestige, qui lui permet de maintenir ses prix élevés et qui constitue un gage de la qualité de ses produits. Cette intervention se révèle d’autant plus nécessaire que les propositions qui lui sont faites par ses agents semblent montrer un décalage évident avec ses intérêts, mettant en évidence leur incompréhension des exigences qu’implique la gestion de son image.

 

 



[1] Aaker D., op. cit., chapitre I

[2] Cf. chapitre I : Une certaine idée du champagne

[3] Lettre adressée à Dupont-Chevron datée du 2 mars 1872 (81, 34) : « […] » Nous ne tenons pas du tout à la quantité des affaires, mais nous tenons beaucoup à la qualité et comme nous voulons faire notre possible pour maintenir intacte la réputation acquise à notre marque, nous avons complètement mis de côté les vins mùoyens ou secondaires pour ne plus nous occuper que d’une seule et unique qualité supérieure de Champagne. »  

[4] Le cachet Russe se vend essentiellement sur le marché allemand. En fait, il est possible que la différence entre cachet Russe et cachet Allemand ne concerne que le marché allemand, pour distinguer un vin doux - fort prisé dans le nord de l'Allemagne - d'un vin intermédiaire entre ce cachet et le cachet français Demi-Sec  

[5] En réalité, ce vin ne semble pas être tout à fait le même selon le marché, ou pas systématiquement du moins - tant le goût anglais est particulier. Certaines remarques de A. Hubinet semblent l’attester (cf. supra : Un succès à entretenir). Ce cachet, tel qu’il est expédié en Angleterre, ne rencontrerait peut-être pas le même succès sur d’autres marchés.

[6] Lettre adressée à Jüncke datée du 18 juillet 1879 (122, 295)

[7] Cf. chapitre I : Un recentrage sur les vins de qualité supérieure - Pour être tout à fait exact, la maison commercialise vraisemblablement, par le biais d’une maison de Rilly-la-Montagne, un vin de deuxième ou troisième qualité. Nous ne connaissons pas cependant la teneur exacte des relations qu’elles entretiennent. Il semble que la maison Pommery lui renvoie les clients s’adressant à elle pour ce genre de vins. En tout cas, la marque Pommery elle-même n’est pas associée à ce genre de vins.

[8] Nous avons déjà fait référence à une circulaire envoyée par la maison Moët sur le marché belge (lettre adressée à A. Hubinet datée du 11 mars 1873 - 387, 114 : « […] la maison Moët fait figurer sur son prix courant 10 sortes de vins sans parler des petits vins qu’elle passe sous silence. Quelle pharmacie ! »). D’autre part, J.P. Devroey nous apprend que la maison Perrier-Jouët n’a cessé de produire son vin de deuxième qualité, pour l’Angleterre, qu’en 1894 ; elle abandonne son vin de troisième qualité après 1907. J.P. Devroey pense que la volonté de Henri Gallice - à la tête de cette maison à la fin du XIXème siècle - de limiter la production aux vins de première qualité seulement a accéléré le recul de la marque Perrier-Jouët sur le marché anglais (DevoreyJ.P., op. cit., pp.128-129). Ces exemples nous donnent la mesure de l’exigence de la politique adoptée par la maison Pommery.

[9] Carte Blanche Goldlack (cachet Doux)

[10] Lettre adressée à Jüncke datée du 18 juillet 1879 (122 , 295)

[11] Lettre adressée à C. Graef datée de mai 1872 (385, 246) : « […] nous avions toujours refusé de traiter avec l'Amérique autrement qu'au comptant et que nous ne nous départirions jamais de ce mode de règlement attendu que nous ne tenions en aucune façon à augmenter notre chiffre d'affaire déjà considérable, et que notre seule ambition était de nous attacher à restreindre notre vente pour nous appliquer à ne produire qu'un vin d'une excellence incontestable et incontestée […] car toute notre politique se résume en ces quelques mots : faire peu mais faire mieux. »

[12] Lettre adressée à Kuetgens datée de mai 1872 (385, 67)

[13] Cf. chapitre I :

[14] Lettre adressée à Moricet datée de septembre 1872 (84, 261) : « […] Tant que la Champagne produira des raisins, quels que soient les prix, nous nous abstiendrons complètement de faire entrer dans notre cuvée de champagne toute espèce de vin étranger à notre province et que, malgré leur valeur, ne peuvent avoir le cachet distinctif du champagne d’origine pure et incontestable. ». La réponse de la Maison, suite aux offres de services d’une maison de Saumur, est éloquente quant à l'opportunisme de certaines provinces ; Vasnier précise dans cette lettre qu’il a fait la même réponse à une maison de vins de Bourgogne.  - Voir également lettre adressée à Kuetgens datée d’octobre 1872 (84, 467)

[15] Lettre adressée à Moricet datée de septembre 1872 (84, 261)

[16] Lettre adressée à L. Mertens datée du 3 décembre 1872 (boîte n°200, 476)

[17] Lettre adressée à A. Hubinet datée du 21 septembre 1872 (84, 178)

[18] Idem

[19] Lettre adressée à Hillmann datée du 23 mars 1880 (127, 32)

[20] Il est probable que ces grandes maisons à la réputation bien assise ne se soient pas risqué à franchir cette limite.

[21] Lettre adressée à A. Hubinet datée de février 1873(387,169) : « […] Toutes les drogues invendues jusqu’à ce jour sont achetées à des prix fous et sans dégustation préalable : quels estomacs ces consommateurs devront avoir pour résister à cet empoisonnement carabiné !  »

[22] Lettres adressées à Ch. Graef datée du 19 septembre 1879 (123, 317 : « […] La maison Mumm, en présence de cette situation, a acheté 800.000 bouteilles à la spéculation, nous doutons que ces vins puissent faire beaucoup de bien à sa réputation. ») et à L. Mertens datée d’octobre 1879  (124, 48 - les maisons Heidsieck, Mumm, Giesler et Perrier-Jouët ont acheté des vins de spéculation en grande quantité : « […] Puisse leur clientèle s’en réjouir, mais c’est douteux ! D’autres maisons vont également ramasser tous les vins de spéculation qui ne pouvaient trouver acheteurs au cours de ces dernières années. »

[23] Lettre adressée à A. Hubinet datée de février 1873 (387, 77) : « […] La maison Veuve Clicquot a acheté la cuvée Ayala dont nous n’avons pas voulu et que vous avez goûtée lors de votre dernière visite, et cela à un prix insensé. Quelle chute !». En l'occurrence, nous pouvons accorder un certain crédit à cette remarque ; A. Hubinet est trop bien renseigné des pratiques en vogue dans le négoce pour qu'on essaie de le convaincre.

[24] Lettres adressées à N. Greno datées du 1er juillet (119, 63)et 11 novembre 1879 (124, 268)

[25] Lettres adressées à Fischer datée du 11 juillet 1879 (122, 195 : « […] nous avons été obligés d’élever nos prix de vente pour ne pas rester en perte. ») et à Jüncke  datée du 18 juillet 1879 (122, 295 : « [ …] ce n’est pas le cas de céder sur la question du prix de notre cachet sec qui contient autant de vins vieux de choix. »)

[26] Lettre adressée à  L. Mertens datée de janvier 1880 (129, 435)

[27] Lettre adressée à Jüncke datée du 3 avril 1880 (127, 126) : « […] Il est donc regrettable que vous ne vous soyez pas informé du goût croissant de certains buveurs allemands pour des vins moins siroteux, et surtout que vous n'ayez pas su nous en informer en temps convenable.» - Le marché allemand est traditionnellement orienté vers des vins sucrés.

[28] Cf. Annexe

[29] Il s'agit de la "Carte Blanche Goldlack (cire dorée)".

[30] Lettre adressée à Zein & C° datée du 15 avril 1880 (127, 252)

[31] Cf. chapitre III : Une culture de produit bien ancrée

[32] Cf. chapitre III : Une conception du champagne en jeu

[33] Lettre adressée à Hillmann datée du 23 mars 1880 ( 127, 32)

[34] Lettre adressée à Jüncke datée du 18 juillet 1879 (122 , 295) : « […] Les clients qui ne pourront paye ce prix pour ce genre de vin [la C.B. cachet Sec]  peuvent parfaitement acheter la C.B.G. (doux) dont le prix reste le même que par le passé. C’est le même type de vin que celui fourni par Roederer ou Clicquot, la qualité en est supérieure et peut parfaitement rivaliser avec ces marques. »

[35] C.C.H., p.156-157 -  lettre datée du 27 décembre 1882 

[36] Une remarque de A. Hubinet concernant Paris semble l’attester - cf. C.C.H., p. 100-101 (lettre datée du 11 novembre 1877 : « […] 2/I Sec "Comme les connaisseurs commencent à le boire à Paris" - 2/I "Comme on le boit généralement à Paris"…»)

[37] Le vin sec dont nous parlons ici ne fait que se rapprocher du vin sec qui a cours sur le marché anglais, généralement dosé à 6-8% au maximum.  

[38] C.C.H., p.137-138 -  lettre datée du 15 juillet 1882 : « […] Il va certainement se produire rapidement une évolution vers les vins secs ou soi-disant secs. Nous tenons la corde pour en profiter. »

[39] Lettre adressée à C. Graef datée du 12 mars 1872 (81, 127)

[40] Lettre adressée à L. Mertens datée de mai 1872 (385, 163) : « […] Nous tenons essentiellement à ne pas expédier de vin doux autrement que recouvert de cire dorée,, ou Goldlack, et sous aucun prétexte nous n’expédierons avec feuille d’Etain car ce serait détruire son cachet distinctif et créer […] une confusion déplorable dans l’esprit des consommateurs.»

[41] C.C.H., p.89 -  lettre datée du 13 mai 1874

[42] Lettres adressées à Dupont-Chevron datée du 2 mars 1872 (81, 34), à L. Mertens datée du 24 janvier 1873 (boîte n°191, 405)

[43] Cf. chapitre VI : Une percée réussie

[44] Bonal F., Le livre d'or du champagne, p.111

[45] Lloyd Price R.J., ode parue dans Vanity Fair du 27 décembre 1894 - cité par Bonal F., idem, p.94 : il précise que les vins de 1874 ont laissé le souvenir de très grands vins.

[46] C.C.H., p.204 -  lettre datée du 22 mai 1886 : « […] Il faut donner un vigoureux coup de fouet, car les négociants du West End que j’ai vus m’ont l’air de vouloir vendre des vins moyens jusqu’à ce que nous leur offrions nos 1884. Ils se figurent que le 1884 sera un nouveau 1874. »   

[47] J.P. Devroey fait référence aux cotes extraordinaires atteintes par les vins de 1874, à commencer par le "Perrier-Jouët 1874". C’est ce millésime qui a imposé le champagne brut ou très peu dosé. ( Devroey J.P., op. cit., pp.118-119)

[48] D'après les chiffres tirés de Simon A., History of the champagne trade in England

[49] Cf. chapitre I : Une politique de prix élevés et chapitre VI : Les orientations définies par A. Hubinet  -  Cf. également C.C.H., p.239 (lettre datée du 24 septembre 1890 : « […] Sur toutes les cartes des clubs et des restaurants et hôtels, c’est notre vin qui est coté le plus cher, presque toujours 2/- de plus par bouteille que les plus élevés après nous. Je me suis toujours efforcé d’en arriver là ; c’est si important. »)    

[50] C.C.H., p.118 (lettre datée du 10 juin 1879 : « […] Quelles drogues ! Gardez-vous bien de gâter vos cuvées futures en y mêlant des vins si communs […] Nous tâcherons de les écouler dans le Nord. »), p.118 (lettre du 26 juillet1879 : […] Je vendrai le 272 à notre clientèle la plus commune et dans le Nord , quoiqu’un peu sucré, il ne l’est pas trop pour cette clientèle. Le 269/2, exactement comme l’échantillon, ira bien. Il a un goût très prononcé de pierre à fusil ; je le vendrai en Irlande et en Ecosse. Le 248/2 sera trouvé le moins "objectionable" dans le West End de Londres…») et p.125 (lettre du 30 juin 1880)

[51] C.C.H., p.168-169 -  lettre datée du 2 décembre 1883  

[52] C.C.H., p.172 -  lettre datée du 16 décembre 1883     

[53] Cf. Annexe 27

[54] Ch chapitre VI : Les orientations définies par A. Hubinet

[55] C.C.H., p.133 -  lettre datée du 19 juin 1882

[56] C.C.H., p.220 -  lettre datée du 10 septembre 1889 

[57] C.C.H., p.190 -  lettre datée du 5 août 1884 

[58] Lettre adressée à Inaudi datée du 9 novembre 1868 (63, 387)

[59] Lettre adressée à Dupont-Chevron datée du 2 mars 1872 (81, 34) : « Beaucoup d'Anglais visitant certainement la Suisse […] faire coter dans les hôtels le vin "Extra-Sec" que nous expédions à profusion en Angleterre. »

[60] C.C.H., p.59 -  lettre datée du 5 août 1866 : « […] Je suis arrivé ce matin à Paris […] J’ai l’intention de voir ici quelques hôtels dont la clientèle est anglaise.» 

[61] Cf. chapitre III : Un recentrage sur les vins de qualité supérieure - La maison Pommery justifie l'abandon de ses qualités inférieures sur la place de Paris par le fait qu'elle tient à ce qu'ils ne les rencontrent pas sur cette place alors qu'elles ont été abandonnées sur leur marché.

[62] C.C.H., pp.91-92 -  lettres datées du 17 et du 26 janvier 1875 : dans la première de ces lettres, A. Hubinet note qu'il a « déjeuné ce matin au "London House", le premier restaurant de l'endroit »  - signe de l'influence anglaise à Nice.

[63] C.C.H., p.148-150 -  lettre datée du 5 octobre 1882 : « […] Vous direz à Van Lennep de faire coter l’Extra-Sec dans les hôtels fréquentés par les Anglais.»  

[64] Lettre adressée à Stuyvaert datée du 24 mai 1879 (121, 259)

[65] Lettre adressée à L. Mertens datée du 24 janvier 1873 (boîte n°191, 405) : « […] vendre notre C.B.A. ES à 6 Frs en cave, c’est le prix auquel nous facturons ce vin aux négociants anglais. Si vous avez l’occasion d’en vendre d’autres par la suite, c’est à ce prix que nous vous prions de le vendre et pas au-dessous, ce sont des vins très vieux et pour ce motif nous ne saurions les céder au prix ordinaire de la C.B. »

[66] C.C.H., p.160 -  lettre datée du 24 janvier 1883 : « […] Sur beaucoup de cartes, nous sommes 14 Frs, et Roederer et Clicquot 15. J’ai fait remarquer que cette différence nous rabaissait dans l’esprit du public connaisseur, qui sait que les négociants en vin demandent un prix plus élevé pour notre marque dans les pays où l’on boit le plus de champagne.»  

[67] C.C.H., p.121 (lettre datée du 5 novembre 1879 : « […] De plus, je vendrais l’Extra-Sec Frs 2. de plus que le vin continental. Paris n’aide pas l’Angleterre, et l’Extra-Sec bu par tout autre qu’un Anglais nous fait du tort.») p.188 (lettre datée du 29 juillet 1884 : « […] Il [l’agent pour le Danemark] était trop enclin à pousser l’Extra-Sec, mais il ne le fera plus que dans les hôtels fréquentés par les Anglais. ») 

[68] C.C.H., p.127 (lettre datée du 28 janvier 1881 : « […] Quand on vous demande de l’Extra-Sec en France, ou plutôt sur le Continent en général, expédiez votre vin anglais le plus sec, car on vous l’achète pour les connaisseurs les plus émérites de l’Angleterre, et il leur faut avant tout un vin aussi sec que celui qu’ils boivent chez eux.»), p.155-156 (lettre datée du 21 décembre 1882 : « […] Quand vous expédiez de l’"Extra-Sec", il le faut aussi sec que le plu sec d’Angleterre. Les Anglais chics nous ont quitté pour l’Ayala ; à Berlin, Lord Ampthill a fait la même chose. »)

[69] Lettre datée de décembre 1879 (129, 79)

[70] Cf chapitre III : Un recentrage sur les vins de qualité supérieure - cf. chapitre VI : Ses réactions à l’égard du "goût anglais"

[71] Rappelons que la notion de "sec" est très relative ; si nous n’avons pas d’indication précise, il est probable que le cachet sec de la maison Pommery est alors dosé aux alentours de 12/15%.

[72] C.C.H., p.207 - lettre du 31 mars 1887

[73] Cf. chapitre IV : La clientèle revendiquée

[74] Lettres adressées à Huart (?) datée de mai 1872 (385, 245 : « […] Ce vin C.B.A.D. ne plaît absolument qu'aux Anglais, amateurs de vins secs, c'est le seul avec le C.B.A.ES que nous expédions en Angleterre où ils sont très goûtés. ») et à E. Stuyvaert datée du 13 janvier 1873 (?, 483 : « [C.B. 1868] Ce vin vaut bien 10 francs la bouteille pour les amateurs, si vous ne pouvez le vendre nous l'enverrons en Angleterre où nous le vendrons certainement plus cher qu'en Belgique. ») - C.C.H., p.207 (lettre du 31 mars 1887 : « […] Ils [Mumm] ne font presque rien en Angleterre, le pays du monde où il y a le plus de connaisseurs […] Dans tous les cas, c’est nous qui vendons le plus de vins fins en Angleterre, et nous y obtenons le prix le plus élevé) 

[75] C.C.H., p.213-214 - lettre datée du 15 mars 1889 : « […] Dites carrément que depuis quelques années c’est notre Marque qui a le plus de vogue en Angleterre, dans les Colonies anglaises et dans l’Amérique du Nord, que c’est notre vin qui y est coté au prix le plus élevé. »  

[76] Lettre adressée à Fischer datée du 22 septembre 1879 (123, 333)

[77] Ray C., op. cit., p.49

[78] Cf. chapitre III : Une "culture de produit" bien ancrée

[79] Lettre adressée à Jüncke datée du 3 avril 1880 (127, 126) : « […] Répondant à vos observations au sujet de la dose de notre vin "Sec", nous vous disons que personne ne peut expédier des vins de ce genre meilleurs les nôtres, pas même la maison dont vous nous parlez, attendu que c’est nous qui avons su mettre les vins "Secs" à la mode.»

[80] Lettre adressée à L. Mertens datée du 24 janvier 1873 (boîte n°191, 405)

[81] cf. infra

[82] C.C.H., p.92 -  lettre datée du 26 janvier 1875  

[83] Cf. chapitre III : Une politique de prix élevés

[84] C.C.H., p.106-107 (lettre datée du 23 mars 1878) 

[85] C.C.H., p.108-109 -  lettre datée du 3 juillet 1878 : « […] S'il a le talent d'obtenir du public 25 kopecks de plus par bouteille que pour le Roederer, les négociants accueilleront la marque avec bienveillance et la recommanderont. Il pourra manquer des affaires au début, mais le prestige que le vin acquerra en étant le mieux coté, viendra vite compenser par la suite les affaires manquées au début. »

[86] Cf. chapitre III : Le rôle des prix

[87] C.C.H., p.169 -  lettre datée du 2 décembre 1883  

[88] Cf Annexe

[89] Lettre adressée à Sallès datée de janvier 1880 (129, 442)

[90] C.C.H., p.160 -  lettre datée du 24 janvier 1883 : « […] Sur beaucoup de cartes, nous sommes 14 Frs, et Roederer et Clicquot 15. J’ai fait remarquer que cette différence nous rabaissait dans l’esprit du public connaisseur, qui sait que les négociants en vin demandent un prix plus élevé pour notre marque dans les pays où l’on boit le plus de champagne.»

[91] Lettre adressée à Hillmann datée du 16 septembre 1879 (123, 288)

[92] Quand nous parlons ici de « marchés "principaux" », nous faisons référence aux marchés qui semble présenter le plus d'intérêt pour la maison Pommery, à savoir marché anglais, américain, allemand, russe, pour lesquels nous avons des références. Pour autant, il n'est pas sûr que ce capital n'a pas été étendu à l'ensemble des marchés où elle dispose d'un agent.

[93] Il est l’agent de la Maison depuis le mois de décembre de 1879.

[94] Lettre adressée à Sallès datée de janvier 1880 (129, 191) : « […] il [un sous-agent] serait peut-être mieux en position de faire quelque chose que la personne qui sollicitait dernièrement, trouvant trop difficile de vendre le Roederer, ce qui ne parle pas beaucoup en sa faveur, cette marque comme la nôtre étant de celles qui s’imposent lorsque l’agent sait s’y prendre. »

[95] Cf chapitre VII : Le recrutement d’un agent

[96] Cf. chapitre V : Des difficultés à imposer sa ligne de conduite

[97] Cf chapitre VIII : Une emprise nouvelle sur ses agents

[98] C.C.H., pp.133-134 – lettre du 19 juin 1882

[99] Si Hubinet précise « en général », c’est que la marque jouit d’une certaine notoriété auprès de l’aristocratie autrichienne. Cf  C.C.H., pp.133/134 – lettre du 19 juin 1882

[100] C.C.H., p.206 -  lettre datée du 12 janvier 1887 : « […] Notre réputation de vendeurs de vins moyens "still sticks to us" en Belgique. Il faudrait du temps et surtout un jeune Greno pour bien faire savoir aux Belges que nous sommes le vin le plus cher de la Champagne, tout est là avec ces "snobbisch" moutons de Panurge. ». Si cet extrait souligne les limites de la politique de la maison sur le marché belge, il n’en témoigne pas moins de sa volonté réelle de s’appuyer sur ses prix pour asseoir sa réputation sur la plupart de ses marchés.

[101] C.C.H., p.122 (lettre datée du 15 novembre 1879 : « […] Ne pas être coté moins cher que Roederer et Clicquot, et surtout ne pas vendre aux Restaurateurs ou autres moins cher que ne vendent ces maisons. Avant de commencer, il faudra s'informer de manière bien exacte. Je les crois plus élevés encore que ceux que vous demandez pour l'Extra-Sec. »), p.127 -  lettre datée du 28 janvier 1881 : « […] Une autre manière de se faire respecter est de leur vendre cher. Le Roederer leur coûte au minimum 7frs50 la bouteille rendue franco. Il ne faut pas vendre moins cher. Malheureusement, les prix que vous aviez établis et mon noviciat dans le métier m'ont fait coter à plusieurs le prix de 6fr25 à Reims pour l'Extra-Sec et de 6fr pour la C.B. Il faudra profiter d'un prétexte pour élever ces prix. »

[102] C.C.H., p.160 – lettre datée du 24 janvier 1883 : cette lettre se rapporte au voyage effectué par Hubinet en Italie.

[103] C'est un travail que A. Hubinet effectue de manière systématique sur une place ou un marché au cours de ses voyages.

[104] Cf. chapitre II : Les modes de promotion

[105] Lettre adressée à Fischer datée du 22 septembre 1879 (123, 333) - Voir également lettre adressée à Stuyvaert datée du 18 septembre 1879 (123, 306) : « […] Quant aux pancartes que vous nous demandez pour les hôtels et restaurants, nous n’en avons pas et n’avons pas pour habitude de nous servir de ce genre de réclame .»

[106] Lettre adressée à Sallès datée du 17 mars 1880 (126, 464)

[107] Lettre adressée à Fischer datée du 13 octobre 1879 (123, 497) : « […] Nous ne sommes pas plus partisans des annonces dont vous nous parlez […] cela sent la réclame ou la laisse trop voir !… A la rigueur, nous comprendrions que vous fassiez de temps en temps signaler le nom de la Maison dans un ou deux des journaux les mieux posés de Vienne ou de Pesth…»

[108] Lettre adressée à Bourgais datée du 26 avril 1880 (127, 258)

[109] Lettre adressée à Fischer datée du 13 octobre 1879 (123, 497)

[110] Idem - La Maison ajoute, à propos des articles dans les journaux : « […] Bien entendu, cela peut vous entraîner vis-à-vis desdits journalistes à quelques frais auxquels nous ne demandons pas mieux que de contribuer pour une partie. ». De manière générale, plusieurs lettres font référence à l’appui que peut constituer la presse pour soigner l’image de la marque.

[111] Cf. chapitre VI : Une évolution impulsée par A. Hubinet

[112] C.C.H., p.121 – lettre du 15 novembre 1879, à propos des procédés à employer à Paris : « […] Il faut absolument qu’il mette la presse légère dans sa manche et qu’il fasse entrer le nom de Pommery dans une opérette à grand succès. »  -  C.C.H., p.130 (lettre datée du 23 juillet 1881, à propos de l'agent à Stockholm : « […] Il a fait parler du Pommery dans une pièce ("Divorçons") au grand dépit de l'Agent de Roederer, le Consul du Portugal, ami de sa Famille. »)

   

[113] Lettre adressée à Fischer datée du 24 octobre 1879 (124, 106) :                                                                                                 

  « […]  "M. Fischer a l’honneur d’informer le commerce de vin de l’empire austro-hongrois

                               qu’il a obtenu l’agence de la maison Pommery & N. Greno dont les vins secs ont

acquis une si haute renommée depuis quelques années…"

[…] une maison de champagne qui a l’air d’annoncer ses produits elle-même signale au monde qu’elle manque d’amateurs, tandis qu’un agent qui annonce lui-même a l’air d’être flatté d’avoir "été choisi pour opérer la distribution du vin. »

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