La "réorientation" des échanges (1858-1875)

 

 

1. Un espace commercial différencié
1.1. Des efforts qui se concentrent vers certains marchés
1.1.1. Un effort de recrutement
1.1.2. Une logique d'implantation
1.1.3. La place des marchés traditionnels
1.2. Un espace commercial mouvant
1.2.1. Une volonté de diversifier les débouchés
1.2.2. Une logique différente

2. L’emprise limitée de la maison Pommery sur ses affaires
2.1. Le dialogue entre la Maison et ses "représentants"
2.1.1. La volonté de s'assurer de leur travail
2.1.2. Leur implication dans sa politique
2.2. Des difficultés à imposer sa ligne de conduite
2.2.1. Des "zones" de tension avec ses représentants
2.2.2. Une politique trop exigeante

 

 

Chapitre V : Les ressorts de cette "réorientation"

 

Il convient de mettre en perspective cette "réorientation", en essayant de reconstituer les intentions de la maison Pommery en terme d’extension commerciale. Pour ce faire, nous allons nous intéresser à son "organisation commerciale". Précisons que nous ne raisonnons pas ici en terme de structure ; il s’agit plutôt de l’ensemble des intermédiaires qui agissent au sein de son espace commercial pour y développer ses affaires, et leur répartition. Concrètement, nous essaierons de voir la perception que la maison Pommery a de ses différents marchés et l’intérêt qu’elle leur accorde, mais également les relations qu’elle entretient avec ses intermédiaires. Par-là même, nous nous interrogerons sur la marge de manœuvre dont dispose la maison Pommery au cours de cette première période. Le chapitre VI, consacré au marché anglais, viendra compléter cette étude.

 

1.                Un espace commercial différencié

 

1.1.         Des efforts qui se concentrent vers certains marchés

1.1.1. Un effort de recrutement

 

Nous avons vu que la maison Pommery compte sur l’organisation commerciale de l’ancienne maison pour développer ses affaires. De fait, elle dispose déjà, à ses débuts, de commissionnaires et/ou d’entrepositaires sur les principales places avec lesquelles l’ancienne maison réalise des affaires. Un effort particulier semble cependant avoir été fait, par la nouvelle maison, dans le but de mettre en place une organisation solide. Il s’est traduit par le recrutement d'agents, et peut-être l'ouverture de nouveaux dépôts. Cette première structure commerciale se met vraisemblablement en place à partir de 1856. Il semble que L. Mertens a été recruté à cette date[1], de même que G. Van Loo[2]. En août 1857, la Maison ouvre un dépôt à Paris, confié à Passier[3]. Un nouveau dépôt, situé sur un boulevard prestigieux, est ouvert en 1860[4] ; J. Wallon, qui en a la charge, a le titre d’Agent général de la maison Pommery (sans doute pour Paris)[5]. Sur le marché anglais, si elle est déjà en relation avec Rowcliffe – vraisemblablement depuis 1853 – il ne nous est pas possible de dire s'il s'agit véritablement d'un agent ou d'un consignataire[6]. En revanche, il est possible que la maison Kniep & C°, qui prend la suite de Rowcliffe, se voit offrir cette agence[7]. A. Hubinet l'obtient en tout cas en 1861[8].

 

Cet effort traduit sans doute, nous y reviendrons, une volonté d'impulser les affaires de la Maison. Il correspond à une certaine "sédentarisation" de son espace commercial, en ce sens que cette organisation vient relayer ce qui a été en grande partie l'action de N. Greno en tant que voyageur. Les marchés où nous retrouvons ces agents sont ceux où il a voyagé pour créer la clientèle de l'ancienne maison, qu'il s'agisse de la Belgique, des Etats rhénans, de Paris, ou de l’Angleterre dans une moindre mesure[9]. N. Greno leur a confié la clientèle qu’il a crée lui-même pour l’entretenir[10]. Pour autant, il ne serait pas tout à fait exact de voir dans cette organisation le seul ressort du développement des affaires. Le recrutement de ces agents s’inscrit sans doute dans un contexte extrêmement concurrentiel, qui rend nécessaire, pour une maison, la présence de représentants fixes ou d’agents sur ses principaux marchés[11]. Mais N. Greno continue toujours à voyager pour superviser le travail de ces agents et entretenir ses relations. H. Vasnier lui-même remplit cet office, conseillé par N. Greno[12]. Une lettre de ce dernier nous apprend ainsi qu'il compte essentiellement sur H. Vasnier pour développer les affaires en Angleterre, puis pour reprendre son rôle de voyageur, supervisant le travail des agents[13]. Ces deux intermédiaires, agents et voyageur au service de la Maison, ont coexisté et devaient toujours le coexister, dans la perspective du développement de ses affaires. Les circonstances, et notamment la mort de A.L. Pommery, ont cependant perturbé ce projet.

 

Cet effort de recrutement, qu’il s’agisse d’agents ou de commissionnaires, concourt à l’efficacité commerciale de la maison Pommery, qu'il s'agisse de la conservation ou de l'extension de ses affaires. Il est à l’origine de ces "pôles" dont nous avons vu précédemment qu’ils organisent son espace commercial[14]. Ils forment un embryon de réseau commercial, ces agents et commissionnaires couvrant l’aire principale des affaires de la Maison. Cette structure reflète les priorités commerciales de la Maison. Elle la contrôle en fonction de ses velléités d’expansion et de ses intérêts. Ainsi, il ne fait pas de doute qu’elle a dû largement peser sur l’installation de L. Mertens à Berlin. Elle marque sans doute, si ce n’est l’extension, du moins la volonté de la Maison d’étendre ses affaires en Allemagne[15]. Cette installation est d’ailleurs précédée de contacts avec la place de Berlin : la Maison y recrute en effet un commissionnaire en la personne de Fetschow & Fils en 1860[16]. L'installation de G. Van Loo à Bruxelles s'inscrit sans doute dans la même logique, la Maison soulignant en effet à plusieurs reprises l'intérêt que représente cette place pour le développement de ses affaires[17]. Le recours aux services de C. Dubost, autre commissionnaire à Bruxelles, vient également en témoigner. Son exemple est particulièrement révélateur du pragmatisme de la Maison dans la gestion de ses intérêts[18]. Ce commissionnaire appartient à une famille apparemment bien placée dans le négoce des vins à Bruxelles, et avec laquelle elle cherche à développer ses affaires. Elle donne alors des  consignes à son agent pour qu’il ne néglige pas les services de ce commissionnaire[19].

 

Il revient donc à la Maison de gérer cette organisation, dans la perspective du développement de ses affaires. Cela implique également d’y faire respecter les champs d'action de ses agents et les principes qu’elle a définis. Les autres intermédiaires qui interviennent à l’intérieur de cet espace doivent en effet éviter de solliciter la clientèle d’un agent. La Maison veille au respect de cette règle, rappelant à l'ordre ceux qui y contreviennent[20]. Cependant, il faut prendre garde toutefois à ne pas trop "rigidifier" une organisation qui ne l'est pas, tout du moins à ses débuts. Le système d’agence évolue en fait au cours de cette première période et se mettent en place certains principes qui vont le régir par la suite. Sur le marché anglais, à l’initiative de A. Hubinet, la Maison ne doit plus solliciter ou vendre directement à des particuliers[21], ce qu’elle essaie par la suite d'étendre à ses autres agents. De même, en 1872/1873, la Maison tient à imposer un principe de stricte exclusivité d'un agent sur les ventes de son marché – ce qui ne semble pas être le cas au milieu des années 1860[22]. Cet exemple met en évidence la souplesse initiale de ce système d'agence qui tend à se structurer par la suite, notamment sous l'impulsion du marché anglais. La diversité des conditions faites aux agents, ainsi que l'évolution qu'elles connaissent, traduit bien cette réalité[23]. C'est d'ailleurs cette dimension évolutive qui fait que nous parlons ici de structure "embryonnaire" : non seulement elle reste encore limitée dans l'espace, mais en plus elle se définit progressivement.

 

1.1.2. Une logique d'implantation

 

La mise en place de ce réseau d’agences répond sans doute à la volonté de la maison Pommery d'impulser les affaires sur des marchés que nous pouvons qualifier de "stratégiques" : le marché allemand comme le marché anglais comptent parmi les principaux débouchés pour le champagne. Le succès de la marque passe par le développement des relations avec ces marchés. L’importance de la place de Paris tient surtout aux étrangers qui y transitent. Quant au  marché belge, nous y reviendrons plus loin, c'est le marché sur lequel elle réalise traditionnellement l'essentiel de ses affaires et il lui importe de ne pas y décliner. Sur les marchés allemand et anglais – de même qu’à Paris – la perspective de la Maison est de s'implanter : elle cherche à y développer durablement ses affaires, à y asseoir la marque, de sorte qu’ils constituent des débouchés importants et réguliers. Cela se trouve clairement explicitée dans la correspondance :

 

« […] Nous désirons vivement que cela vous aide à répandre notre marque dans un pays où nous avons à cœur de l'implanter solidement. »[24]

 

« […] Quoique la Marque se trouve déjà dans tous les grands établissements de Paris, nous voulons aviser à donner une plus grande importance à la vente de nos vins sur cette place de façon qu'elle marche de pair avec nos vieilles et bonnes relations de Belgique… »[25]

 

Dans le dernier extrait, N. Greno fait référence au dépôt ouvert à Paris par la Maison en 1857[26]. Il est clairement perçu ici comme le moyen de développer les affaires sur cette place, de leur donner une dimension plus importante. Cette volonté de s'implanter se traduit par l'engagement de moyens financiers. Il est révélateur de retrouver, sur ces marchés, la même thématique des « sacrifices » consentis par la Maison[27]. Elle n'est pas sans fondements objectifs. Ces agents, de par les conditions qui leur sont octroyées, constituent un investissement pour la Maison. L. Mertens reçoit « un fixe considérable et une commission qui doivent [lui] permettre de faire des ventes » [28]. A. Hubinet reçoit annuellement 4.500 francs de frais de voyage s'il s'engage à voyager pendant 6 mois de l'année, auxquels s'ajoutent 5% de commission sur les prix nets à Reims[29]. Il faut encore ajouter à ces conditions l’ouverture d’un Bureau - comme à Londres ou à Paris - éventuellement la location de cave, les frais d'échantillons, de réclame. Aucun des représentants de la Maison ne semble bénéficier de telles conditions.

 

Derrière cet engagement financier, la maison Pommery tient à ses agents un double discours : un discours qui les incite à tout faire pour rentabiliser ces investissements[30] et un discours de prudence, notamment sur le marché anglais, où elle invite A. Hubinet à la « plus grande économie » de manière récurrente. Cela apparaît déjà dans ses conditions de représentation arrêtées par H. Vasnier :

 

« [...] vous ferez en sorte pour les frais de Bureau et d’installation, de viser à la plus grande économie. Si vous jugez que l’adjonction d’un jeune employé [...] pour le moment, il suffit de vous restreindre à l’indispensable... »[31]

 

La Maison préfère adopter une démarche prudente dans ses investissements sur ce marché, démarche qui se comprend facilement : l’implantation de la marque reste aléatoire dans un négoce comme celui du champagne, fortement dépendant de la conjoncture, et dans lequel il est difficile pour une nouvelle marque de percer. Les aléas d’une telle entreprise invitent à la prudence, à « attendre de voir comment les affaires marchent »[32]. H. Vasnier refuse en effet le recrutement d’un employé de bureau[33] et la location d’une nouvelle cave[34]. De plus, il se voit reprocher à plusieurs reprises des dépenses excessives en échantillons de vins[35]. Il s'agit de ne pas trop augmenter des frais qu’elle juge déjà suffisamment lourds. Si cette politique freine le développement des affaires sur ce marché dans un premier temps, elle ne remet absolument pas en cause les ambitions de la maison Pommery sur le marché anglais. Elle affiche toujours une certaine confiance en l’avenir[36]. Cette démarche témoigne de la perspective d’avenir dans laquelle la maison Pommery se place : il s’agit s’implanter, et donc de durer[37].

 

Cette même perspective d'implantation se retrouve dans la politique adoptée concernant la marque elle-même. Rappelons que la Maison limite ses ventes à deux qualités pour établir « une réputation solide et durable » et qu’elle commence par appliquer cette politique sur le marché allemand, puis anglais[38]. En outre, un rôle particulier, qui a trait à la conception même du vin, semble être dévolu à A. Hubinet et L. Mertens. Il s’établit en effet entre eux et la Maison un échange critique en vue de présenter le vin le mieux adapté au marché. Il nous faudra revenir sur l'importance de ce travail sur le marché anglais, mais l'exemple du marché allemand est tout aussi éclairant à ce sujet. Dans un premier temps, la Maison envoie à son agent des échantillons de différentes opérations de ses vins, afin qu’il lui donne son avis :

 

« [...]  pour être fixés sur le genre de vin qui convient le mieux à vos contrées tout en conservant si possible notre cachet de vins secs qui seuls plaisent habituellement aux connaisseurs »[39].

 

L'enjeu pour la Maison de proposer « le genre de vin qui convient le mieux » s’inscrit dans une volonté de rivaliser avec les plus grandes marques. Quand elle décide d'élaborer un vin mieux adapté aux exigences du goût allemand[40], elle demande à son agent des échantillons des vins de Roederer, St Marceaux, Heidsieck et Clicquot – « ce qu’ils font de mieux pour le marché de Berlin [...] afin de [la] guider dans [ses] opérations»[41]. Il s'agit clairement de trouver une référence dans le goût dominant : sa politique place la marque à contre-courant sur ce marché, position qui n'est pas tenable. Là encore, si elle change son vin c’est au nom de ses ambitions : elle vise ce qu'il y a de mieux, pour « lutter victorieusement » contre les premières marques du marché[42]. La même démarche s'observe sur le marché anglais. A. Hubinet envoie les échantillons des vins qui sont « très aimés à Londres », suite aux critiques adressées à l’encontre de la marque. Par la suite, il envoie « une bouteille des principales marques vendues sur ce marché »[43]. Sur ces deux marchés - qui lui tiennent particulièrement à cœur - elle a pris conscience de la nécessité de s’adapter au goût dominant. La similitude de politique traduit, semble-t-il, l’intérêt que représente ces deux marchés pour la maison Pommery. Par-là même, elle se donne les moyens de rivaliser avec les plus grandes marques et, partant, de s’implanter durablement sur ces marchés.

 

1.1.3. La place des marchés traditionnels

 

Si la maison Pommery cherche à s'implanter sur de nouveaux marchés, ce n'est pas pour autant qu’elle abandonne ses marchés "traditionnels", bien au contraire : elle ne se résigne pas au recul que la marque peut y connaître. La logique n’y est évidemment pas la même ; il s’agit plutôt d’y relancer les affaires, particulièrement sur le marché belge. Cela met en évidence l’enjeu qu’ils représentent pour elle, au même titre que les marchés allemand et anglais.

 

La Maison recrute de nouveaux intermédiaires, signe manifeste de cette volonté de dynamiser ces marchés. Elle a ainsi recours aux services de plusieurs voyageurs chargés de relancer les affaires aux Pays-Bas. Cependant, de ces différents voyageurs, aucun ne semble avoir réussi. Poidevin fils, par exemple, y a effectué plusieurs voyages[44], sans beaucoup de résultats[45]. La tournée qu’il a entreprise en 1861 se solde par un échec, auquel sa conduite indigne vient ajouter[46]. Elle envoie probablement un autre voyageur en 1862[47] et entre en contact, la même année, avec la maison Auzon & C° de Hambourg[48], qui semblent jouir de bonnes relations sur ce marché. Ce sont eux qui ont encore en charge les affaires en 1864/ 1865. A cette époque, H. Vasnier se plaint amèrement de la diminution des affaires en Hollande, mettant en cause le travail de ces voyageurs et leur demandant de trouver « un remède énergique »[49] :

 

« […] nos affaires dans ce pays paraissent diminuer tous les jours [...] vous engager à redoubler d’activité et de démarches pour arriver à  un résultat plus satisfaisant... »[50]

 

Cette rétraction du volume des affaires semble patent en 1864/1865 : la densité de relation avec les deux commissionnaires de ce marché s’est sensiblement affaiblie, le nombre de lettres échangées ayant diminué de plus du quart (- 27,5%). Ce recul marque l'impuissance des différents voyageurs qui se sont succédé. Il est probable que la Maison a travaillé ce marché par leur intermédiaire, faute d'avoir trouvé un agent valable qui puisse y soutenir la marque de manière constante. C'est d'ailleurs vers ce genre d'intermédiaire qu'elle se tourne à la fin des années 1860, à la suite de Auzon & C°. Des contacts avec un agent ont déjà été entrepris en 1862, alors que la Maison recherche un « agent qualifié », mais ils n’ont pas abouti. Par la suite, les affaires ont été confiées à E. Stuyvaert, qui cumule alors l'agence générale de la Belgique et des Pays-Bas[51].

 

Sur le marché belge, la situation de la marque ne semble guère plus brillante qu'en Hollande. De nouveaux intermédiaires interviennent également, mais essentiellement dans la perspective de développer les affaires avec les provinces de Namur, de Liège et du Luxembourg belge. Bien que la marque soit encore peu présente dans ces provinces, elle semble rencontrer un certain succès dans la province de Namur dans ces années-là. D’ailleurs, H. Vasnier demande également à G. Van Loo d’en profiter pour travailler à implanter la marque dans ces provinces[52]. En 1864/1865, l’implantation de la marque dans ces provinces est toujours, et même plus que jamais d’actualité – ce qui tend à montrer que les efforts entrepris au début des années 1860 n’ont pas abouti – à un moment où le contexte oblige la Maison à réagir sur le marché belge, la concurrence se faisant de plus en plus vive:

 

« […] La concurrence est tellement considérable surtout depuis que la marché [américain] est fermé aux maisons en vogue dans ce pays, qu’on ne saurait trop redoubler d’activité pour ne pas se laisser déborder. Tous nos concurrents anciens et les maisons nouvelles cherchent sans cesse à s’introduire et s’implanter en Belgique, il importe à vous comme à nous qu’on ne nous mette pas dehors et que nous soyons toujours dans les premiers ... »[53]      

 

A la fin des années 1850, le développement de ses affaires avec de nouvelles provinces peut être interprété dans la perspective de consolider son principal débouché. En 1864/1865, le ton n’est plus le même. C’est la position de la Maison sur son marché "historique" qui est menacée, marché sur lequel il lui tient à cœur de conserver une bonne place. Cet extrait nous offre un aperçu de la forte concurrence qui règne au sein du négoce du champagne, en l'occurrence liée à la fermeture relative du marché américain[54]. Développer ses affaires avec ces provinces devient un impératif pour "défendre" sa position sur ce marché. C’est certainement dans cette optique qu’il convient d’interpréter le recrutement de Bollot, engagé comme voyageur, puis de Bougon pour le remplacer faute de résultats. L’implication de G. Van Loo dans ce projet vient encore renforcer cette idée[55]. La Maison lui demande de conseiller Bollot « pour qu’il arrive à créer quelque chose à Liège où la maison ne fait rien »[56]. Par la suite, elle le tient au courant des démarches de Bougon. Ces démarches ont un coût. Il s’agit d’un véritable investissement qui comporte des risques, assumés par la Maison[57]. Il est révélateur de retrouver la même thématique des « sacrifices» qu’elle s’impose[58]. Ces efforts témoignent de l’enjeu particulier que revêt l’implantation de la marque dans ces provinces.

 

Deux autres éléments mettent en évidence la volonté de la Maison de dynamiser ses marchés "traditionnels". Entre 1859 et 1865, elle envoie des circulaires aux notabilités et personnes influentes des places les plus importantes de ces marchés : Bruxelles, Anvers, Rotterdam, La Haye. Cette prospection systématique a sans aucun doute pour but de soutenir les ventes[59]. Elle recourt également aux services de N. Greno. Les problèmes de santé qui l'ont empêché d’y effectuer le moindre voyage ne sont sans doute pas étrangers aux difficultés que la Maison y rencontre au début des années 1860. Il est d’ailleurs significatif que Mme Pommery tienne à plusieurs reprises à l’envoyer à Bruxelles pour aller réveiller la clientèle et aider G. Van Loo[60]. Signalons également qu’il effectue le même travail à Paris, où il se rend régulièrement. Concernant la Belgique, il met ainsi en garde la Maison contre G. Van Loo « qui se contente de soigner les Flandres, négligeant Bruxelles ». Il faut faire porter les efforts sur la capitale étant donné son influence sur le reste du pays[61], notamment en s’attachant les services de nouveaux représentants. Ces conseils sont entendus par la Maison. Ainsi, H. Vasnier, dans une lettre adressée à G. Van Loo, souligne l’enjeu que représente Bruxelles pour les affaires, dans les mêmes termes que l’a fait N. Greno[62]. L’installation de G. Van Loo dans la capitale correspond sans doute à la volonté de la Maison de travailler particulièrement cette place. En outre, elle entre en contact avec De Joncker, chargé de travailler la clientèle particulière à Bruxelles[63].

 

1.2.         Un espace commercial mouvant

 

Cette structure embryonnaire sert de cadre à la maison Pommery pour le développement de ses affaires sur ses principaux marchés, ceux qui revêtent un enjeu pour elle au cours de cette première période. Son intérêt peut se mesurer à l'aune des autres places ou marchés avec lesquels la maison Pommery cherche à développer ses affaires.

 

1.2.1. Une volonté de diversifier les débouchés

 

A la fin des années 1850, la Maison cherche à étendre ses relations commerciales dans des directions qui se démarquent de l'aire traditionnelle de ses affaires. Les contacts avec les villes de Bordeaux et Marseille s’inscrivent parfaitement dans cette logique d’extension. Bordeaux entretient en effet des relations soutenues avec les "Colonies" et l'Amérique du Sud, deux destinations où la Maison expédie son vin d'exportation[64], mais également avec l'Angleterre qui lui achète ses vins. Marseille, ville commerçante, ouvre les portes du monde méditerranéen avec lequel elle entretient des relations importantes. Cet espace semble d'ailleurs être l’objet de convoitises : la Maison a, à la fin des années 1850, des intermédiaires à Gênes, à Naples et à Alger, mais également en Espagne, par le biais de Pomès. Elle tente également d’étendre ses relations avec les marchés russes et américains, qui comptent parmi les principaux marchés du champagne à cette époque. Puis, dans la première moitié des années 1860, elle s'attache les services de représentants en Suisse et dans les provinces méridionales de l'Allemagne[65].

 

Cette recherche de diversification n'a rien d'exceptionnel dans un négoce comme celui du champagne où, nous l'avons vu, les débouchés extérieurs occupent une place prépondérante. Mais l'extension des affaires ne passe pas ici par le recrutement d'agents. Dans un premier temps, la maison Pommery semble en effet recourir principalement aux services de consignataires[66]. Le recours à ce type d'intermédiaire semble particulièrement adapté à ces débouchés encore hésitants. Il révèle une certaine prudence : ces intermédiaires concentrant toutes les opérations, elle ne s'attache pas les services de commissionnaires, notamment pour les recouvrements.

 

Pour autant, cela ne semble pas remettre pas en cause l'idée que la maison Pommery tient à développer sérieusement ses affaires dans ces directions. A cet égard, l'exemple des Etats-Unis est particulièrement révélateur. C'est elle qui a pris l'initiative des contacts avec la maison Mestayer & Pergeline de New-York, à qui une consignation a été faite[67]. Quant ils lui ont annoncé leurs difficultés en octobre 1859[68], elle a tout de suite pris contact avec une autre maison[69]. Cette persistance est bien le signe que le développement des relations avec les Etats-Unis apparaît comme un objectif à ce moment pour la Maison : la marque n'y est pas connue et elle cherche à s'y créer une clientèle[70]. La même démarche préside aux relations engagées avec la maison Pomès, qui a un représentant dépositaire en Espagne[71]. Quant à la maison Van Ogtrop & C° – que N. Greno a décidé à s'occuper des affaires de la maison Pommery en 1857[72] – les reproches qui lui sont faits s'inscrivent sans doute dans la même perspective[73]. Même si un certain opportunisme prévaut sur certains marchés - quand ces intermédiaires sont recrutés à la suite d’offres de services - cette perspective de développement n'est pas absente. Le recrutement de Guérard offre à la Maison la possibilité de développer des affaires qu'elle voudrait voir "plus actives et plus sérieusement menées"[74]. En ce qui concerne l’Italie, cette volonté d’intensifier leurs affaires apparaît clairement explicitée dans une lettre envoyée à J. Cristin où H. Vasnier caresse l’espoir de faire de la place de Naples « un débouché important ». Il est probable que la Maison ne faisait jusque-là que des affaires par l’intermédiaire de relations, ce qui permet certes de faire connaître la marque[75], mais nuit à toute implantation sérieuse. Quant aux provinces russes, les renseignements pris avant d'établir des relations viennent encore ajouter à cette idée[76].

 

Les affaires avec ces places n'ont cependant jamais dû connaître un développement considérable, comme semble le montrer la faible intensité des échanges épistolaires. Ces intermédiaires éprouvent vraisemblablement des difficultés à écouler les vins de la Maison. Aussi est-elle obligée de les relancer régulièrement, ou d'essayer de les motiver. Il n'est pas étonnant, dans ce contexte, de constater qu’entre 1860 et 1864, les relations avec de nombreux intermédiaires ont cessé[77]. En revanche – fait remarquable – les échanges amorcés avec ces places ou ces marchés ne sont pas définitivement abandonnés[78]. Ainsi, la maison Pommery entreprend des contacts avec une nouvelle maison pour la représenter sur la place de Bordeaux. En 1868/1869, les contacts avec l'Italie sont entretenus par le biais de deux voyageurs : Michel recueille une partie de ses commandes en Suisse et en Italie - notamment à Gênes -, de même que Inaudi. En outre, ce dernier recueille des commandes dans le sud de la France. La Maison recrute un représentant à Marseille en la personne de Talon et des contacts sont également entretenus avec cette ville et l'Algérie par le biais d’un autre voyageur, Faucon. Si les orientations restent, il s’observe cependant un fort renouvellement des intermédiaires. En 1872/1873, elle n'est plus en relation avec la plupart de ceux précédemment cités. De manière générale, pour les relevés allant jusque 1875/1876, d'un relevé de correspondance à un autre, nombre d'intermédiaires disparaissent. La Maison n'a ainsi plus de contacts avec Schauer en 1868/1869, avec Schmölder en 1872/1873, avec Inaudi, Michel et Faucon en 1872/1783, avec Barthélémy et Bipper – deux autres voyageurs – en 1875/1876. Tous ont pour champ d’action ces débouchés qu’elle essaie de développer depuis la fin des années 1850, notamment le monde méditerranéen et la Russie. Cette permanence est d'autant plus remarquable que la Maison ne tient pas, par ailleurs, à éparpiller ses efforts : elle ne cherche pas à grandir à tout prix[79]. Cela semble démontrer son attachement au développement de ses affaires dans ces directions.

 

1.2.2. Une logique différente

 

Cet espace où elle cherche à étendre ses affaires apparaît "mouvant". Les modalités y sont très changeantes, qu'il s'agisse du mode de travail ou des intermédiaires eux-mêmes, mettant en évidence un certain "tâtonnement". Elle est également confrontée à ce problème quand elle cherche à travailler les marchés belge ou hollandais : la multiplicité des voyageurs employés pour les travailler s'inscrit tout à fait dans la même perspective[80]. En outre, dans certaines régions, principalement dans les régions françaises avec lesquelles elle fait traditionnellement des affaires, domine une impression d’"éclatement". Jusqu’à la fin des années 1860, cet espace est quadrillé par un ensemble de petits représentants, dépositaires ou autres voyageurs. Il y a une certaine permanence dans les intermédiaires, mais la définition de leur champ d’action est relativement floue. S’ils réalisent l’essentiel de leurs ventes sur une place ou dans une région, ils n’y sont pas spécialement attachés. Nous remarquons ainsi, dans les relevés de 1859/1860 et 1864/1865 – ou encore dans celui de 1868/1869 –, de nombreux exemples de champs d'action qui se recouvrent concernant ces régions. Le travail de certains voyageurs vient par exemple se surimposer à celui de représentants locaux[81].

 

Si l’aire principale des affaires est organisée par des pôles, nous observons donc, d’un autre côté, un espace diffus, beaucoup moins structuré. Dans cet espace, l'opportunisme a certainement dû prévaloir dans le choix d'une grande partie des intermédiaires, recrutés à la suite d’"offres de services". Nous pouvons supposer que la Maison essaie de tirer le meilleur parti des opportunités qui se présentent à elle pour le travailler le plus efficacement possible et essayer d’y développer ses affaires. La permanence des relations avec certains marchés tend à prouver leur intérêt, mais il est probable qu’elle cherche avant tout à y répandre la marque plutôt qu'à s'y implanter solidement. C’est sans doute ce qui explique le recours aux services de consignataires ou de voyageurs - ou encore le fait de multiplier les intermédiaires dans certaines régions. Précisons cependant que la Maison a tendance à organiser progressivement cet espace. Elle cherche, dès la fin des années 1860, à ne plus multiplier les intermédiaires[82]. Au début des années 1870, il n’y a plus qu’un seul voyageur, en la personne de Barthélémy, chargé de prospecter l’Italie. En France, leur nombre a sensiblement reculé ; il n’y a quasiment plus qu’un représentant pour chaque région. La faiblesse des affaires dans cet espace, que traduisent des chiffres de ventes limités, semble cependant marquer une certaine impuissance. Il s’explique sans doute pour une part par l’incapacité de certains représentants, conjuguée au manque de notoriété de la marque sur ces marchés. Si les intermédiaires se sont succédé, c’est qu’aucun n’a durablement répondu aux exigences de la Maison. Elle n’est pas la seule maison à être confrontée à ce problème. J.P. Devroey insiste également sur la caractère éphémère des relations entre la maison Perrier-Jouët et nombre de ses intermédiaires dans les années 1840[83]. Plus généralement, cela souligne les limites du recours aux services de consignataires ou de voyageurs, dont la présence n'est pas continue sur un marché ou dont les efforts ne sont pas toujours concentrés sur le développement d’une marque.

 

2.                L’emprise limitée de la maison Pommery sur ses affaires

 

Nous avons eu l'occasion de souligner le rôle de ses intermédiaires, à savoir qu’ils ont charge d'assurer le développement de ses affaires et la promotion de la marque[84]. Nous nous sommes intéressés ici aux relations que la maison Pommery entretient avec eux - et particulièrement avec ses agents[85] -, au cours de cette première période, pour voir notamment leur rôle dans  l’application de sa politique commerciale. Il nous faut alors relativiser l’emprise de la Maison.

 

2.1.         Le dialogue entre la Maison et ses "représentants"

2.1.1. La volonté de s'assurer de leur travail

 

Il est important pour la Maison d'établir un dialogue avec ses représentants pour assurer le développement de ses affaires. Les représentants jouissent d'une réelle autonomie dans leurs démarches. En revanche, la Maison exige d'eux une correspondance régulière. Au-delà du respect mutuel que se doivent des personnes qui sont en relation d’affaire[86], elle tient à être tenue au courant de ces démarches et de leurs résultats[87]. Les plaintes de H. Vasnier sont là pour témoigner de cette exigence[88]. Il s'agit par-là de demander des comptes aux représentants et de s’assurer du suivi sérieux des affaires de la Maison :

 

« […] nous prouver que vous vous occupez de notre marque et que vous prenez au sérieux la représentation. »[89]

 

De même, H. Vasnier ne manque jamais de rappeler les exigences de la Maison quant au développement de ses affaires :

 

« […] car nous ne pouvons ainsi laisser péricliter nos affaires. Votre éloignement de Hollande et les deux courtes apparitions que vous y faîtes ne sont pas de nature à remplir notre but.»[90]

 

Ces rappels abondent dans la correspondance, particulièrement dans la première moitié des années 1860. Ils ne concernent pas que les voyageurs ou représentants de l’espace commercial peu structuré évoqué précédemment, mais ils s’adressent également à ses principaux agents[91]. Ils témoignent du contrôle que la Maison entend exercer sur le travail de ses représentants, ce qui se comprend particulièrement dans le cas de ses agents. La multiplicité de ces références tend à montrer qu’elle attend d'eux qu'ils soient les véritables ressorts du développement des affaires. Les investissements réalisés - par le biais de ses agences - ne sont pas un gage suffisant dans cette optique. Elle rencontre ainsi régulièrement des difficultés avec ses agents à Paris et les résultats de ses agents à Bruxelles et à Berlin l’ont inquiétée au point de demander à N. Greno de se rendre sur place ; de fait, la faiblesse relative de ses affaires sur ces marchés au début des années 1870 vient en témoigner.

 

Dans les faits, la maison Pommery semble éprouver beaucoup de difficultés à s’assurer du travail de ses représentants. Ils reçoivent une commission sur les affaires qu’ils réalisent pour son compte, mais ils peuvent les négliger si d’autres activités de représentation sont plus rémunératrices par exemple. Il suffit de voir, au cours de cette première période, le chiffre de ventes de certains représentants et la faible intensité des échanges épistolaires avec la Maison pour mesurer leur faible motivation[92]. L’exemple des relations avec la maison Van Ogtrop & C° de Gênes vient illustrer cette idée. Alors que la Maison entend voir ses affaires en Italie « poussées plus sérieusement », ses conseils restent lettre morte[93]. Cette démarche témoigne d’une tentative pour essayer de reprendre un certain contrôle sur ses affaires, contrôle qu’elle n’a pas[94]. En définitive, un représentant est seul juge de l’importance qu’il accorde à telle ou telle représentation. Il risque fort, par exemple, de ne pas consacrer ses efforts à pousser une marque si elle ne se vend pas ou difficilement. La Maison est confrontée d’autre part à l’incapacité manifeste de nombreux intermédiaires à développer ses affaires - quel que soit leur statut. Certains de ses agents à Paris se sont révélés « incapables »[95]. Ce problème illustre plus généralement les difficultés à trouver des représentants valables, ce dont la Maison se plaint à plusieurs reprises[96]. Les frasques de certains de ses voyageurs viennent en témoigner[97]. Pour pallier ces difficultés, N. Greno va même jusqu’à proposer à Mme Pommery de créer une école pour former des représentants[98]. Dans cette perspective, le dialogue que la maison Pommery entretient avec ses "représentants" cherche à faire prévaloir ses intérêts ; la multiplicité de ces rappels et la faiblesse des affaires sur de nombreuses places ou marchés relativisent son efficacité.

 

2.1.2. Leur implication dans sa politique

 

Si un représentant jouit d'une certaine autonomie dans son travail, cela n'empêche pas une concertation avec la Maison, notamment quand un client a des exigences particulières. Il soumet également à son approbation toute modification dans son travail ou toute idée concernant la marque. C'est la Maison qui juge en dernier ressort de l'utilité de leurs propositions. A l'inverse, elle ne peut pas aller contre leur volonté – particulièrement celle de ses agents – ni même essayer de les contourner quand il s'agit de développer ses affaires sur une place ou un marché. Ainsi, la Maison a fréquemment utilisé des circulaires dans les premiers temps, en vue de développer la notoriété de la marque[99]. Ces circulaires lui offrent la possibilité d’exercer un certain contrôle sur le développement de ses affaires. Elles interviennent comme un complément aux démarches de ses agents, sans pour autant s’y substituer. Si certains intermédiaires ont contribué à cette initiative, d’autres en revanche l’ont freiné. Ainsi, G. Van Loo l’a refusée dans un premier temps, avant de s’y résoudre[100]. D’autres s’y sont prêté de mauvaise grâce[101]. Cela illustre l’étroitesse de sa marge de manœuvre quant au développement de ses affaires.

 

C'est dans ce cadre que la maison Pommery cherche à entretenir un dialogue, le plus constructif possible dans l’intérêt des affaires et de la marque, avec ses représentants. Ce dialogue est constant, comme en témoignent les multiples recommandations que H. Vasnier leur adresse dans la correspondance. C'est le cas, par exemple, des visites à la clientèle, qu'il recommande particulièrement quand les affaires sont difficiles[102], ou des conseils qu'il donne à Van Ogtrop « sur la meilleure manière de pousser et introduire [la] marque en Italie »[103]. Ce dialogue lui permet de faire valoir la ligne de conduite que ses représentants doivent suivre dans la perspective du développement des affaires et de la marque :

 

« [...] dans l’espoir que cette augmentation vous permettra de donner plus d’animation à nos rapports […] vous permettra comme le fait Van Loo de donner une grande impulsion à la vente de céder aux négociants 5 à 10% sur les prix nets à Reims […] de cette façon ces messieurs auxquels vous ne faisiez que de la concurrence jusqu’alors sans leur faire d’avantage vous recommanderont et pousseront la marque, ce qu’ils gardent bien de faire quand ils sont sur le même pied que la clientèle particulière à laquelle vous ne vendez pas non plus assez cher... »[104]

 

Les négociants en vins forment une clientèle particulièrement importante pour une maison car ils sont à même de « pousser [une] marque »,  c’est-à-dire de la recommander auprès de leur clientèle et de la promouvoir. Il importe donc de ne pas les concurrencer et de leur laisser une certaine marge de bénéfice. Il n’est pas sûr que la maison Pommery leur accorde déjà, à la fin des années 1850, des conditions de paiement avantageuses[105]. C’est donc à ses représentants qu’il revient de mettre en œuvre cette politique, d’une part en leur accordant une remise[106] et d’autre part en vendant plus cher aux particuliers[107]. Il ne s'agit vraisemblablement ici que de conseils donnés dans l'intérêt des affaires, d’incitations, mais l’application de ces principes dépend de leur bon vouloir. Ils n'en indiquent pas moins les orientations de la maison Pommery, qu'il s'agisse de sa politique commerciale ou celle concernant plus généralement le développement de ses affaires.

 

Ce dialogue est particulièrement important à un moment où la politique de la maison Pommery n’est pas encore fixée. Elle évolue progressivement au cours de cette première période. C'est le cas, par exemple, de la réduction du nombre de qualités, de sa politique de prix ou même des conditions de vente. Ainsi, quand elle cherche à développer la marque – particulièrement au cours des années 1860[108] –, H. Vasnier recommande aux représentants de privilégier la vente de la qualité supérieure de la marque notamment, la "Carte Blanche" :

 

« […] car ce sont des vins [les qualités "Sillery" et "Tisane"] que nous ne tenons pas du tout à vendre […] ce ne sera pas avec de vins à 3,5 ou 2,5 frs qu'on réussira à battre les Clicquot et Roederer. Chose à laquelle nous visons et vous engageons de viser. »[109]

 

Nous ne reviendrons pas sur l'intérêt porté à la réputation de la marque à cette époque[110]. En revanche, si nous avons choisi cet extrait, c'est qu'il est révélateur de l'implication à part entière des représentants dans le développement des affaires ou dans le processus de construction de la marque - implication que traduit ici l'emploi du pronom impersonnel. Les objectifs de la Maison doivent être ceux de son représentant. La mise en œuvre de sa politique reposant sur ses représentants, il importe donc à la Maison de les convaincre de son intérêt. La progression de la marque, notamment face à des marques en vogue, et donc de leurs ventes, est censé constituer un ressort puissant. Lorsqu’il leur donne des conseils ou des consignes, H. Vasnier prend le soin de démontrer leur intérêt dans cette perspective :

 

« […] Tâchez donc pour l'amour de Dieu de ne pas multiplier les sortes que nous vendons […] n'expédier en Belgique que du Crémant et du Bouzy, nous verrons alors la marque gagner en influence et battre toute concurrence. »[111]

 

Là encore, son représentant est impliqué à part entière dans une lutte que mène la marque, et qui doit voir sa "victoire". Cette lettre envoyée à leur agent à Bruxelles est, dans sa totalité, un plaidoyer de H. Vasnier en faveur de la réduction du nombre de qualités, dans l'intérêt de la marque. Cette implication prend généralement la forme d’un discours qui valorise la mutualité d'intérêt entre la Maison et ses représentants. L’enjeu de ce discours dérive, semble-t-il, de perspectives divergentes : la maison Pommery se place davantage dans une perspective de long terme – qui est celle de l’accroissement de sa réputation et du développement de ses affaires – alors qu’un représentant se place plutôt dans une logique de profit à court terme. Il ne s’agit pas de systématiser cette divergence - un agent comme A. Hubinet semble conscient au plus haut point de l’intérêt de la marque - mais il n'est pas difficile d'imaginer en quoi certaines mesures heurtent leur intérêt immédiat : un représentant vend avant tout ce que le client lui demande et il a tendance à baisser les prix plutôt que de manquer une affaire, ou à vendre sans prendre tous les renseignements désirables. La même démarche d’implication s'observe donc pour tout ce qui concerne le développement des affaires ou de l’image de la marque. C’est le cas par exemple de la vente des vins fins, du maintien des prix, de la prudence dans les placements, etc… Ses recommandations concernant ce dernier point prouvent que cette divergence de perspective est une réalité, que la maison Pommery cherche à limiter. De même, le fait qu’elle tienne à ce que ses représentants soient convaincus de la qualité des produits s’intègre à cette perspective. Il importe en effet que le vendeur soit pénétré non seulement de la qualité du produit qu’il vend mais également de l’"esprit" de la maison qu’il représente, et donc de l’intérêt de la marque[112].

                                                                                        

2.2.         Des difficultés à imposer sa ligne de conduite 

2.2.1. Des "zones" de tension avec ses représentants

 

Outre les difficultés à développer ses affaires, nous relevons, dans la correspondance de cette première période, une certaine impuissance de la maison Pommery à imposer sa ligne de conduite. Elle rencontre vraisemblablement des difficultés à faire vendre ses qualités supérieures, en particulier sur les marchés belges, hollandais et français[113]. Elle éprouve surtout des difficultés à faire respecter les principes de sa politique commerciale, alors qu’ils ne sauraient a priori être remis en cause. Dans les faits, leur mise en œuvre suscite un certain nombre de tensions entre la Maison et ses représentants – liées en partie à la divergence de perspective évoquée précédemment. Il en va ainsi de la prudence dans les placements, érigée en véritable dogme étant donné son importance pour la bonne marche des affaires[114]. Or, au cours de cette première période, la Maison reproche à la plupart des représentants, particulièrement à ses agents, de ne pas prendre tous les renseignements désirables sur leurs clients et de mettre ainsi la marque dans une position délicate[115]. La conjoncture difficile, notamment à la fin des années 1850 et au début des années 1860, contribue aux difficultés dans les recouvrements, mais cela ne dégage sans doute pas pour autant la responsabilité de certains intermédiaires. H. Vasnier leur reproche ainsi des ventes faites à des clients douteux, voire en faillite[116]. La multiplicité de ces rappels témoigne d’une certaine impuissance de la maison Pommery.

 

Cette impuissance se manifeste de manière encore plus patente dans l’application de ses prix et conditions de vente. Il s’agit là d’une autre zone de tension avec ses représentants, leur application n’étant pas aussi rigoureuse que la Maison l’entendrait. Rappelons que le prix est, semble-t-il, un élément essentiel de sa politique. Nous relevons en effet de nombreux rappels à l’ordre, enjoignant ses représentants de respecter ces conditions. Leur maintien est, nous l'avons vu, présenté comme une exigence, non seulement car elles se justifient au regard de la qualité, mais surtout en raison du discrédit que toute concession de prix jette sur la marque[117]. Or certains agents ont vraisemblablement systématisé ces réductions, obligeant la Maison à s'adapter. C'est le cas de L. Mertens et de A. Hubinet par exemple. Ainsi, quand elle expose à Brenken ses conditions de vente, elle lui laisse la possibilité d’accorder une réduction de vingt-cinq centimes par bouteille, tout en précisant qu’elle « est opposée à ce système »[118]. Cette possibilité est sans aucun doute liée aux pratiques de vente de L. Mertens. De même, H. Vasnier expose à Schmölder une double échelle de prix, intégrant une réduction de vingt-cinq centimes – voire jusqu’à soixante-quinze centimes pour le "Verzenay". Il lui explique qu’il ne peut le faire bénéficier que d’une commission proportionnelle au prix de vente et non d’une « commission fixe et unique » car L. Mertens a pris « la mauvaise habitude de vendre [...] à des prix différents.. »[119]. Ces pratiques commerciales apparaissent alors totalement en décalage avec la politique que la Maison souhaite mettre en place[120]. La persistance de ces reproches marque son impuissance à faire évoluer la situation. Dans la correspondance adressée à A. Hubinet, ces reproches sont également monnaie courante, et ce jusqu’au début des années 1870 au moins. H. Vasnier se plaint à plusieurs reprises de ses conditions de vente sur le marché anglais, qui sont désastreuses pour la Maison[121]. Le marché belge ne fait pas exception.

 

Ces exemples illustrent l'autonomie dont disposent les représentants, qui vient limiter l'emprise de la maison Pommery sur sa politique, tout du moins au cours de cette première période. A cet égard, les difficultés à imposer le principe de l'exclusivité réservée aux négociants nous semblent révélatrices. La Maison a adopté ce principe sur le marché anglais, où elle s'est engagée à ne pas traiter avec des particuliers anglais. A. Hubinet ne sollicite que les négociants sur ce marché et il n'est donc pas en position de leur faire concurrence. Au début des années 1870, la Maison cherche à étendre cette règle à l’ensemble de ses marchés[122], ce qui correspond à une étape dans le développement de la marque. C’est sur le marché allemand que ses velléités sont sans doute le plus affirmées. La Maison essaie de faire prendre conscience à L. Mertens de la nécessité d’adopter cette politique, comme nous le révèlent les lettres envoyées à la fin de l’année 1872 et au début de l’année 1873 :

 

« [...] Nous devons ajouter que pour vous faire bien voir du commerce [...] et les encourager à pousser la marque, vous devriez toujours refuser d’expédier aux particuliers [...] En agissant autrement vous faites la concurrence au commerce et jamais il ne vous prêtera son concours... »[123]

 

« [...] Comme nous ne tenons pas du tout à vendre aux particuliers [...] nous vous prions en grâce, à l’avenir, de vouloir bien faire exécuter les ordres que vous pourrez recevoir par n’importe quel négociant de la localité [...] et pour que les négociants aient intérêt à pousser la marque, il suffira que la maison ne vende qu’au commerce... »[124]

 

Cette correspondance laisse entrevoir une mise sous pression graduelle de L. Mertens, la Maison essayant de lui faire accepter à tout prix cette mesure[125]. Cependant, cette tentative se marque par un échec ; il faut attendre 1879 pour que cette mesure soit mise en œuvre sur le marché allemand. Encore ne l'est-elle que sous la pression de négociants allemands, qui en réclament l'application[126]. L'opportunisme qui prévaut ici souligne l'étroitesse de la marge de manœuvre de la maison Pommery. Elle ne dispose vraisemblablement pas de tous les moyens pour assurer le développement de ses affaires, malgré l’implication de ses représentants. C’est sans doute le même opportunisme qui lui permet de ne plus vendre qu'une seule qualité de vins en 1873.

 

2.2.2. Une politique trop exigeante 

 

Les difficultés rencontrées à impulser ses affaires sur la plupart des marchés, son impuissance à imposer sa politique peuvent également se poser en d’autres termes : l’impuissance des représentants à appliquer et tenir une politique exigeante au regard de la faible notoriété de la marque. L’exemple du marché anglais semble nous indiquer que celle-ci est encore faible, comme l’écrit un négociant en vin de Liverpool à A. Hubinet :

 

« […]Dear Sir, I cannot make progress with your champagne, people here objecting to buy as the brand is unknown to them, and the price higher than Perriers or Moëts, which they know well. »[127]

 

Ce passage met en évidence le rôle de la notoriété comme préalable à la réussite d’une marque[128]. Les prix élevés de la Maison constituent, dans un premier temps, un handicap au développement de ses affaires. Ils viennent compliquer le travail des représentants ; il est d’autant plus difficile de vendre cher une marque peu connue, face à des concurrents jouissant d’une notoriété déjà bien établie. Cette implantation est sans doute un obstacle des plus gênants, car imposer la marque dans ces conditions relève de la gageure. Les exigences de certains clients - concernant les prix et les délais de paiement notamment - sont autant de problèmes auxquels est confrontée une marque peu ou pas connue. Elle n’est pas forcément en position d’imposer ses conditions ; elle doit au contraire subir celles des clients, notamment des acheteurs les plus importants, et ce quelle que soit la qualité du vin. les clients se trouvent en position de force et peuvent imposer leurs conditions aussi bien pour les prix que pour les délais de paiement, et ce quelle que soit la qualité[129]. C’est d’ailleurs ce que souligne A. Hubinet dans cet extrait :

 

« […] J’ai maintenant beaucoup de confiance dans l’Extra et à l’avenir je maintiendrai le prix courant pour cette qualité. »[130]

 

 

Il ressort de cette analyse que la politique commerciale de la maison Pommery est sans doute trop exigeante au regard de la notoriété dont jouit la marque à cette époque, ou en tout cas trop exigeante pour qu’elle soit strictement suivie. Cette hypothèse confirme les ambitions de la maison Pommery, dont nous avons vu les fondements dans le discours de positionnement : il lui importe de rivaliser avec les plus grandes marques de l’époque[131]. C’est certainement à ce niveau que la divergence de perspective est la plus sensible : un représentant peut sans doute difficilement tenir une ligne de conduite qui, pour être exigeante, handicape les ventes. Il semble que les difficultés que la Maison rencontre sur ses marchés traditionnels s’expliquent en grande partie par cette politique exigeante. L’optique choisie par la maison Pommery l’a sans doute condamnée sur des marchés avant tout orientés vers les vins moyens. Rappelons que N. Greno l’a mise en garde contre sa politique de prix élevés et les risques qu’ils lui font encourir sur ces marchés[132]. Le recentrage sur les vins de qualité supérieure a dû s’opérer difficilement. Dès 1860, la Maison évoque avec son agent la volonté de suivre la même politique qu’en Allemagne en n’offrant plus que deux qualités. Si ces qualités ne doivent pas être proposées à la vente, H. Vasnier recommande toujours, aux représentants chargés des Pays-Bas, d’offrir le "Sillery" plutôt que de manquer la vente : ne proposer que deux qualités à la vente revient à se condamner sur les marchés belge et hollandais[133]. Une référence à une circulaire de Moët destinée au marché belge nous révèle que cette maison - qui jouit d’un grand succès en Belgique - y a adopté une toute autre politique[134]. Il en va probablement de même sur le marché français, où ses prix limitent également le débouché de la marque[135].

 

Si le marché anglais occupe une place prépondérante au début des années 1860, il ne semble pas que la maison Pommery a décidé d’y consacrer ses efforts. L’investissement dans un "embryon de réseau commercial" - qui repose notamment sur ses agences - témoigne d’efforts qui se portent tout autant vers le marché allemand, ou même vers ses "marchés traditionnels", que vers le marché anglais. Cependant, ce n’est pas pour autant que cette démarche est systématiquement couronnée de réussite. Sa marge de manœuvre est réduite par l’incapacité de certains de ses intermédiaires - représentants et ses agents - et par leur relative autonomie. Ajoutées à la faible notoriété de la marque et à l’implantation solide de ses concurrents, ce sont autant de contraintes qui pèsent sur la maison Pommery et expliquent ses difficultés à développer ses affaires et à imposer sa politique au cours de cette première période. Plus généralement, il semble que la politique suivie, exigeante, explique en grande partie ces difficultés, notamment sur ses "marchés traditionnels".  

 



[1] Il a probablement dû être recruté à la fin de l’année 1856. Une lettre, datée du 9 février 1857 lui fait part de l’envoi d’un « pouvoir pour obtenir une patente qui l’autorise à agir comme représentant et voyageur de [la] maison, légalisé en règle par devant notaire » (350, 167)

[2] La lettre-circulaire datée du 30 juin 1856, reproduite dans l’ouvrage de A. de Polignac sur Mme Pommery, est probablement envoyée à la clientèle de Belgique, pour lui annoncer le changement de raison sociale. Elle renvoie à l’adresse de son agent sur ce marché, à savoir G. Van Loo. (de Polignac A., op. cit., p.28)

[3] H.M.P., p.9

[4] H.M.P., p.9 - lettre de Mme Pommery à G. Van Loo datée du 2 janvier 1860 : « […] Nous venons enfin de louer une boutique sur le Boulevard des Italiens, entre le fameux tailleur Richard, et Henry le bijoutier…»

[5] C.C.H., p.4 -  lettre datée du 26 janvier 1861 : A. Floquet, qui a consulté cette lettre, note qu’elle est écrite sur papier à lettre à entête de M. Wallon, Agent général de Mme Veuve Pommery, Paris. 

[6] Nos sources nous apprennent qu'il a un dépôt à Londres. Il est probable qu’il n’y ait pas eu d’agence en Angleterre avec Kniep & C°, voire avant A. Hubinet.

[7] La Maison leur promet l’« agence générale et exclusive pour l’Angleterre » de ses vins, s’ils réussissent (lettre datée du 20 janvier 1859 - 359,339). Or, s’ils n’ont pas réussi, leur lettre de "démission" semble montrer qu’ils ont eu cette agence : « […] Quant à la disposition que vous intimez sur la dissolution de notre entente pour l’agence de vos intérêts en Angleterre, nous y sommes parfaitement d’accord avec vous et en renonçons après vos désirs… » (C.C.H., p. 8 -  lettre datée du 11 mars 1861).

[8] C.C.H., p.5 -  lettre datée du 30 janvier 1861   

[9] Le cas de l’Angleterre est un peu particulier car, si l’ancienne maison y a un représentant, il n’est pas sûr qu’elle consacre beaucoup à ce marché.

[10] Lettre adressée à Marguier datée du 28 mars 1860 (29, 31) : «  […] En effet, tandis que nos affaires grandissent au dehors, nous avons le regret […] de voir celles créées et confiées à vos soins par notre Sieur Greno diminuer sensiblement. En vous confiant sa clientèle notre Sieur Greno entendait non seulement l’entretenir et la conserver mais l’augmenter par des soins spéciaux, assidus, des visites répétées, un temps et un argent précieux consacré à obtenir ses faveurs et nos relations au lieu de grandir ont été toujours en diminuant et périclitant. »

[11] Cf. chapitre II : La gestion des affaires

[12] N. Greno, dans une lettre écrite de Bruxelles et datée du 15 juin 1857, évoque la nécessité pour H. Vasnier qu’il aille à Rouen, pour « visiter à fond la clientèle de Lefébure » car ce dernier, malade, néglige les affaires. Il doit également se rendre en Hollande, « où il doit voir les clients et les nouvelles relations ». N. Greno pense que H. Vasnier « arrivera à grandir les affaires plus facilement que [lui] qui a eu tout à créer »

[13] Lettre de N. Greno écrite à Paris et datée du 20 février 1857

[14] Cf. chapitre IV : La géographie épistolaire

[15] L. Mertens est tout d’abord installé à Cologne, au moins jusque 1860. Il effectue une tournée dans l’ensemble de l’Allemagne une ou deux fois par an. En 1864, la correspondance de Mertens lui est expédiée à Berlin : l'installation à Berlin – là où réside la cour de Prusse – est très certainement une condition préalable à leur développement avec cet espace allemand.

[16] Lettre adressée à Fetschow & Fils datée du 27 janvier 1860 (27, 334) - A la fin de 1859, L. Mertens s’est attaché les services d’un représentant à Berlin, en la personne de Brenken, chargé de travailler la place en son absence (lettre adressée à Brenken datée du 1er février 1860 - 27, 417).  

[17] Lettre adressée à G. Van Loo datée du 28 avril 1865 (48, 130)

[18] Le choix de représentants ou d’agents en fonction de leurs relations témoigne de ce pragmatisme. - cf. chapitre II : La promotion de la marque

[19] Lettre adressée à G. Van Loo datée de juin 1859 (22, 327) : « […] Quand vous ferez un client nouveau expédiez toujours par cet ami attendu que nous avons besoin essentiellement de l’entretenir de bonne humeur. Les frères Dubost, malgré leur amitié pour notre Sieur Greno ne nous recommande qu’autant qu’on utilise les services de commissionnaire. Songez à les satisfaire toutes les fois que… »  - Voir également lettres datées de août (358, 159) et septembre 1859 (358, 462)

[20] Lettres adressées à De Joncker Eliat datées du 15 décembre 1864 (46, 453) : «  [...] vous recommander d’éviter de solliciter ses clients afin de ne pas éveiller ses susceptibilités [de Van Loo] »  et du 7 février 1865 (47, 262) : « [...] crainte que l’excursion faite par vous à Gand chez un client et sur le terrain principal de M. Van Loo n’amène du grabuge. ». A la suite de cette excursion et suite aux protestations de G. Van Loo, H. Vasnier se voit dans l'obligation de faire évoluer les conditions de ce représentant, « pour éviter de froisser » G. Van Loo (lettre adressée à De Joncker datée du 16 mai 1865 (48, 186).

[21] Lettre adressée à De Joncker Eliat datée du 23 décembre 1864 (46, 495)

[22] Lettre adressée à L. Mertens datée du 24 janvier 1873 (boîte n°191, 405) : H. Vasnier lui explique que la Maison n’a pas pu exécuter son ordre car le « traité avec [son] agent en Angleterre [lui] interdit toute expédition directe pour ce pays et surtout à un particulier ». - Lettres adressées à P. Wallon datée du 31 août 1872 (84, 13), du 15 novembre 1872 (boîte n°191, 296) et du 2 janvier 1873 (boîte n°191, 207) : la Maison prévient son agent de se méfier des « ventes suspectes qui n’ont d’autre but que de nous créer des différends à l’étranger » ; elle fait référence à des particuliers ou à des négociants qui essaient de se procurer les vins directement, sans passer par l’intermédiaire de l’agent sur leur marché.

[23] Lettre adressée à L. Mertens datée de janvier 1873 (boîte n°191, 294) : H. Vasnier propose de lui offrir les mêmes conditions que tous les autres agents « c’est-à-dire aucun fixe, mais une commission unique de 15% à Reims […] qui est leur seule rétribution ». Ces conditions diffèrent de celles offertes aux agents au début des années 1860. A cet égard, il est possible de se reporter aux tableaux des ventes en annexes, et notamment les "redressements de compte" de L. Mertens et G. Van Loo. Ils ont des frais de voyage et une commission, variable, sur leurs ventes. Cf. également C.C.H., p.5 (lettre de la Maison datée du 30 janvier 1861 où les conditions de A. Hubinet sont exposées)    

[24] Lettre adressée à Rowcliffe datée du 10 décembre 1857 (352, 358)

[25] H.M.P., p.5 (lettre adressée à Vuillemot datée du 29 décembre 1857)

[26] Lettre de N. Greno écrite de Paris et datée du 20 février 1857

[27] Lettres adressées à L. Mertens datées de septembre 1859 (358, 310 : « […] afin de diminuer pour nous la perte et les sacrifices que nous avons été obligés de nous imposer pour l'introduction de la marque en Allemagne… »), et du 9 février 1865 (47, 283) - lettre adressée à A. Hubinet datée de mars 1862 (377, 224) - lettres adressées à D’Arnaud datées du 21 mai (45, 40) et du13 juillet 1864(45, 313) 

[28] Lettre adressée à L. Mertens datée du 20 décembre 1864 (46, 484)

[29] C.C.H., p.5 - lettre adressée à A. Hubinet datée du 30 janvier 1861 

[30] Lettres adressées à L. Mertens datée de septembre 1859 (358 : 310 : la Maison l’invite « à redoubler de zèle et d’activité pour lancer la marque à travers les pays qu’il va traverser) et à D’Arnaud datées du 21 mai 1864 (45, 40 : « […] Ne négligez aucune occasion de de solliciter la consommation de manière à couvrir les frais… »), du 13 juillet 1864 (45, 313) et du 8 février 1865 (47, 266 : « […] Ce n’est qu’en leur mettant constamment sous les yeux le nom de la maison que vous parviendrez à faire quelques essais, autrement on n’ira certes pas nous déterrer. »  -  Les recommandations de ne pas négliger les visites s’inscrivent également dans cette perspective (cf. chapitre II : Conserver et accroître la clientèle)

[31] C.C.H., p.5 - lettre adressée à A. Hubinet datée du 30 janvier 1861

[32] Lettre adressée à A. Hubinet datée du 29 janvier 1862 (36, ?)

[33] Idem : c’est une « dépense inutile pour le moment » selon H. Vasnier.

[34] Lettres adressées à A. Hubinet datées du 19 avril (378, 298) et du 6 août 1863 (?, 324)

[35] Lettres adressées à A. Hubinet datées du 29 janvier (36, ?) et du 8 février 1862 (36, 394), du 6 août 1863 (?, 324), du 22 septembre 1864 (46, 128) et du 4 mars 1865 (47, 420)

[36] Lettres adressées à A. Hubinet datées du 31 août 1861 (32, 100), du 29 janvier 1862 (36, ? : la Maison espère « se poser honorablement et de faire la loi un jour » sur le marché anglais) et du 20 mai 1863 (378, 427: « [...] dans quelques années, les plus récalcitrants se prosterneront... » )

[37] Lettre adressée à A. Hubinet datée du 19 avril 1863 (378, 298) : «  [...] marchons doucement pour aller longtemps... »

[38] Cf. chapitre III : Les moyens de cette politique

[39] Lettres adressées à L. Mertens datées de février 1857 (350, 400) et (non répertorié, 34 : « [...] Veuillez s’il vous plaît ne pas perdre cela de vue et nous fixer avec le concours de vos amis sur le genre de vin à opérer [...] ce qui est essentiel pour notre marche future. ») 

[40] Cf. chapitre III : Une certaine idée du champagne - Voir également lettre adressée à L. Mertens datée du 4 novembre 1864 (46, 308) : H. Vasnier lui demande d’écouler les vins en dépôt « pour marcher carrément avec de nouveaux produits qui bien certainement satisferont infiniment plus le goût allemand... »

[41] Lettre adressée à L. Mertens datée du 28 septembre 1864 (46, 138)

[42] Lettre adressée à L. Mertens datée du 4 novembre 1864 (46, 308)

[43] C.C.H., p.13 - lettres des 8 et 16 mai 1861

[44] Lettres adressées à Poidevin fils datées de septembre 1859, expédiées aux Pays-Bas (? , 313 et 439) -  de mars et avril 1860, expédiées à La Haye (28, 285 et 479) et Amsterdam (29, 74 et 338)

[45] Nous savons par le biais d’une lettre adressée à Poidevin père que la tournée que son fils a effectuée en septembre 1859 « n’a pas été brillante comme résultats » (lettre datée de novembre 1859 - 25, 433) .

[46] H.M.P., p.16

[47] H.M.P., p.25 - lettre adressée « au jeune Anger » (non datée)

[48] La lettre adressée à Auzon & C° datée du 29 juillet 1864 (45, 460) fait référence aux conditions de représentation exposées dans une lettre du 23 novembre 1862.

[49] Lettre adressée à Auzon & C° datée du 14 septembre 1864 (46, 75)

[50] Lettre adressée à Auzon & C° datée du 19 juillet 1865 (48, 495). La lettre du 24 janvier 1865 (47, 188) fait déjà état du peu d’importance des affaires.

[51] H.M.P., p.47

[52] Lettres adressées à G. Van Loo, datées du 17 janvier 1860 (un négociant de Dinant est intéressé par la  représentation de la Maison dans la région car il pense « que prochainement [la] marque détruirait toute concurrence dans les parages de Namur, Liège et du Luxembourg belge ») et du 6 avril 1860 (29, 96 : « Profitez-en pour remuer ces pays et les visiter souvent... »)

[53] Lettre adressée à G. Van Loo datée du 13 janvier 1865 (47, 132) 

[54] Ce marché, dont nous avons vu qu’il est l’un des plus importants pour le champagne, rencontre des difficultés économiques, commerciales et financières à la fin des années 1850. Celles-ci sont accentuées au début des années 1860 par la Guerre de Sécession. Il est possible de se reporter à l’ouvrage de E. Glatre et J. Roubinet sur C. Heidsieck : Charles Heidsieck, un pionnier et un homme d’honneur, Paris, Stock, 92 p. - La marque Heidsieck, très présente sur ce marché dans les années 1850, en subit tous les déboires.

[55] Lettre adressée à G. Van Loo datée de novembre 1864 (46, 295) : il est convenu qu’il doit recevoir 3% sur les ventes dans ces provinces.

[56] Lettres adressées à G. Van Loo datées du 14 novembre 1864 (46,341 et 345)

[57] Lettre adressée à G. Van Loo datée de novembre 1864 ( 46, 295): « [...] comme nous allons probablement avoir des sacrifices à faire pour voir nos affaires prospérer et grandir dans cette province [...] frais de représentation qui ne seront peut-être jamais couverts...  »

[58] Cf. infra : Une logique d’implantation

[59] Cf. chapitre II : La promotion de la marque - Il est possible de se reporter aux lettres adressées à Lenersan & C° datée du 2 juillet 1864 (45, 242) et à G. Van Loo le 13 janvier 1865 (47, 132)

[60] H.M.P., pp.14, 18 et 36 - Il semble en effet que G. Van Loo, originaire de Gand où il réussit bien, a du mal à impulser les affaires de la Maison dans la capitale. Par la suite, N. Greno est chargé d’aller présenter, à l’initiative de Mme Pommery, le nouvel agent à la clientèle (H.M.P., p.45)

[61] H.M.P., p.30 - lettre de Greno adressée à la Maison: «  [...] car Bruxelles, c’est la Belgique, comme Paris est la ville sainte de la France et la Mecque de la Civilisation... »

[62] Lettre adressée à G. Van Loo datée du 28 avril 1865 (48, 130) : « [...] Bruxelles est la ville la plus importante de votre pays, c’est elle qui donne le ton et l’exemple, il est donc utile pour vous comme pour nous que nous n’y déclinions pas. »

[63] H.M.P., p.27

[64] Lettres adressées à Guérard datées de janvier 1860 (27, 220 et 397)

[65] Il convient, pour tous les noms cités ici, de se reporter aux tableaux des intermédiaires en contact avec la maison Pommery, qui se trouvent en annexe.

[66] C'est le cas de Mestayer & Pergeline, de Van Ogtrop, de Coullier, de Cristin, de Pomès, de Decaudin.

[67] H.M.P., p.4 – lettre du 3 septembre 1857 : elle leur expédie 50 paniers (420 bouteilles et 300 demies).

[68] H.M.P., p.9 – lettre adressée à la Maison datée du 29 octobre 1859 : ils ont un procès avec la douane et sont obligés de suspendre leurs paiements.

[69] Lettre adressée à Cowin & C° datée du 20 décembre 1859 (26, 372) : dans cette lettre, H. Vasnier demande les conditions que cette maison exige pour "la représentation d'une maison comme la nôtre pour le placement de ses vins fins de Champagne".

[70] Idem : « […] en vous chargeant de notre affaire, elle serait toute à créer […] point d'autre avantage que ceux que vous pourrez retirer vous-mêmes du placement d'une nouvelle marque, en admettant que vous réussissiez  la faire connaître et demander surtout. »

[71] Lettre adressée à Pomès datée du 14 octobre 1859 (25, 96) : c’est la Maison qui prend contact avec eux pour établir un dépôt.  

[72] Lettre adressée à Van Ogtrop & C° datée du 28août 1857 (349, 330)

[73] Lettres adressées à Van Ogtrop & C° datées du 11 mai (22, 70) et du 11 juillet 1859 (23, 157) : H. Vasnier se plaint d’une part de l’absence de réponses aux lettres que la Maison envoie et d’autre part du manque de sérieux dans les démarches pour pousser la marque.

[74] Lettre adressée à Guérard datée du 10 janvier 1860 (27, 97)

[75] Lettre adressée à J. Cristin datée du 23 juillet 1859 (23, 316) : « Désireux que nous sommes de voir s’étendre nos rapports sur votre place où nous faisons déjà quelques affaires […] »

[76] Lettre adressée à Mohr datée de décembre 1859 (25, 198) : « […] Nous voulons adresser nos vins à une maison de confiance… ». Lettre adressée à Dubois datée du 30 novembre 1859 (25, 120) : « […] nous avons le désir d'étendre nos affaires et de faire les sacrifices nécessaires pour arriver à ce but… »

[77] C’est le cas, par exemple, de Mestayer & Pergeline, de Van Ogtrop & C°, de Cristin, de Coullier, de Louet Frères, de Guérard, de Pomès.

[78] Pour l’ensemble de ce paragraphe, il est possible de se reporter aux Annexes 8, 10, 11 et 13

[79] Lettre adressée à Auzon & C° datée du 14 février 1865 (47, 315) : en réponse à la proposition de ces représentants d'effectuer un voyage au Danemark et en Norvège, H. Vasnier explique qu’il serait préférable d’utiliser l’argent « de manière plus productive sur un terrain où [la marque est] déjà connu[e]…», en effectuant plutôt une troisième tournée annuelle aux Pays-Bas.

[80] Cf. infra : La place des marchés traditionnels

[81] C’est le cas de Poidevin fils en 1859/1860, puis de P. Wallon qui reprend en 1864 la tournée de ce dernier sur la côte de la Manche - cf Annexes 6, 8 et 10

[82] Lettre adressée à N. Greno datée du 27 décembre 1869 (69, 364) : la Maison refuse les propositions de N. Greno quant au recrutement d’un nouveau représentant dans l’Aisne, dans la mesure où elle a déjà des représentants dans les principaux centres et où les affaires sont devenues presque impossibles pour elle dans les petites villes, en raison du prix de ses vins.

[83] Devroey J.P., op. cit., pp.62-63 : il s’agit principalement de consignataires, avec qui cette maison entre en contact sur les marchés américains et russe.

[84] Cf. chapitre II : La gestion de la clientèle et Assurer le développement de la marque

[85] Nous avons davantage étudié les relations avec les agents étant donné qu’ils ont, dans leur champ d’action, l’essentiel de la clientèle de la Maison.

[86] Lettre adressée à L. Mertens datée du 31 mars 1860 (29, 56) : « […] nous craignons que vous ne vous soyez avancé beaucoup trop vite avec lui [Brenken]. Il nous semble qu’il serait au moins poli qu’il nous donne de ses nouvelles. »  -  Lettre adressée à Mestayer & Pergeline datée du 15 juin 1859 (22, 401) : « Un silence plus long de votre part serait pour nous très désobligeant […] »

[87] C.C.H., p.3 (lettre de Mme Pommery adressée à A. Hubinet, datée du 22 janvier 1861 : « […] Vous nous obligerez de nous tenir au courant  de vos déplacements pour que nous puissions toujours correspondre avec vous, et veuillez aussi nous écrire souvent en nous donnant tous les détails qui peuvent nous montrer votre zèle à défaut de réussite. »)  - Voir également lettre adressée à Sergeant jeune datée du 24 juin (23, 10)

[88] A plusieurs reprises, celui-ci se plaint auprès de certains représentants de leur silence - Voir lettres adressées à Van Ogtrop & C° datées des 11 mai (22, 7 ) et 11 juillet 1859 (23, 157), des 13 février  (28, 77) et 31 mars 1860 (29, 47)  -  Voir également lettres adressées à Mestayer & Pergeline datées des 15 juin (22, 401) et 25 juillet 1859 (23, 325) ou à Sergeant jeune datée du 23 juillet 1859 (23, 332)

[89] Lettre adressée à Kniep & C° datée du 28 novembre 1859 (26, 357) : dans cette lettre, H. Vasnier demande à ses agents de justifier leurs résultats décevants.

[90] Lettre adressée à Auzon & C° datée du 14 septembre 1864 (46, 75)

[91] Lettre adressée à L. Mertens datée de septembre 1859 (358, 310 : la Maison l’invite à « redoubler de zèle et d’activité pour lancer la marque dans les pays que vous traverserez ») - Lettres adressées à D’Arnaud datées du 21 mai (45, 40) et du 13 juillet 1864 (45, 313), du 8 février 1865 (47, 266)

[92] L’exemple de Baude illustre, semble-t-il, cet état de fait. Devant la faiblesse de ses ventes, H. Vasnier essaie bien de l’encourager à développer ses ventes mais en vain, comme le montre une lettre de septembre 1859 (24, 470). Il réitère se encouragements en 1864/1865, mais toujours sans succès, ce que révèlent les lettres datées du 18 novembre 1864 (46, 349), du 4 février (47, 243) et du 19 juillet 1865 (48, 492)

[93] Lettre adressée à Van Ogtrop datée du 11 juillet 1864 (23, 157) : elle leur donne des conseils « sur la meilleurs manière de pousser et introduire [la] marque en Italie », à savoir employer des circulaires, faire paraître des annonces dans les journaux des principales villes ou utiliser les services de voyageurs ou d’agents spéciaux. Les lettres suivantes montrent que ces conseils sont ignorés.

[94] Lettre adressée à Van Ogtrop datée du 11 juillet 1864 (23, 157) : « [...] fâcheux que vous ne puissiez pas y consacrer plus d’attention, d’autant plus que nos engagements nous privent de liberté d’action ailleurs.»

[95] Les critiques les plus vives concernent notamment D’Arnaud - Voir H.M.P., p.29 (lettre adressée à N. Greno datée du 10 mai 1865 : « […] car il n’est pas seulement incapable, il est encore maladroit, la pire des choses dans notre partie »). Il est congédié en 1867 (H.M.P., p.36). Déjà J. Walllon a démissionné au début des années 1860 faute de résultats. En 1868, Hamelin, qui a remplacé D’Arnaud, est lui-même congédié du fait de son incapacité et de sa malhonnêteté (H.M.P., p.41).

[96] Lettre adressée à N. Greno datée du 30 juin 1864 (45, 231) : « […] s’il possédait ces deux qualités, nous nous en contenterons car il est bien difficile de trouver tout ce que l’on peut désirer réuni dans un même individu »

[97] Cf. chapitre II : L’influence des représentants sur l’image de la marque

[98] H.M.P., p.39

[99] Cf. chapitre II : La promotion de la marque

[100] Lettres adressées à G. Van Loo datées de septembre 1859 (358, 252) et du 25 janvier 1860 (27, 274)

[101] Lettre adressée à Bonnier datée du 8 février 1865 (47, 268)

[102] Cf. chapitre II : La gestion de la clientèle

[103] Cf. infra

[104] Lettre adressée à Bonnier datée du 23 avril 1859 (boîte n°201 - 21, 325) : il lui est annoncé dans cette lettre que sa commission sur les ventes passe de 12 à 15%.

[105] Par la suite, dès le milieu des années 1860, les prix indiqués aux représentants établissent une différence de 50 centimes en faveur des négociants par rapport aux particuliers, et ces négociants bénéficient d’un délai de paiement de 6 mois, au lieu de 3 pour les particuliers. Les restaurateurs/hôteliers jouissent également d’un prix préférentiel, intermédiaire entre celui des négociants et celui des particuliers.

[106] Lettre adressée à Vincent datée du 10 juin 1864 (45, 138) : « [...] à vous de voir lorsqu’un client en vaut la peine, s’il vous convient, de lui abandonner 5% de commission [...] Notre représentant en Belgique M. Van Loo ne fait pas autrement. »

[107] Outre G. Van Loo qui applique cette politique, les mêmes conseils sont adressés à A. Hubinet lors de son recrutement -  Cf. C.C.H., p.5 -  lettre datée du 30 janvier 1861 : « […] Ces limites [de prix], qui sont les plus basses auxquelles nous consentons à expédier et ratifier vos ventes, vous laissent toutes les facilités possibles pour traiter avec le Commerce. Quant au détail, nous vous engageons, autant dans votre intérêt que dans le nôtre, à établir une distinction bien marquée d’une dizaine de shillings en plus dans vos prix, le Particulier devant toujours payer beaucoup plus que le Négociant toujours jaloux des maisons qui lui font la concurrence en vendant à la clientèle particulière. ». Dans cet extrait, H. Vasnier incite fortement A. Hubinet à respecter cette ligne de conduite, soulignant la mutualité d’intérêt que les deux partie peuvent y trouver.    

[108] La Maison ne produit plus que « cette qualité unique et supérieure » à partir de 1872.

[109] Lettre adressée à Lepec datée du 27 janvier 1865 (47, 206)

[110] Cf. chapitre III : Un recentrage sur les vins de qualité supérieure

[111] Lettre adressée à G. Van Loo datée du 6 avril 1860 (29, 96)

[112] Cf. chapitre II : L’influence des représentants sur l’image de la  marque

[113] Sur ces marchés, la Maison propose encore trois qualités de vins sur ces marchés au milieu des années 1860, même si elle cherche à cette époque à ce que ses représentants privilégient ses deux premières qualités. Le nombre des références peut témoigner en même temps de sa volonté d’atteindre ce but, mais également des difficultés à se faire entendre.

[114] Cf. chapitre II : La sélection de la clientèle

[115] L’exemple du marché allemand est particulièrement révélateur. Les références aux problèmes de recouvrement, ou aux vins laissés pour compte, envahissent la correspondance de 1864/1865. Peu de lettres en sont exemptes. Ces problèmes interviennent dans un contexte de relations économiques et politiques tendues avec l’Allemagne. Cette situation a sans doute un temps menacé la poursuite des relations avec ce marché (lettres adressées à L. Mertens datées du 20 décembre 1864 (46, 484) et du 15 février 1865 (47, 328)). Il est possible que l’arrêt des relations avec l’Allemagne ait été utilisé comme une menace pour inciter Mertens à plus de rigueur (lettre datée du 23 mai 1865 - 48, 208)

[116] Lettre adressée à Detige-Beuret datée du 17 décembre 1859 (26, 354)

[117] Cf. chapitre III : Une politique de prix élevés

[118] Lettre adressée à Brenken datée du 1er février 1860 (27, 417)

[119] Lettre adressée à Schmölder datée du 6 juillet 1865 (48, 380)

[120] Lettre adressée à L. Mertens datée du 20 décembre 1872 (boîte n°191, 144) : « […] Ces inconvénients que vous nous signalez vient de ce que vous avez adopté dans le principe un système que nous n’approuvons pas et qui consiste à vendre à des prix différents à la même catégorie de clients ! »

[121] Lettres adressées à A. Hubinet datées du 8 février 1862 (36, 394), du 15 mars 1862 (377, 62), du 16 janvier 1864 (?, 428 : « vos prix réduits sont désastreux pour nous »), du 27 juillet 1864 (45, 441 : il doit facturer lui-même le vin qu’il a vendu à un prix sacrifié), des 31 août (46, 32) 6 septembre (46, 59) et 22 septembre 1864 (46, 128)

[122] Lettre adressée à Delbar datée de février 1873 (387, 113) : « […] Du reste, nous ne tenons pas du tout à faire la clientèle particulière car vous vous aliénez le commerce… »

[123] Lettre adressée à L. Mertens datée du 3 décembre 1872 (boîte n°191, 476)

[124] Lettre adressée à L. Mertens datée de janvier 1873 (boîte n°191, 255)

[125] D’autres extraits témoignent de cette "mise sous pression" - cf. lettre datée du 21 décembre 1872 (boîte n°191, 144) : « [...] Ce système est aussi mauvais que celui qui vous pousse à vendre directement à la clientèle particulière, c’est encore à vous de le réformer »  - cf. lettre datée de février 1873 (387, 118) : dans cette lettre, H. Vasnier lui expose les conditions à préciser à un éventuel agent sur le marché austro-hongrois. Il doit le prévenir que « [la maison s’] interdi[t] toute vente à des particuliers »

[126] Lettres adressées à L. Mertens datées du 24 novembre (124, 407) et de décembre 1879  (129, 116)

[127] C.C.H., p.59 ( lettre du 24 août 1866 ) : dans cette lettre, A. Hubinet y retranscrit cette lettre que lui a envoyée R. Little de Liverpool, demandant à la Maison d’y répondre.

[128] Ce problème de notoriété se pose sans doute sur d’autres marchés, comme le marché allemand par exemple. La faiblesse des résultats de L. Mertens peut se comprendre dans cette optique. H. Vasnier lui-même évoque ce manque de notoriété, tout en soulignant que le vin sec offert par la Maison a sans doute contribué à la faire connaître  - cf. lettre adressée à L. Mertens datée du 7 octobre 1864 (46, 168) : « […] en offrant des vins totalement différents de ceux auxquels les Allemands étaient habitués, nous nous sommes fait remarquer, tandis qu’autrement rien ne dit que nous ne serions pas restés inconnus. »

[129] C.C.H., p.35-36 (lettre datée du 8 février 1863 : « […] Il est indispensable de faire des concessions pour le présent ; à l’avenir, au contraire, moins nous ferons de concessions, plus la marque sera respectée. ») et p.38-39 (lettre datée du 23 mars 1863 : « […] Il est bien entendu que dans peu de temps nous ne vendrons plus nos "old landed wines" qu’aux prix courants, mais patience, encore un peu de patience […]Il nous faut deux ans encore avant de pouvoir imposer nos conditions partout…»)   

[130] C.C.H., p.43 ( lettre du 30 mai 1863 )

[131] Cf. chapitre III

[132] Cf. chapitre III : Une politique de prix élevés

[133] Lettre adressée à Auzon & C° datée du 24 janvier 1865 (47, 188) : ces représentants mettent en avant le fait que la Maison ne propose plus que deux qualités en vente pour justifier leur manque de résultats

[134] Lettre adressée à A. Hubinet datée du 11 mars 1873 (387, 114) : « […] la maison Moët fait figurer sur son prix courant 10 sortes de vins sans parler des petits vins qu’elle passe sous silence. Quelle pharmacie ! »

[135] Lettre adressée à N. Greno datée du 27 décembre 1869 (69, 364) :« […] les affaires sont presque impossibles dans une petite ville comme Vervins en présence de l’élévation que nous avons fait subir à nos prix : 6 francs pour la C.B. - 5 francs pour la C.N. […] vous voyez par conséquent combien il devient difficile de vendre nos produits dans les petits centres. »

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