L’insertion de la maison Pommery dans le négoce du champagne

 

1. Une certaine idée du champagne
1.1. La revendication d’un cachet propre
1.1.1. "Des vins fins et secs"
1.1.2. Une "culture de produit" bien ancrée
1.2. Une conception du champagne en jeu

2. La volonté de fonder une réputation
2.1. L’enjeu de la réputation
2.1.1. Une réputation à reconstruire
2.1.2. L’orientation vers la qualité
2.1.3. Le rôle de la réputation dans le négoce du champagne
2.2. Les moyens de cette politique
2.2.1. Une politique de prix élevés
2.2.2. Un recentrage sur les vins de qualité supérieure 

 

 

Chapitre III : Le "positionnement" de la maison Pommery

 

         A travers la correspondance envoyée à ses intermédiaires apparaît un véritable discours de "positionnement"[1], cohérent. Ce discours revêt bien évidemment un intérêt commercial et, de fait, il convient de l’interpréter avec prudence[2]. Il n’en reste pas moins qu’il semble révélateur des ambitions de la maison Pommery dès la fin des années 1850 et des orientations qu’elle choisit de suivre dans cette perspective.

 

1.                Une certaine idée du champagne

 

1.1.         La revendication d’un cachet propre

1.1.1. "Des vins fins et secs"[3]

 

         La correspondance de la maison Pommery est émaillée de références qui renvoient à son cachet de vin propre, dont le titre est l’illustration. Elle s'efforce de proposer des vins de qualité - achetés parmi les meilleurs crus de la région - et peu sucrés :

 

« […] Nous croyons être dans le vrai en offrant au consommateur des champagnes naturels[4] aussi peu sucrés que possible, de qualité riche… »[5]

 

« […] Ces vins sont magnifiques en bouquet et finesse, leur vinosité est des plus naturelles et sans aucune espèce d’addition d’alcool. »[6]

 

         Un thème revient de manière récurrente dans ces passages : il s'agit du caractère  «naturel » des vins de la Maison, qui tient à leur cachet sec. Ce caractère naturel les oppose, dans le discours au moins, aux vins de leurs concurrents, y compris aux plus prestigieux de l'époque[7]. Ceux-ci recourent à certaines pratiques que la Maison réprouve, à savoir le drogage des vins ou l'ajout de sucre - nous y reviendrons par la suite. C'est ce qui explique en tout cas que, dans la correspondance, le cachet de la marque Pommery est souvent défini en réaction à ces pratiques :

        

« […] Nos vins diffèrent énormément de ceux de Moët dont la couleur est obtenue par des moyens artificiels impossibles à produire naturellement, ce qui plaît à certaines personnes qui ne se doutent pas que pour satisfaire leur vue, c’est au préjudice de leur estomac et de la qualité du vin. »[8]

 

         L'insistance sur le cachet naturel de ses vins s’inscrit pour la maison Pommery dans exigence de qualité vis-à-vis des consommateurs. Cet extrait le montre bien. La maison Moët joue sur les apparences pour les séduire : elle colore ses vins «pour satisfaire leur vue », mais au risque de les empoisonner. L’intérêt de ce discours, tenu à des représentants, ne peut nous échapper, ces pratiques étant évidemment de nature à discréditer l’image de maisons concurrentes auprès des consommateurs.

 

         L'insistance sur le cachet sec des vins doit retenir notre attention. Celui-ci semble faire la spécificité des vins de la maison Pommery à une époque où le champagne, essentiellement considéré comme un vin de dessert, est largement édulcoré[9]. Elle n'est peut-être pas la seule à promouvoir ce genre de vin, mais elle lui montre un attachement particulier :

 

« […] Cela a rendu confiance à Mertens qui je le crois, va marcher convenablement. A cheval sur le thème du vin sec qui est compris et tant que nous tiendrons le milieu de leur goût j'ai la conviction que nous ferons doucement une petite révolution vinicole en Allemagne. »[10]

 

Certaines maisons proposent des vins secs destinés au marché anglais, mais cela semble plus rare en ce qui concerne les marchés "continentaux". Ce passage en est l'illustration. L'introduction du vin sec en Allemagne doit constituer, de l’aveu de N. Greno, une « petite révolution ». La maison Pommery vient, semble-t-il, bousculer les habitudes sur un marché qui compte parmi les plus importants, sur lequel la plupart des maisons sont présentes, alors même que la marque n'y est pas connue. Elle n'hésite pas à se positionner contre le goût dominant, porté sur des vins sucrés., et elle semble d’ailleurs rencontrer un certain succès avec ce cachet sur le marché allemand. Au milieu des années 1860, il lui faut préparer un vin mieux adapté aux exigences du marché, sous la pression de la concurrence notamment. Elle croit en l'avenir de ce cachet, le seul à même de satisfaire les véritables connaisseurs selon elle[11]. Il est intéressant de remarquer que N. Greno partage également cet avis[12]. D’après M. Poirier, qui a rédigé quelques notes à partir de la correspondance de la maison Wibert & Greno, ce serait d’ailleurs N. Greno qui aurait initié la nouvelle maison au vin sec[13]. Il y a de fait une certaine continuité dans la conception du vin. L’extrait précédent tend d’ailleurs à le montrer.

 

1.1.2. Une "culture de produit" bien ancrée

 

Par cette idée, nous voulons mettre en évidence le respect témoigné au vin de la Marque et la force de conviction qui anime la Maison. La confiance en son vin est d’ailleurs le support de ses ambitions dans le négoce du champagne. Elle a la certitude de pouvoir concurrencer n’importe quelle grande marque - de Moët[14] à Clicquot ou Roederer[15] - comme en témoigne ce passage :

 

« [...] En résumé, nous avons la prétention de faire un vin aussi bien que qui que ce soit, nous achetons dans les meilleurs crûs, nous travaillons avec tout le soin possible, nous sommes admirablement organisés et si nous ne parvenons pas à plaire à tout le monde, nous avons cela de commun avec nos concurrents qui n’y parviennent pas non plus. Continuez  donc, Monsieur, à vendre nos vins avec la persuasion que si d’autres peuvent faire aussi bien, personne ne peut faire meilleur ! […] pour vous convaincre que nos produits sont toujours des produits excellents, susceptibles de soutenir avec avantage n’importe quelle comparaison avec ceux de nos concurrents... »[16]

 

Nul passage n’illustre sans doute mieux que celui-là cette confiance. La maison Pommery affiche une prétention à l'excellence, qui se traduit par la certitude de disposer du meilleur vin sur le marché. A aucun moment dans ce passage, H. Vasnier ne dénigre le vin des autres maisons. Il reconnaît leur qualité et il met celui de la marque sur un pied d'égalité. Cependant, l'ambition de la Maison ne se limite pas à soutenir la comparaison. Elle exprime à plusieurs reprises l'ambition de battre ces prestigieux concurrents[17] - sur le terrain de la qualité - et d'arriver à « une suprématie marquée »[18].

 

La traduction de cette confiance - l’emploi de certaines expressions, certaines attitudes - nous invite à établir un parallèle entre le vin prôné par la maison Pommery et une religion. Ce vin semble faire l’objet d’un véritable culte. H. Vasnier lui-même recourt à ce parallèle et en joue pour faire sentir aux représentants l’importance de leur tâche :

 

         « [...] De même que vous avez rencontré des gens qui trouvent nos vins excellents, il vous arrivera d'en visiter d'autres qui ne seront pas de cet avis. Chaque marque a ses partisans, c'est à vous qu'il appartient d'entretenir le feu sacré chez les croyants et à convaincre les infidèles. Avec de la bonne volonté et de la patience, vous convertirez bien des ennemis et ferez de nombreux prosélytes… La première condition pour réussir, c'est de vous convaincre vous-mêmes que vous offrez un article irréprochable et avec la foi vous irez loin. »[19]

 

Le parallèle avec une mission d’ordre évangélique semble s’imposer ici : H. Vasnier recommande à ce représentant de se faire l’"apôtre" des vins de la marque. Cette mission nécessite qu’ils aient eux-mêmes la "foi", qu'ils soient convaincus de la qualité du produit qu’ils vendent[20]. A leur tour, il leur faut donc répandre le message. Il leur faut“ convertir” les "infidèles" qui ne sont pas gagnés à la cause des vins prônés par la Maison, afin qu’ils deviennent eux-mêmes les apôtres de ces vins[21]. Ils disposent d’une arme pour cette croisade, que H. Vasnier recommande d’utiliser : la dégustation[22]. Si nous parlons ici d'"arme", c'est qu'elle est bien perçue comme cela. Il s’agit d’un confrontation directe avec la concurrence, où il n'est pas possible de tricher. Pour reprendre le parallèle avec la religion, la "Vérité" du vin y est "révélée". L’issue de cette croisade ne fait par ailleurs aucun doute dans l’esprit de H. Vasnier : « dans quelques années, les plus récalcitrants se prosterneront.. »[23]

 

Ce parallèle avec la religion peut sembler a priori assez curieux, mais en définitive il est révélateur d'un véritable "credo"[24], démontrant l’attachement profond à l’égard du cachet prôné par la Maison. Ce parallèle dépasse le discours et se reflète dans certaines attitudes. H. Vasnier fait ainsi preuve d’une "intransigeance (quasi) dogmatique" qui va dans le sens de cette idée de "culture de produit". Une "culture" se marque en effet par le développement d'un comportement intellectuel qui lui est lié. Or, dans le cas qui nous intéresse, H. Vasnier témoigne d'une certaine incapacité à remettre la qualité du vin en cause. A plusieurs reprises en effet, il est incapable de concevoir que le vin a pu être battu au cours d’une dégustation, ou de comprendre que le client ne l'apprécie pas[25].

 

1.2.         Une conception du champagne en jeu

 

Cet attachement de la Maison au cachet qu’elle prône doit retenir notre attention, car nous touchons à ce qui fait l’identité même de la Maison, ce qui la distingue de ses concurrents. Elle s’appuie sans doute sur ce discours pour s’affirmer et promouvoir la Marque dans un négoce très concurrentiel, mais il dépasse largement le cadre d’un simple argumentaire commercial – ce n’est pas par hasard que H. Vasnier parle d’« article de foi ». Ce "positionnement" exprime, semble-t-il, une véritable conception du champagne.

 

La maison Pommery s'élève, nous l'avons évoqué, contre certaines pratiques alors en vogue dans le négoce du champagne :

 

           « […] L’idée que Perrier-Jouët et Bollinger expédient des vins opérés de 2 à 3 ans est une affreuse blague […] ces vins sont opérés de 6 mois, seulement ils droguent leur liqueur, caramélisent leurs vins, les saturent de vin d’Espagne et les cuisent à petit feu, de sorte qu’ils sont tellement vieillis […] ce que tout le monde sait en Champagne, mais le commerce anglais ne veut rien en croire. »[26]

 

Ce drogage des vins répond en l'occurrence aux exigences du "goût anglais", qui diffère des vins en vogue sur le "Continent". Les consommateurs de vins anglais sont en effet très friands de ces vins d'Espagne secs et alcoolisés que sont le xérès, le porto. Le "goût anglais" est fortement influencé par ces vins, ce à quoi les maisons de champagne se sont visiblement adapté[27]. Par ailleurs, les critiques se portent également à l'encontre des vins sucrés :

 

« […] Ces échantillons [d’autres marques] sont tous opérés à 4 % de liqueur en plus que nos vins,  ce n’est pas du vin que les Allemands boivent, c’est du sirop […] le vin dans lequel entre beaucoup de liqueur paraît plus fin, plus moelleux, plus coquet que lorsqu’il en contient peu. »[28]

 

La multiplicité et la virulence de ces critiques s'expliquent, semble-t-il, par le fait que la maison Pommery défend une véritable conception du champagne. Elle s'élève contre ces différentes pratiques au nom d'une conception prétendue "authentique" du champagne. Elles sont en effet présentées comme une trahison à l’égard du véritable cachet champenois ; elles dénaturent le vin de Champagne. Pour la maison Pommery, l’ajout de liqueur ne sert « qu’à mieux déguiser la pauvreté du vin brut »[29], alors que le drogage des vins destinés au marché anglais ne sont que des « tripotages honteux»[30]. Rappelons que le champagne n’a alors pas grand chose de commun avec celui que nous connaissons actuellement. Il diffère même grandement, à cette époque, de celui qui a cours à la fin du XIXème siècle. Il existe principalement deux styles de champagnes à cette époque : le vin préparé au goût anglais - plus lourd, plus alcoolisé - et le champagne sucré plus en faveur sur les marchés continentaux[31]. Il n’est pas toujours aisé de s’y retrouver entre les différents styles et cachets de champagne, mais il semble en tout cas que ces deux principaux "styles" s’affrontent à la fin des années 1850 et au début des années 1860, particulièrement sur le marché anglais[32].

 

Le style de champagne que la maison Pommery cherche à promouvoir se distingue donc de ces deux styles principaux que nous venons d’évoquer. L’insistance sur le caractère naturel de ses vins et leur cachet sec se comprend par rapport à ces pratiques qu’elle condamne :

 

         « [...] nos vins gagneront toujours à être bus pendant le repas et non pas seulement au dessert comme la plupart des champagnes-sirops […] le nôtre a la prétention d’être du vin. Voilà ce qui caractérise notre champagne totalement différent de celui de nos honorables concurrents dont nous n’avons jamais voulu copier les errements. »[33]

 

A l'inverse de la plupart de ses concurrents, la maison Pommery revendique l'authenticité de son vin[34] : il est le seul à mériter de porter le titre de "vin". Pour preuve qu'il s'agit d'une véritable conception en jeu, la place dévolue au champagne au cours du repas se démarque également de celle traditionnellement attribuée au vin sucré : le champagne sec se boit tout au long du repas, alors que le champagne sucré est un vin de dessert ; c’est d’ailleurs à ce titre que la plupart des consommateurs l’apprécient. Cette évolution gastronomique se fait jour également sur le marché anglais, dont nous avons vu la préférence pour les vins secs[35]. Il est intéressant de remarquer que N. Greno, évoquant cette lutte contre le vin sucré, met en avant sa dimension "générationnelle":

 

« […] maintiennent la faveur acquise à notre "pur noir", à notre champagne très sec qui fait le désespoir des vieilles et routinières maisons inféodées à l'Etranger depuis l'Invasion, avec leur tisane sucrée et aromatisée moussant de rage et de frayeur d'être renvoyées par les connaisseurs et les gourmets !… »[36]

 

Le vin sucré est essentiellement défendu par les maisons les plus anciennes. Il est associé dans la plupart de nos références aux maisons Clicquot et Roederer, ou encore Moët, qui sont toutes apparues au XVIIIème siècle. Elles ont profité des événements de 1815 - «l’Invasion» - et de la demande croissante venant des Etats allemands et de la Russie, marchés sur lesquels le vin sucré est très prisé. N. Greno avance ici l'idée que ces événements ont eu pour conséquence une modification du vin lui-même, une déviation par rapport au cachet champenois authentique. Le terme d'« errements », employé dans un extrait précédent, vient connoter également cette idée de déviation. La maison Pommery, elle, apparue plus tardivement, ne s’est pas orientée vers ces marchés. Ce sont ces maisons qui dominent encore le négoce des vins de Champagne dans les années 1850. Il n'est pas étonnant que la maison Pommery, dont les affaires sont encore peu développées à la fin des années 1850, cherche à s’affirmer et se définisse principalement contre ces marques.

 

 

2.                La volonté de fonder une réputation

 

         Ce discours de positionnement – insistant sur la qualité des vins de la Maison – s’accompagne une volonté de mettre en place une réputation d’excellence, réputation qui se démarquerait de celle de l’ancienne maison. Pour éviter toute ambiguïté, il nous faut nous arrêter quelques instants sur la notion de "réputation". Ce terme renvoie à l’image que le public a d’un produit – ou d’une marque - que cette image soit négative ou positive. Elle s’établit à partir de la perception même du produit par les consommateurs et de la notoriété de la marque. Cette définition souligne les difficultés à analyser cette notion : elle renvoie au domaine de la perception. Or il est évident que cette perception – celle des contemporains – nous échappe en grande partie.

 

2.1.         L’enjeu de la réputation

2.1.1. Une réputation à reconstruire

   

Cette question nous amène à entrer dans la sphère des intentions, au sein du groupe dirigeant de la Maison, dont nos sources ne rendent compte que de manière très indirecte. En conséquence, il nous faut être prudent dans nos interprétations. Cependant, il semble bien qu'un effort a été entrepris, à partir de la fin des années 1850, dans la perspective de changer la réputation de la maison Pommery, ou tout du moins de l'améliorer. Elle hérite largement, à ses débuts, de la maison Wibert & Greno, de ses structures comme de sa réputation. Or, concernant cette dernière, il s'agit d'une contrainte qui pèse fortement sur la nouvelle maison, et dont elle essaie de se départir :

 

         « […] ceux [les vins] de 1857 et 1858 font et feront un effet immense qui réhabilitera la vieille réputation de la nouvelle maison qui a trop souffert des drogues de l’ancienne […] pour faire place à nos excellents vins. »[37]

 

         Nous ne disposons quasiment d'aucun renseignement précis sur l'ancienne maison, mais ce passage semble mettre en évidence ce qui a dû être son orientation commerciale : elle fournit avant tout des vins de qualité moyenne, des « drogues »[38]. Cette orientation est sans doute révélatrice de celle de bon nombre de maisons de champagne de l’époque dont l’envergure reste moyenne. Il est possible que cette réputation ne corresponde pas à la réalité et que des efforts aient été entrepris pour essayer de l'améliorer. Mais, si tel est le cas, ils n'ont pas dû porter leurs fruits. De fait, « la vieille réputation» représente une contrainte qui l’handicape dans son développement, car elle est vraisemblablement en contradiction avec ses ambitions. Cet extrait souligne la volonté de la maison Pommery de se démarquer de cette orientation suivie par l’ancienne maison : elle cherche à l’inverse à promouvoir ses « excellents vins ». A. Hubinet évoque également a posteriori, dans une lettre concernant la situation sur le marché belge, cette nécessité de rupture :

 

         « […] Déjà après Greno, notre réputation était à refaire ici car elle n’était que pour des vins de qualité moyenne. »[39]

 

Cet extrait rend compte indirectement de la volonté, qui a dû animer la maison Pommery, à la fin des années 1850 et au début des années 1860, de reconstruire une réputation qui ne repose plus sur « des vins de qualité moyenne ». Il est à cet égard révélateur qu'elle s'appuie sur les vins de 1857 et 1858, ces deux années ayant fourni des récoltes d'excellente qualité. Il y a en tout cas, derrière ce changement d'orientation, la nécessité pour la Maison de s'émanciper pour suivre son propre développement.

 

2.1.2. L’orientation vers la qualité

 

Si la maison Pommery cherche à se démarquer de la réputation de sa devancière et établir une réputation d’excellence, c'est qu'elle est perçue comme devant aider au développement de ses affaires :

        

« […] vins d’une qualité exceptionnelle qui en augmentant la réputation d’une maison font demander ses produits partout. »[40]

 

         H. Vasnier fait référence ici à la situation de la maison Pommery à la fin des années 1850. Cette période est marquée par un mauvais état général des affaires en Europe, lié à des tensions économiques et politiques. Or, malgré ces difficultés, il se réjouit, dans une lettre adressée à N. Greno, de ce que la Maison a réussi à augmenter ses ventes[41]. Il attribue, semble-t-il, ce succès au fait que la réputation de la marque s’est améliorée, notamment en raison des progrès dans la qualité des vins. Celle-ci joue un rôle préalable à l'amélioration d'une réputation. La "qualité objective" d'un produit, a fortiori d'un produit de luxe, influe bien évidemment sur la formation de l’image que le consommateur a d’une marque[42]. De fait, la qualité est considérée comme un investissement pour la maison Pommery :

 

« […] plus la clientèle sera satisfaite longtemps et plus nos affaires grandiront […] plus nous aurons de bon vin, plus notre survie, notre succès est certain…»[43]

 

La satisfaction des consommateurs, qui passe par un investissement en qualité, est ici posée comme un impératif. Elle permet en effet d'assurer le développement des affaires et, partant, la pérennité de la Maison. Ce raisonnement repose sur l’idée que le client cherche avant tout un vin de qualité, ce qui peut être discuté, un certain nombre de clients consommant le champagne avant tout pour le statut qu'il confère plus que pour ses qualités de vin ou pour son goût[44]. En fait, ce passage semble surtout révélateur de l'orientation choisie par la maison Pommery : elle cherche avant tout s'adresser à des connaisseurs, à des consommateurs qui recherche des vins de qualité. Le cachet qu'elle prône répond à cette exigence : il est, dans le discours tenu aux représentants, le seul à pouvoir satisfaire cette clientèle de connaisseurs[45].

 

De multiples références viennent souligner cette orientation vers la qualité[46]. Elles permettent sans doute d’assurer la crédibilité de la marque aux yeux de ses représentants, et partant à ceux des consommateurs. Cependant, il est difficilement concevable qu’une maison mette en avant la qualité de ses produits comme le fait la maison Pommery sans fondements "objectifs", sauf à vouloir se condamner. La qualité est posée comme une ligne de conduite :

 

« […] Nous avons acheté considérablement à l’époque contrairement à beaucoup de nos concurrents qui vivent au jour le jour et qui s’en mordent les pouces quand les récoltes sont mauvaises […] encore une vingtaine de mille de 1858 après lesquels nous feront filer nos excellents produits de 1861. »[47]

        

         Ces approvisionnements sont révélateurs de cette politique de qualité mise en place dès les débuts de la maison Pommery. Ils sont nécessaires pour qui veut fournir des cuvées de qualité, étant donné l'irrégularité non seulement quantitative, mais également qualitative, des récoltes en Champagne. Ils témoignent de l'intégration  de cet impératif de qualité dans la pensée de la maison Pommery : ces approvisionnements doivent lui permettre de ne fournir que des produits excellents, capables de toujours satisfaire la clientèle[48], et non de «viv[re] au jour le jour » comme certains de ses concurrents[49]. Au milieu des années 1860, elle fournit encore des vins de 1858, année de récoltes excellentes. Par-là même, cela témoigne de l'investissement qui a été réalisé à la fin des années 1850. Cet effort doit être souligné car ces approvisionnements de qualité ont exigé des investissements importants[50] et de la mobilisation de moyens nouveaux[51] pour une maison encore peu développée. Il explique sans doute la rigueur nouvelle, initiée par H. Vasnier, dans le recouvrement des créances : des rentrées de fonds dépend la politique de qualité de la maison Pommery[52].

                  

2.1.3. Le rôle de la réputation dans le négoce du champagne

 

La perception de cet environnement est capitale pour mieux situer l’orientation de la maison Pommery. L’attention accordée à la réputation dans le négoce du champagne, à l'instar de tout autre produit de luxe, ne peut nous échapper. Elle se manifeste par la volonté constante de jouer sur l’image de marque, sur la perception que le public peut en avoir, par des "signaux de qualité". Le rôle de la réputation dans le développement des ventes a été mis en évidence précédemment. Elle est d’autant plus importante pour un produit comme le champagne, dont l’appréciation est subjective. Elle sert alors de référence pour nombre de consommateurs. Au début des années 1870, A. Hubinet explique ainsi que la réputation acquise par la marque Pommery sur le marché anglais lui ouvre des perspectives importantes[53]. L’intérêt de la réputation se comprend dans le contexte même du négoce du champagne, dans son caractère extrêmement concurrentiel. Elle semble en effet être une donnée essentielle pour rivaliser avec les marques les plus prestigieuses. De fait, elle revêt un enjeu. Si des représentants ont la possibilité de nuire à la réputation d’une maison concurrente, ils ne se privent pas de le faire. L’incident auquel nous avons fait référence dans le chapitre précédent, concernant la vente de vins de la maison Pommery par une compagnie de chemins de fer allemande, est là pour en témoigner[54]. Il y a, dans la correspondance envoyée à L. Mertens, la certitude que la réputation déjà acquise place la Maison au-dessus des attaques de ses concurrents. Dans le même temps, l'annonce qu'elle confie à son commissionnaire témoigne d’une volonté de la prémunir.

 

La volonté d’établir une réputation répond, semble-t-il, à cette contrainte de son environnement. Un exemple nous éclaire à ce propos :

 

         « […] Si nous nous mettions sur pied de livrer ce genre de vin dans notre clientèle ou en Europe, nous nous suiciderions comme la maison Jacquesson, autrefois toute puissante, aujourd’hui renommée pour la camelote. »[55]

 

Cet exemple fait sans doute référence à une polémique qui a éclaté en 1849 entre la maison Jacquesson et la maison Moët, polémique dont F. Bonal se fait l’écho[56]. La maison Jacquesson, suivie par quelques négociants a décidé de vendre sa cuvée normale à 2,25 francs, alors qu’à l’époque, une bouteille de champagne de bonne marque, cuvée normale, se vend ordinairement 3,50 francs. Une polémique s’en est suivie entre ces deux maisons, la maison Jacquesson expliquant la différence de prix non par une différence d’origine des vins, mais bien plutôt par les bénéfices exagérés de Moët et ses agents. Dix ans plus tard, la remarque de H. Vasnier semble mettre en évidence que cet incident a été fatal à la maison Jacquesson. Cela suppose bien entendu que nous puissions accorder du crédit à cette remarque. Dans les faits, il est vrai que cette maison semble avoir connu des difficultés à cette époque, et que la qualité de ses vins a baissé. En l'occurrence, abandonner certains types de vins, de qualité inférieure – et par-là même soigner sa réputation – n’est pas présenté comme un choix. Il n’y a pas véritablement d’alternative, tout du moins dans le discours de H. Vasnier : si la Maison fournit ces vins, elle risque de perdre sa réputation et se suicider. Un autre exemple illustre ce propos. Dans une lettre à A. Hubinet, H. Vasnier explique que la qualité - et l’honnêteté vis-à-vis du client - représente la seule de percer pour la marque Pommery sur le marché anglais. Il ajoute que ce serait « le comble de l’absurdité et vouloir se suicider que d’agir autrement.»[57]. S’orienter vers des vins de qualité correspond, semble-t-il, au meilleur moyen pour s’imposer dans le négoce du champagne. La maison Pommery aspire à soutenir la comparaison des plus grandes maisons, ce que la « vieille réputation » ne lui permet pas de faire, ce qui explique qu’elle cherche à s'en démarquer. Ses résultats, que H. Vasnier évoque dans une lettre adressée à N. Greno, viennent sanctionner cette démarche :

 

« […] Jusqu'alors les ¾ de nos expéditions étaient composées de vins à 3 francs et 3,5 francs, maintenant la proportion est en faveur des vins à 4 francs et 4,5 francs. »[58]

 

2.2.         Les moyens de cette politique

 

Cette partie est consacrée à l’analyse des différents moyens mis en place, à la fin des années 1850 et au milieu des années 1860, pour établir et maintenir une réputation d’excellence. A cet égard, ils expriment concrètement le changement d'orientation opéré par la maison Pommery à cette époque.

 

2.2.1. Une politique de prix élevés

 

2.2.1.1.                   Le rôle des prix

 

La réputation d’une maison, nous l'avons évoqué, trouve son soubassement dans la "qualité objective" du vin, et donc dans la qualité des différents crus et du travail des vins. Il est fait référence à plusieurs reprises à la volonté de la maison Pommery de ne s’approvisionner que dans les meilleurs crus et, par conséquent, ceux dont les prix sont les plus élevés[59]. Il est évident que les efforts consentis pour promouvoir une optique de qualité se répercutent inévitablement sur les prix. En ce sens, les prix témoignent du niveau de qualité, dont ils sont la résultante. Il nous est difficile de situer précisément ces prix par rapport à ceux de ses concurrents. Seule une lettre de A. Hubinet, datée de 1862, nous apporte quelques informations :

 

« […] A l’exception de ceux de Roederer, nos prix sont plus élevés que ceux de toutes les autres maisons. Clicquot et Moët expédient à Frs 4.50, de Reims et d’Epernay et sont vendus 54/- in Bond par les Importers. »[60]

 

Ses prix sur le marché anglais sont les plus élevés après ceux de Roederer, une des marques les plus prestigieuses de l'époque. Cela revient à dire que la maison Pommery a adopté une politique de prix semblable à celle des plus grandes maisons, alors que la marque est inconnue ou presque. Ces prix soulignent son ambition de concurrencer les plus grandes marques de l'époque, sur le terrain de la qualité : la qualité de ses vins justifie qu'elle les vende aux mêmes prix que ses prestigieux concurrents[61].

 

         Il est possible cependant de s'interroger sur le rôle de ces prix. Il se peut que, au-delà de la qualité objective, ils jouent en quelque sorte le rôle d’un "signal de qualité", influant sur la "qualité perçue"[62] du produit[63]. Il n’est pas interdit de penser, par exemple, que la Maison aurait adopté des prix élevés en vue de « communiquer sur la qualité » de la marque. En ce sens, ils contribueraient à établir sa réputation, notamment en la classant parmi les plus chères du marché. Si ce n'est là qu'une hypothèse, certaines lettres peuvent être interprétées dans ce sens :

 

         « […] Il nous faut maintenir ce prix quand même autrement le Commerce cotera toujours notre vin à un prix inférieur au Clicquot et au Roederer […] Or vous connaissez assez bien l'esprit humain pour savoir que du moment où on verra notre marque cotée à un prix inférieur à celui de nos concurrents, on en conclura que notre vin est inférieur et jamais quoi que nous fassions nous ne nous relèverons de cette appréciation fâcheuse. »[64]

 

Les prix ne semblent pas fixés ici en fonction de la qualité du vin, mais bien plutôt en fonction des concurrents avec lesquels la maison Pommery entend rivaliser. Elle est parfaitement consciente de l'influence du prix sur la "qualité perçue", telle que nous l'avons exposée précédemment. Nous ne pouvons pas l'affirmer, mais il est possible qu'elle ait toujours pratiqué cette politique de prix élevés, dans une optique concurrentielle. Le négoce des vins de Champagne se prête particulièrement bien à ce type de "stratégie", car ces vins font partie de ces produits « difficiles à évaluer objectivement » et où « le statut du consommateur est en jeu »[65]. H. Vasnier l’expose d’ailleurs en faisant allusion à la stratégie de la maison Roederer. Elle a choisi, avec raison selon lui, d’avoir toujours un prix supérieur au Clicquot et au Moët, jouant ainsi sur le besoin d’« ostentation » et l’« amour-propre » qui pousse le consommateur à acheter le vin le plus cher[66].

 

La maison Pommery a donc intégré, dans sa ligne de conduite, ce lien entre prix et "qualité perçue". Les multiples recommandations qu'elle adresse à ses représentants viennent en témoigner. Il lui importe en effet que ceux-ci maintiennent rigoureusement ses prix, et qu’ils n’accordent pas de concessions en vendant le vin[67] :

 

             « […] Tous les jours vous entrez dans la voie des concessions [ il faut tenir les prix] c’est la seule manière de faire respecter la marque, en faisant autrement vous jetez le discrédit sur votre marchandise […] vos ventes diminueront […] on dira que vous vendez bon marché, ce qui est synonyme de drogue. »[68]

 

         Les propos de H. Vasnier mettent clairement en évidence la nécessité de ne pas faire de concession sur les prix de vente. Il y a, dans son argumentation, une logique commerciale, mais aussi et surtout la conscience que de ce prix dépend la réputation de la marque. C'est en effet la perception des consommateurs qui importe (« on dira que…»), plus que la qualité elle-même. Le prix, dans l'esprit de H. Vasnier, parle au consommateur : si le vin est bon marché, il « est synonyme de drogue » et de ce fait, il se vend moins. L'importance de ces prix élevés et de leur maintien se comprend là encore par le fait que la maison Pommery tient à s'adresser à une clientèle qui cherche avant tout un vin de qualité.

 

2.2.1.2.                   Une rupture par rapport aux pratiques de l’ancienne maison

 

 La Maison semble donc s'appuyer sur le prix de ses vins pour imposer la marque Pommery parmi les plus prestigieuses de l'époque, ce qui témoigne de ses ambitions. Elle s’inspire sans doute en cela de la politique de ces maisons. Nous ne savons pas si les prix des vins ont varié par rapport à ceux de l'ancienne maison, mais cette politique semble marquer une certaine rupture. La meilleure preuve est peut-être à rechercher dans cette querelle qui oppose N. Greno à la Maison à propos des prix sur le marché belge. Sa correspondance a malheureusement disparu, mais A. Floquet a relevé en partie les termes de cette polémique. Au début des années 1860, il réclame instamment à la Maison d’adopter des prix plus en phase avec la conjoncture difficile en Belgique. Ainsi, lors d’un voyage à Bruxelles, il demande de « réduire les prix à leur plus simple expression»[69]. Suite au refus de Madame Pommery de donner son accord pour un marché qu’il vient de conclure - portant sur 3.000 bouteilles de Bouzy 1858 à 4 francs la bouteille prise à Reims au lieu de 4,25 francs - il met en garde la Maison :

 

« Et c’est quand j’ai traité, moi, votre représentant-intéressé, ancien Chef de la Maison, que vous venez brusquement exiger une augmentation de prix intempestive sous tous les rapports, dont personne ne veut entendre parler, que personne n’acceptera, je vous le prédis sincèrement […]

Vous dites que les propriétaires vous délaissent, en effet 25 ou 30 vieux clients des meilleurs sont morts, le triple a déserté ! N’en faisant guère de nouveaux il est clair que cela sent le vide. C’est quand vous avez encore un bon moyen de salut, de bien raviver la Marque dans le pays et la consolider ensuite, que vous lui tournez le dos ou lui dictez impérieusement des conditions inacceptables. J’avoue que je n’y comprend rien […] Si la bureaucratie a la science des chiffres, elle n’a pas toujours celle de l’expérience pratique, et M. Vasnier, votre gérant, a bien vite oublié ses impressions de voyage […] Je vous ai dit sincèrement, sans passion et sans colère, ma manière de voir. A vous d’en faire ce que vous jugerez convenable.»[70]

 

         Il s'élève de manière assez virulente contre la politique de prix menée par la maison Pommery et contre cette rigueur nouvelle, incarnée par H. Vasnier. Ce passage met bien en évidence le décalage qui peut exister entre deux conceptions des affaires : N. Greno est avant tout homme de terrain, favorable aux compromis. Il semble d'ailleurs que les prix de l'ancienne maison n'ont pas toujours été appliqués avec une grande rigueur[71]. De leur côté, Madame Pommery et H. Vasnier se placent dans une toute autre perspective dans l’intérêt même de la Maison :

 

« Quoi que vous puissiez dire de nos théories, nous les préférons à la pratique de certaines maisons qui consiste à réaliser un chiffre de vente fabuleux avec zéro ou moins que zéro à l’inventaire !

         Nous ne pouvons nous résoudre à faire des affaires sans profit […] Il ne nous convient pas, d’autre part, d’envoyer des vins bon marché dans notre clientèle parce que nous voulons la conserver ainsi que notre réputation, et qu’agir autrement serait perdre l’une et l’autre… »[72]

 

         H. Vasnier ne fait que reprendre ici ce que nous avons déjà explicité. Mais cette polémique doit retenir notre attention car elle est, à notre sens, révélatrice. Les reproches que N. Greno adresse à l'encontre de la politique de la Maison témoignent de cette rupture qui oppose « l’expérience pratique » aux « théories ». L’emploi du terme même de "théorie" connote l'idée d'une politique pensée et strictement appliquée, qui fait de la qualité un impératif. Par le biais de ces prix, elle se donne les moyens d'une politique de qualité, éloignée des « vins bon marché », destinée à établir solidement la réputation de la maison Pommery. La rigueur apportée dans la gestion des affaires - notamment dans les recouvrements - s'intègre à cette perspective[73].

 

2.2.2. Un recentrage sur les vins de qualité supérieure

 

La volonté de la maison Pommery est plus clairement explicitée en ce qui concerne ce domaine. Il se met progressivement en place une politique qui vise essentiellement à « grandir la réputation de la marque »[74] et qui l’amène à se démarquer quelque peu des pratiques de l’ancienne maison. La réputation est une fois de plus au centre du discours.

 

2.2.2.1.                   Un recentrage progressif

 

Dès la fin des années 1850 et au cours des années 1860, la maison Pommery cherche à dissocier son image des vins ordinaires et à orienter son activité vers la vente des vins de qualité supérieure. Des signes concrets illustrent cette volonté. Ainsi, il n'est pas fait référence à la marque Pommery sur les bouteilles ou les étiquettes des dernières qualités vendues par la Maison sur ses marchés continentaux – qu'il s'agisse du vin d'exportation "Vauthier-le-Noir" ou de la "Tisane"[75]. Au milieu des années 1860, ces deux qualités ne sont plus expédiées par la Maison même[76]. L'abandon de ces qualités signifie un recentrage sur les qualités supérieures, sur les vins fins. Il ne doit pas être interprété comme le choix d'un créneau, la Maison ayant toujours revendiqué la spécialité de ces vins. H. Vasnier le précise d'ailleurs à plusieurs reprises : les qualités inférieures n'existent que « pour ne pas manquer la vente »[77]. Par ce recentrage, la Maison adopte une politique plus conforme à l'image qu'elle veut donner de la marque. Les circulaires qu'elle envoie viennent en témoigner :

 

« [...] de pointer sur celui de Rotterdam à votre aise, tous les noms de personnes notables et importantes susceptibles de consommer nos vins fins de Champagne ; cela nous permettra de leur adresser nos prix courants et de donner quelque activité à la vente de nos produits. »[78]

 

         L'exemple de ces circulaires est révélateur. Elles ont pour but de faire connaître les vins fins de la marque uniquement auprès de tous les consommateurs potentiels d'une ville. Par ce biais, la Maison tient à associer son image à celle des vins de qualité supérieure. Déjà sur le marché allemand en 1859, L. Mertens ne doit plus proposer à la vente que deux qualités supérieures. H. Vasnier fait part à G. Van Loo des velléités de réduire le nombre de qualités :

 

         « […] aussi en Allemagne, nous poussons ferme notre représentant à ne vendre que deux qualités supérieures […] Il serait à désirer qu'en Belgique nous en soyons au même point. Tâchez donc pour l'amour de Dieu de ne pas augmenter les sortes que nous vendons…»[79]

 

         Cet extrait est révélateur du changement d'orientation voulu par la Maison. Elle tient à abandonner les champagnes ordinaires, « en dehors de [sa] spécialité »[80], pour ne plus s'occuper que des « grands vins fins », dont elle revendique la spécialité. Des signes concrets illustrent cette volonté. Ainsi, il n'est pas fait référence à la marque Pommery sur les bouteilles ou les étiquettes des dernières qualités vendues par la Maison sur ses marchés continentaux – qu'il s'agisse du vin d'exportation "Vauthier-le-Noir" ou de la "Tisane"[81]. Au milieu des années 1860, ces deux qualités ne sont plus expédiées par la Maison même[82]. Cette séparation opérée dans les caves marque cette volonté de dissocier son image de ces vins ordinaires, de la « pacotille »[83]. Dès la fin des années 1850, elle a demandé à ses agents de « tourner [leur] énergie vers les vins fins »[84], de « pousser la vente des vins fins de Champagne à [sa] marque »[85], c'est-à-dire ses deux ou trois premières qualités. Au début des années 1860, elle réduit le nombre de ses qualités en vente. Sur le marché allemand, elle ne vend plus, déjà en 1859, que deux qualités supérieures[86]. H. Vasnier fait part à G. Van Loo, nous l'avons vu, des mêmes velléités concernant le marché belge. En 1864/1865, la politique suivie sur le marché allemand a été étendue au marché anglais[87], mais pas aussi strictement aux autres marchés. Dans la plupart des prix et désignations communiqués aux représentants avec qui la Maison entre en relation n’apparaissent plus que deux ou trois qualités : la "Carte Blanche Extra" , la "Carte Noire Bouzy" et la "Carte Noire Sillery"[88]. Si la liste des vins de la Maison est réduite à trois sortes, la plupart des représentants reçoivent pour consigne de ne plus proposer que deux qualités, à savoir la "Carte Blanche" et le "Bouzy". Sur certaines des cartes de prix courants qui leur sont envoyées, ne figurent que ces deux sortes[89]. Pour mesurer cette évolution, elle doit être comparée avec la liste des désignations communiquée à certains représentants en 1859. Elle comprend de cinq à six qualités, allant de 2,5 à 6 francs[90]. Au milieu des années 1860, elle va plus loin en incitant ses représentants et agents à pousser ses deux premières qualités[91], et plus particulièrement la "Carte Blanche" :

 

« [...] il faudrait s’en tenir à la C.B. Autant que possible poussez à la vente de cette qualité, la seule que nous voudrions vous voir vendre et avoir à vendre. Ce n’est pas avec une qualité courante qu’on peut lutter victorieusement contre la concurrence. »[92] 

 

         Ce passage met en évidence le rôle particulier qui est assigné à cette qualité supérieure - qui exprime le mieux le style de la marque Pommery - au milieu des années 1860. Elle apparaît comme un instrument au service de l'ambition que la Maison a toujours affichée de concurrencer les marques les plus prestigieuses[93]. Nous trouvons plusieurs références qui vont dans le même sens, toutes datées du milieu des années 1860[94]. Elles marquent un certain aboutissement : la Maison a abandonné les qualités ordinaires et s'est recentrée sur les vins de qualité supérieure. Ces recommandations - privilégier la "Carte Blanche" - illustrent sans doute la volonté d'aller plus loin encore dans ce recentrage, comme l'exprime son souhait de ne vendre que cette qualité.

 

2.2.2.2.                   Asseoir la réputation de la marque

 

Il convient de s'attarder sur les motivations qui ont conduit la maison Pommery à ce recentrer sur les vins de qualité supérieure :

 

         « [...] nous ne pouvons livrer de vin au-dessous de 4 francs franco dans Paris, libre aux maisons qui ne tiennent pas à leur réputation de le faire, mais comme nous tenons à la nôtre et que nous ne voulons pas que les étrangers qui vont dans la capitale rencontrent de nos produits de qualité inférieure, nous aimons mieux renoncer à la vente des vins communs. »[95]

 

         Elle renonce à la vente de « vins communs » à Paris, c'est pour soigner sa réputation aux yeux des consommateurs étrangers, ou plutôt la préserver. Il est intéressant de remarquer que ce n'est pas présenté comme un véritable choix. La maison Pommery a déjà commencé à appliquer cette politique sur ses principaux marchés étrangers et ne pas l'appliquer à Paris, ville cosmopolite, reviendrait à se condamner à leurs yeux. Cet extrait met en évidence l'exigence que représente le maintien d'une réputation. Ce n'est pas un acquis ; elle est au contraire sans cesse remise en jeu. La conserver exige tout d'abord de maintenir la qualité des vins. Or ce maintien semble difficilement compatible avec le maintien de qualités inférieures :

 

         « […] de même il est de bonne politique de ne pas multiplier à l’infini [  ] le nombre de ses qualités car alors il arrive qu’on ne peut pas fournir aussi bon surtout [dans des années mauvaises] et il en résulte une dépréciation de la marque car on met en jeu sa réputation qui souffre de ne pas fournir un vin irréprochable, et le consommateur stupide qui tombe par économie de 25 ou 50 centimes dans la 4ème ou 5ème qualité de vin d’une maison ne se rend pas compte si la maison a une qualité supérieure, il juge ce qu’il boit et si le vin n’est pas parfait, la maison est condamnée sans rémission, on dit que son vin est mauvais […] Voilà ce qu’on gagne à vendre des vins à tout prix .»[96]

 

         « […] ces qualités inférieures sont encore potables dans les grandes années, mais quand viennent les mauvaises années, et elles sont malheureusement plus nombreuses, on ne peut plus faire que de la drogue qui vous [  ][97] une maison en moins de rien et les efforts et les sacrifices faits pendant des années en vue d’acquérir une suprématie marquée…»[98]

 

Ce n’est pas tant le fait d’avoir des qualités inférieures qui est remis en cause ici. Ces qualités répondent en effet à une demande de la part des consommateurs. Pour autant, elles représentent, selon H. Vasnier, le risque de discréditer la marque aux yeux des consommateurs. Surtout, ce type de qualité exige « autant de soins et d’embarras que les vins fins »[99] si une maison veut fournir un « vin irréprochable ». Ces qualités inférieures nuisent alors à l’établissement d’une réputation solide car il est difficile d'en maintenir la qualité. Leur qualité médiocre, lors des mauvaises années notamment, risque de rejaillir sur l’image de la marque, et donc sur l’ensemble de ses vins, quelle que soit la qualité de ses vins supérieurs. Abandonner ces qualités inférieures présente surtout l'intérêt, comme le souligne H. Vasnier, de limiter les risques, pour la marque, d’être prise en défaut sur la qualité, et donc de limiter les risques qu'elle se déprécie. Cette politique s'inspire vraisemblablement de celles mises en place par les principales marques de l'époque – Clicquot et Roederer notamment, à qui il est une fois de plus fait référence :

 

         « […] Remarquez que les maisons qui arrivent au pinacle sont celles qui ont le moins de sortes en vente. La Veuve Clicquot vend une seule sorte, Roederer deux sortes, Piper deux sortes. Ces maisons comprennent très bien que du moment qu’elles ne mettent en vente qu’une ou deux sortes, elles peuvent toujours, éternellement et quand même produire un vin irréprochable, le consommateur ne tombant jamais sur une 3ème ou 4ème ou 5ème qualité à bon marché trouve toujours un vin irréprochable, par conséquent jamais de plaintes, par suite la réputation de la marque reste pure, elle grandit et devient forte…»[100]

 

A l'instar de ses prix élevés, cette politique met en évidence son ambition de faire de sa marque une grande marque de champagne. Si elle se recentre sur les vins de qualité supérieure, si elle cherche à promouvoir la "Carte Blanche", c'est qu'elle est consciente que la qualité seule peut lui permettre d’établir solidement sa réputation. L'exemple du marché allemand vient confirmer cette analyse :

 

         « […] aussi en Allemagne, nous poussons ferme notre représentant à ne vendre que deux qualités supérieures, aussi défions nous n’importe qui de nous faire la concurrence et de trouver à dire dans la qualité des vins que nous livrons à ce pays. »[101]

 

Dès la fin des années 1850, la maison Pommery applique donc cette politique dans la  perspective « d’établir une réputation solide et durable » [102], reposant sur la qualité irréprochable de ses vins. Ainsi, L. Mertens reçoit la consigne d’écouler les vins vieux encore en dépôt[103] et « toutes ces sortes de vins qui nuisent à l’établissement de notre réputation »[104]. La Maison tient le même discours sur ses autres marchés, à commencer par le marché belge et le marché anglais[105].

 

Même si nos sources nous invitent à une certaine précaution dans leur interprétation, la maison Pommery cherche, semble-t-il, à rivaliser, dès la fin des années 1850, avec les principales maisons de champagne de l’époque. Sa conception du vin l’amène à se positionner, de manière relativement virulente, contre les "styles" de champagne que proposent la plupart de ces maisons. Si nous observons une certaine continuité avec l’ancienne maison - la maison Wibert & Greno - quant à la conception du vin, les orientations suivies par la maison Pommery mettent en évidence sa volonté de s’en démarquer. La volonté de fonder une réputation à la mesure de ses concurrents - et l’optique de qualité suivie à cet égard - témoignent à cet égard d’un véritable "choix de développement", qui l’engage dans l’avenir. Par la politique qu’elle a cherché à mettre en place, la maison Pommery s’est donné, semble-t-il, les moyens de ses ambitions, du moins a-t-elle cherché à le faire.

 



[1] Aaker D., Le management du capital-marque , p.294 : « Le positionnement de la marque est basé sur un trait d’image majeur qui agit sur le comportement d’achat et qui permet de se différencier de la concurrence. »

[2] A cet égard, il nous faut apporter une précision de méthode. Nous ne nous sommes intéressés, dans l’étude de ce discours, qu’aux thèmes - ou aux recommandations - qui reviennent le plus souvent dans nos références. Les références citées ici pour démontrer ce discours nous sont apparues comme étant les plus significatives. D’autres lettres y renvoie, mais nous avons préféré ne pas toutes les citer pour ne pas surcharger cette partie.

[3] Lettre adressée à Charron, Gellie & C° datée du 5 janvier 1865 (47, ?)

[4] Tous les passages soulignés le sont dans la correspondance, de la main de l’auteur.

[5] Lettre adressée à A. Hubinet datée de juin 1863 (378, 482)

[6] Lettre adressée à L. Mertens datée du 18 novembre 1864 (46, 353)

[7] Lettre adressée à A. Hubinet datée du 23 février 1865 (47, 363) : « […] comparé au Clicquot et au Moët notre vin l’a emporté par sa finesse et son bouquet naturel… »

[8] Lettre adressée à Royer datée de septembre 1859 (24, 413) - Voir également lettre adressée à Rigot datée du 10 décembre 1868 (64, 67) : « […] d’où nous concluons que les Namurois n’aiment pas les vins fins, mais les vins corsés et alcoolisés c.à.d. des vins grattant le palais. Pour arriver à fournir ce genre de champagne, il faut des produits plus communs qui flattent davantage les palais ignorants ou blasés incapables d’apprécier les vins plus fins dont tout le mérite est dans le délicat, le bouquet et la distinction, malheureusement ce genre de vin à la Moët que nous avons toujours combattu n’est pas de notre [illisible] »

[9] Cf chapitre I : Le succès des vins mousseux

[10] Lettre de N. Greno adressée à M. Pommery, rédigée à Aix-la-Chapelle et datée du 4 mars 1857

[11] Lettre adressée à L. Mertens datée du 9 février 1857 :  « […] notre cachet de vins secs qui seuls plaisent habituellement aux connaisseurs. »

[12] H.M.P., p.5 - lettre de N. Greno adressée à Vuillemot datée du 29 décembre 1857 : « […] notre champagne très sec qui fait le désespoir des vieilles et routinières maisons inféodées à l'Etranger depuis l'invasion, avec leur tisane sucrée et aromatisée moussant de rage et de frayeur d'être renvoyée par les connaisseurs et les gourmets ! »

[13] Notes historiques sur la maison Wibert & N. Greno, p.32

[14] Lettre adressée à A. Royer datée de septembre 1859 (358, 413) : « […] notre Bouzy 1857 ne craindra aucune comparaison même avec le Grand Impérial de Moët. »

 

[15] Lettres adressées à A. Hubinet, datée de juin 1863 (?, 482), et à Lepec datée du 27 janvier 1865 (47, 206)

[16] Lettre adressée à Lefébure datée du 4 novembre 1864

[17] Lettre adressée à Lepec datée du 27 janvier 1865 (47, 206) : « [...] ce ne sera pas avec des vins à 3.5 ou 2.5 Frs qu’on réussira à battre les Clicquot et Roederer. Chose à laquelle nous visons et vous engageons de viser. »

[18] Lettres adressées à G. Van Loo, datée d’avril 1860 (29, 332), et à A. Hubinet datée de mai 1872 (385, 215 : « […] continuer nos sacrifices […] en vue de produire des vins exceptionnels qui puissent défier victorieusement toute concurrence, point capital pour arriver au premier rang et n’en pas déchoir. »)

[19] H.M.P., p.25 - lettre adressée à H. Auzon datée du 2 juin 1863

[20] Ce thème de la conviction que doivent avoir les représentants apparaît de manière récurrente dans la correspondance.

[21] Lettre adressée à Poidevin Fils datée de septembre 1859 (358, 313) : « [...] Il faut toujours savoir faire demander la marque, c’est la base du succès. Pour cela, il faut se créer de nombreux amis qui deviennent vos apôtres.»

[22] Lettre adressée à Louet Frères datée du 2 avril 1860 (29, 62) : « […] Il faudrait aussi que vous saisissiez toutes les occasions de faire apprécier nos vins car dans notre partie il ne suffit pas d’entendre parler et de parler d’un vin, il faut le faire aimer, c’est-à-dire le faire boire et en propager le goût. »

[23] Lettre adressée à A. Hubinet datée du 20 mai 1863 (378, 427)

[24] H. Vasnier emploie d’ailleurs l’expression d’« article de foi » dans une lettre adressée à A. Hubinet où il fait un véritable plaidoyer en faveur du « champagne naturel » prôné par la Maison (lettre datée de juin 1863 - 378, 482)

[25] Lettres adressées à A. Hubinet datée du 29 juillet 1864 (45, ? : dans cette lettre, H. Vasnier va même jusqu’à mettre en doute les propos de A. Hubinet, tant il est convaincu que ce vin ne peut pas être battu), à G. Van Loo datée de décembre 1864 (46, 426) et à L. Mertens datée du 23 février 1865 (47, 363 : « […] M. K. est aussi difficile que vous s’il ne trouve ce vin excellent. »

[26] Lettre adressée à A. Hubinet datée du 8 juin 1863 ( ?,31)

[27] Cf chapitre VI : Un marché spécifique

[28] Lettre adressée à L. Mertens datée du 4 novembre 1864 (46, 308) 

[29] Lettre adressée à A. Hubinet datée de juin 1863 (?, 482)

[30] Lettre adressée à A. Hubinet datée du 8 juin 1863 (?, 31)

[31] A mesure que l’on se rapproche de la Russie, le champagne se consomme de plus en plus sucré.

[32] Lettre adressée à A. Hubinet datée du 21 mars 1862 (377, 111) : H. Vasnier y décrit une lutte entre ces eux styles - entre le cachet français, incarné par la maison Clicquot, et les vins chargés au cachet "anglais" - lutte que la Maison espère voir remporter par la maison Clicquot.

[33] Lettre adressée à Charron, Gellie & C° datée du 5 janvier 1865 (47, ?)

[34] Lettres adressées à Lepec datée du 27 janvier 1865 (47,206 : « [...] à ceux qui veulent du vin offrez le Pommery à ceux qui demandent du sirop offrez le Clicquot ou le Roederer »), à Mertens datée du 23 février 1865 (47, 363) : « […] Nous n'avons pas l'habitude d'aromatiser nos produits, nous laissons nos parfums aux coiffeurs et aux maisons qui font des sirops, mais quand on se pique de donner des vins, et surtout des vins secs, on s'abstient de toute espèce de drogage. »

[35] Cf. chapitre I et chapitre VI : Un marché spécifique

[36] H.M.P., p.5 - lettre de Greno datée du 29 décembre 1857

[37] Lettre adressée à G.Van Loo datée de juin 1859 (22, 327)

[38] Ce terme est employé à plusieurs reprises pour désigner la qualité moyenne des vins de la concurrence.

[39] C.C.H., pp.144-145 -  lettre datée du 28 septembre 1882

[40] Lettre adressée à Sergeant Jeune datée du 23 juillet 1859 (23, 332)

[41] Lettre adressée à Greno datée du 24 juin 1859 : « [...] Or si nous continuons de la même manière, nous pourrons nous flatter de traverser les crises les plus terribles sans perdre trop de plumes. Pour peu que votre santé vous permette de réveiller la Belgique cet automne, il est probable que cette triste année 1859 verra le plus beau chiffre d’expédition.»

[42] Gergaud O., Fonctions de prix hédonistiques : le rôle de la réputation dans le commerce des vins de Champagne, p.49 : « Le terme de "qualité objective" (on parlera également de qualité réelle) est généralement employée pour décrire la supériorité ou l’excellence d’un produit.»  -  Shapiro, cité par O. Gergaud, op. cit., p.80 : « A firm has a good reputation if consumers believe its products to be of high quality. » Cette définition permet de souligner que la réputation renvoie effectivement à l’image que le consommateur a a priori d’une marque ; la réputation "mesure" en quelque sorte le degré de qualité que le consommateur peut attendre d’une marque.

[43]  Lettre adressée à G. Van Loo datée du 25 janvier 1860 (27, 274)

[44] Cf. chapitre I : Le succès des vins mousseux

[45] Cf. infra

[46] A cet égard, il convient de se reporter à la partie précédente.

[47] Lettre adressée à Bonnier datée du 3 avril 1864 (46, 38) 

[48] Lettre adressée à G. Van Loo datée de juillet 1859 (23, ?) : « […] d’excellentes provisions […] nous permettent de servir notre clientèle de manière à ne lui tenir que des éloges.»

[49] Lettre adressée à Bonnier datée du 3 avril 1865 (48, 38)

[50] Lettre adressée à G. Van Loo datée du 29 juin 1859 (23, 58 : « […] nous en souffrons considérablement ce qui s’explique facilement lorsque l’on pense aux approvisionnements immenses qu’il nous a fallu faire en prévision des mauvaises années.») et à Bonnier datée du 3 avril 1865 (48, 38)

[51] Lettre datée de juin 1859 adressée à G. Van Loo  (22, 327) : « […] nous avons été obligés de nous agrandir en louant de vastes caves en ville pour faire face à d’immenses approvisionnements.»

[52] Plusieurs lettres font référence à l'importance de ces rentrées et aux difficultés nées de leur retard, notamment à la fin des années 1850. Voir lettres adressées à G. Van Loo datée du 29 juin 1859 (23, 58) (voir citation ci-dessus) et du 25 janvier 1860 (27, 274) : « […] l’importance vitale des rentrées de fonds pour que nous puissions augmenter considérablement nos achats de vins vieux »

[53] Cf. chapitre VI : Un manque de moyens ? et La réputation acquise

[54] Cf. chapitre II : L’influence d’un représentant sur l’image de marque

[55] Lettre adressée à J. Wallon  datée du 19 avril 1860 (29, 238)

[56] Bonal F., Le Livre d’or du champagne, p.74

[57] Lettre adressée à A. Hubinet datée du 20 mai 1863 (378, 427)

[58] Lettre adressée à N. Greno datée du 24 juin 1859 (24, 12)

[59] Lettres adressées à Pomès datée d’octobre/novembre 1859 (25, 201 : « [...] raisins entièrement noirs récoltés dans les meilleurs vignobles et dont le prix est 2/3 plus élevé que les raisins blancs...») et à Bonnier datée du 3 avril 1865 (48, 38 : « […] car lorsque l’on veut maintenir la bonne qualité de ses vins, ce n’est qu’en achetant ce qu’il y a de meilleur et de plus cher dans le vignoble. »

[60] C.C.H., p.29 -  lettre datée du 1er avril 1862   

[61] H.M.P., p.25 - lettre adressée à Auger : « […] quand bien même nos concurrents offriraient les mêmes sortes à des prix inférieurs, ce n’est pas une raison pour les suivre. C’est la qualité que vous devez faire payer, et comme votre vin est bon, vous n’avez rien à craindre des comparaisons. »

[62] Idem, p.79 : « La qualité perçue peut se définir comme le jugement du consommateur à propos de la qualité objective.»

[63] Aaker D., op. cit., p.294 : « La méthode pour avoir une forte qualité perçue est bien sûr d’apporter d’abord une qualité objective, réelle. C’est une condition nécessaire mais non suffisante. Il faut discerner les dimensions les plus importantes de la perception de la qualité qui peuvent toucher à des domaines très irrationnels. Il faut découvrir les indicateurs de la qualité pour le client et savoir communiquer sur la qualité de manière crédible. Le prix est souvent un signal important qui influe sur la qualité perçue. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’un produit est difficile à évaluer objectivement ou lorsque le statut social du consommateur ou de l’acheteur est en jeu. »

[64] Lettre adressée à L. Mertens datée du 19 mars 1869 (65, 388)

[65] Cf. citation ci-dessus de Aaker D.

[66]  Lettre adressée à A. Hubinet datée d’avril 1862 (377, 224)

[67] Lettre adressée à G. Van Loo datée du 6 avril 1860 (29, 96) : « Il n’est pas de bonne politique d’avilir ses prix de vente et nous vous [  ] que les affaires diminuent au lieu d’augmenter avec ce système qui tend à déprécier le vin et la marque que vous offrez. »

[68] Lettre adressée à L. Mertens datée du 22 février1859 (28, 160)

[69] H.M.P., p.18 - lettre de N. Greno adressée à Reims datée du 15 février 1862

[70] H.M.P., p.19 - lettre de N. Greno adressée à Reims datée du 6 mai 1862

[71] Lettre adressée à G. Van Loo datée du 21 décembre 1859 (26, 388) : « […] ces concessions que Greno s’est toujours plié à faire, n’ont jamais reçu de récompense […] nous ne voulons plus en faire car nous n’en retirons que des ennuis et pas d’avantages… »

[72] Lettre adressée à N. Greno datée du 12 mars 1862

[73] Cf. infra

[74] Lettre adressée à J. Wallon datée du 19 avril 1860 (29, 238) 

[75] Lettres adressées à Kniep & C°, datée du 9 mars 1860 (28, 343) et à Pomès

[76] Lettre adressée à Sergeant jeune datée du 24 janvier 1865 (47, 192) : « […] La "Tisane" est expédiée des caves de Chigny, nos caves de Reims étant entièrement réservées aux vins fins. »

[77] Lettre adressée à Kniep & C° datée du 9 mars 1860 (28, 343 : H. Vasnier explique que la Maison offre la qualité "Vauthier-le-Noir" « qu’à [son] corps défendant et pour ne pas voir un client sérieux s’adresser ailleurs aussi bien pour les vins fins que pour les vins d’exportation […] qui ne nous laissent aucun profit. »)   

[78] Lettre adressée à Lenersan & C° datée du 2 juillet 1864 (45, 242)

[79] Lettre adressée à G. Van Loo datée du 6 avril 1860  (29, 96). Une autre lettre d'avril 1860 (29, 332) va encore plus loin : « […] Quant à l'Ay [ quatrième qualité ], n'en vendez pas et dites à tous ceux qui en ont que nous ne nous occupons plus du tout de ces vins légers, spécialité des maisons de troisième ordre et que nous ne faisons plus que les grands vins fins. »

[80] Lettre adressée à Kniep & C° datée du 9 mars 1860 (28, 343)

[81] Lettres adressées à Kniep & C°, datée du 9 mars 1860 (28, 343) et à Pomès

[82] Lettre adressée à Sergeant jeune datée du 24 janvier 1865 (47, 192) : « […] La "Tisane" est expédiée des caves de Chigny, nos caves de Reims étant entièrement réservées aux vins fins. »

[83] Lettre adressée à A. Hubinet datée de mars 1862 (377, 224 : H. Vasnier explique que la Maison ne tient pas à s’occuper de la « pacotille » pour mettre l’accent sur sa réputation), à Sagot datée du 20 mai 1864 (45, 34 : «[…] notre maison ne voulant plus du tout s’occuper des champagnes ordinaires)

    Au milieu des années 1860, il semble par ailleurs que la maison Pommery est en relation avec une autre maison, vers laquelle elle dirige les correspondants qui veulent des qualités inférieures. Il est possible que le vin soit acheté par la Maison et revendu par cette autre maison sous une autre marque.

[84] Lettre adressée à J. Wallon datée du 19 avril 1860 (29, 238)

[85] Lettre adressée à Kniep & C° datée du 9 mars 1860 (28, 343) – Voir également lettre datée du 29 mars 1860 (29, 343) 

[86] Lettres adressées à L. Mertens datée d’octobre 1859 (358, 494) et à Brenken datée du 1er février 1860 (27, 417)

[87] Lettre adressée à A. Hubinet datée du 27 avril 1865 (48, 119) : il est fait référence à l’arrêt des qualités "Extra" et "Carte Noire". La Maison s’en tient « à un seul grand vin opéré à deux doses pour simplifier le travail et accroître la qualité » 

[88] Lettres adressées à Sergeant neveu, datée du 3 novembre 1864 (46, 284) et à Bollot datée du 14 novembre 1864 (46, 342)

[89] Lettres adressées à Poidevin père datée du 21 septembre 1864 (46, 108) et à Lepec datée du 27 janvier 1865 (47, 206) -  Par ailleurs, Auzon & C° ont vraisemblablement reçu comme consigne de ne plus offrir la qualité "Sillery" à la vente  (lettre du 24 janvier 1865 - 47, 188) 

[90] Lettre adressée à J. Wallon datée du 19 avril 1860 (29, 238) : y sont notifiées les qualités "Verzenay sec", "Crémant", "Bouzy", " Verzenay ", "Sillery", "Ay" et "Tisane".

[91] Lettre adressée à G. Van Loo datée du 13 janvier 1865 (47, 132) : « [...] c’est pour cela que nous vous engageons beaucoup à pousser la vente de la Carte Blanche et du Bouzy, en négligeant complètement le Sillery, car c’est avec de grands vins que l’on maintient son drapeau au-dessus de celui des concurrents. »

[92] Lettre adressée à D’Arnaud datée du 14 mai 1864 (45, 11)

[93] Lettre adressée à Gargam datée du 24 août 1864 (46, 25) : « […] privilégier la Carte Blanche, seul vin qui puisse avoir la prétention de lutter avec Roederer »

[94] Lettres adressées à Bonnier datée du 13 juillet 1864 (45, 328), à Delvaux datée du 2 décembre 1864 (46, 419) et à G. Van Loo datée du 13 janvier 1865 (47, 132)

[95] Lettre adressée à Marguier datée du 7 février 1865 (47, 259)

[96] Lettre adressée à G. Van Loo datée du 6 avril 1860 (29, 96)

[97] Ce mot n'est pas lisible, mais le sens de la phrase ne peut pas nous échapper.

[98] Lettre adressée à G. Van Loo datée d’avril 1860 (29, 332)

[99] Lettre adressée à Sagot datée du 20 août 1864 (46, 12)

[100] Lettre adressée à G. Van Loo datée du 6 avril 1860 (29, 96)  

[101] Idem

[102] Lettre adressée à Brenken datée du 1er février 1860 (27, 417)

[103] Lettres adressées à L. Mertens datées de septembre 1859 (24, 310), de novembre 1859 (25, 353), du 18 janvier 1860 (24, 207) et du 31 mars 1860 (28, 56)

[104] Lettre adressée à L. Mertens (24, 494)

[105] Lettres adressées à A. Hubinet datées des 19 avril (378, 298) et 22 octobre 1863 (?, 92) et du 9 mai 1865 (48, 165)

 

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