Conclusion

 

 

Ce mémoire nous a conduit à analyser les ressorts du développement spectaculaire qu’a connu la maison Pommery dans la seconde moitié du XIXème siècle. Apparue au milieu du siècle, de taille modeste à ses débuts - elle hérite de sa devancière, la maison Wibert & Greno -, elle est devenue en l’espace de quelques décennies l’une des marques de champagne les plus prestigieuses. Son développement s’inscrit dans un contexte favorable. De manière générale, les maisons de champagne ont bénéficié des progrès apportés, dans la première moitié du XIXème siècle, à l’élaboration du vin mousseux : il est devenu un vin de qualité relativement régulière, et meilleur marché. Ni les règles de la "champagnisation", ni les procédés techniques de fabrication ne sont encore parfaitement maîtrisés à la fin du XIXème siècle, mais à partir du milieu du siècle, produire ces vins présente moins de risques qu’auparavant. Ces progrès constituent le support de la croissance que connaît le négoce des vins de Champagne, ou plutôt devrions-nous dire du "champagne", puisque désormais ils sont quasi systématiquement associés au vin mousseux : la seconde moitié du XIXème siècle voit s’affirmer le succès du champagne. La consommation explose, du fait notamment de la prospérité relativement générale. La poussée de la consommation s’accompagne également d’une évolution dans les "goûts". La prééminence du champagne "sucré", encore largement prisé au milieu du siècle, progressivement remise en cause, au profit du vin "sec" qui se diffuse. C’est sur le marché anglais que cette évolution s’est particulièrement affirmée. Le goût s’y porte largement sur des vins très secs - dont le "brut" est la forme achevée - sous l’impulsion des élites anglaises et de leurs "wine merchant". Sur les marchés continentaux, cette évolution a été plus progressive ; elle s’est étalée dans le temps et dans l’espace, la notion de "sec" restant relative du fait de la diversité des goûts qui subsiste. Les modalités de cette diffusion sont difficilement perceptibles, mais il est possible que les élites, et particulièrement les élites anglaises, en aient été un des ressorts principaux. Par ailleurs, quelques maisons ont sans doute joué un rôle moteur dans ce processus, non seulement en élaborant ce type de champagne, mais également en en assurant la promotion.

 

Ce contexte particulièrement favorable est à l’origine de la réussite commerciale de nombreuses maisons, y compris de maisons apparues tardivement, qui ont réussi à percer dans un négoce pourtant fort concurrentiel. La maison Pommery en offre l’exemple. Pourtant, nous ne saurions y voir la seule explication de cette réussite. Elle connaît une progression continue de ses ventes au cours de cette seconde moitié du XIXème siècle et surtout elle voit sa "part de marché" augmenter considérablement : de 0,5% des expéditions à ses débuts en 1858, elle représente près de 10% au début des années 1890, ce qui probablement la singularise au sein du négoce du champagne. Le succès de la maison Pommery se situe à la confluence des évolutions qu’il connaît, dont elle a pleinement profité. Trois éléments ont fortement contribué à ce succès : son positionnement, la réussite de son agent sur le marché anglais et la mise en place d'un réseau d'agents.

 

Son positionnement pour commencer, qui apparaît au travers du discours tenu à ses intermédiaires dès ses débuts, à la fin des années 1850. La maison Pommery voit le jour à une époque où coexistent deux styles de champagnes, l’un destiné au marché anglais et l’autre aux marchés continentaux. La maison Pommery se démarque de ces deux styles dès ses débuts, en proposant des "vins secs et naturels", y compris sur les marchés continentaux. Si ses vins "secs" diffèrent de ceux proposés par la suite, cette position la place néanmoins à contre-courant des principales maisons déjà installées dans le négoce du champagne. Elle s’élève tout à la fois contre les vins sucrés de Clicquot et Roederer et contre les vins à l’anglaise de Moët et Perrier-Jouët, condamnant de manière véhémente des pratiques - l’ajout de sucre ou d’alcool - accusées de dénaturer le cachet véritable du vin de Champagne. La maison Pommery semble en fait défendre un retour à l’authenticité de ce vin, perverti à la fois par la clientèle continentale - notamment allemande et russe, très portée sur les vins sucrés - et par la clientèle anglaise. Cette position, si elle semble relativement originale, n’est cependant pas du seul fait de Madame Pommery : elle a vraisemblablement été initiée au vin "sec" par N. Greno ; elle partage complètement ses vues, quant à la conception d’un champagne qui se veut avant tout un vin de repas qu’un vin de dessert. Il importe de remarquer en tout cas que sa préférence pour le vin "sec" semble précéder la diffusion de ce genre de vin. Il n’y a pas d’opportunisme dans cette orientation ; la maison Pommery semble d’ailleurs avoir essayé de le diffuser dès la fin des années 1850. Ce cachet de vin constitue le support de ses ambitions dans le négoce du champagne. Dès ses débuts, elle affiche sa volonté de rivaliser avec les marques les plus prestigieuses de l'époque, notamment Clicquot et Roederer, sûre de ce que la qualité de son vin n’a rien à envier à ses marques prestigieuses. La politique qu’elle semble avoir alors mise en œuvre ne fait que confirmer cette orientation vers la qualité. Ce discours, notamment concernant la qualité, est sans doute révélateur de l’orientation suivie par la plupart des grandes maisons de champagne, à un moment où le fossé a tendance à se creuser avec des maisons vendant des vins bon marché, qui connaissent une certaine vogue. Dans le cas de la maison Pommery, la qualité de ses vins l’a sans doute aidée à percer dans un contexte fortement concurrentiel.

 

Un agent et un marché ensuite. La maison Pommery profite en effet de la spectaculaire ouverture du marché anglais au champagne. Ce marché remplace très vite le marché belge, qui lui fournit son débouché principal à la fin des années 1850. La "réorientation" des échanges qui s’opère au cours des années 1860 est révélatrice non seulement de l’importance du marché anglais, mais également des implications de la politique suivie par la maison Pommery : son optique de qualité l’éloigne de ses "marchés traditionnels" plutôt orientés vers les vins moyens. Pour autant, l’histoire des relations de la maison Pommery avec le marché anglais n’est pas celle d’une conquête, mais bien plutôt celle d’une adaptation difficile, mais réussie. La correspondance de A. Hubinet apporte un éclairage intéressant, différent du seul point de vue de la maison Pommery. Notre interprétation aurait sans doute été autre si nous n’étions resté qu’à ce seul point de vue ; A. Hubinet se fait largement écho des difficultés que rencontre la maison Pommery à s’y imposer et de ses réticences. Elle s’est engagée sur ce marché imbue de ses prétentions et de ses conceptions. A. Hubinet a semble-t-il joué un rôle décisif dans la percée de la marque, par son activité et ses conseils. Il l’a amenée à s'adapter aux exigences de ce marché, qu’il s’agisse de la qualité du vin ou du dosage. De fait, la marque Pommery est devenue une des marques pionnières dans le domaine des vins "extra-secs", avec quelques autres comme Perrier-Jouët, Ayala, Irroy, Bollinger. Nous ne saurions affirmer cependant que la maison Pommery a choisi de concentrer ses efforts sur le marché anglais, à l'instar de ce que ces maisons semblent avoir fait. Ses perspectives de développement la portent tout autant vers le marché allemand, où le goût semble correspondre à sa conception du vin, tout comme les marchés belges et français d’ailleurs. Le marché anglais a cependant joué un rôle moteur dans la croissance de la maison Pommery. La construction d’un nouvel établissement, au début des années 1870, en témoigne : il s’impose sans doute en raison du succès qu’y connaît la marque. Il représente un tournant majeur dans le développement de la maison Pommery car il augmente considérablement ses capacités de stock, et donc ses possibilités commerciales. En cela, il a permis la spectaculaire progression de ses ventes. C'est sur ce marché également que la politique suivie par la maison Pommery depuis la fin des années 1850 a connu son aboutissement : la marque y a établi solidement sa réputation - fondée sur la qualité de ses vins "extra-secs" - que le Pommery Nature 1874 vient consacrer et ses prix y comptent parmi les plus élevés. En ce sens, l'importance de ce marché dans le développement commercial de la maison Pommery n'est pas exagérée, ni celle de A. Hubinet d'ailleurs. Le succès qu'elle y rencontre marque une rupture dans son développement : il a largement contribué à l’imposer comme une des marques les plus prestigieuses du négoce. De fait, il semble que nous pouvons opposer un "avant- " à un "après-succès anglais", où elle cherche à étendre et pérenniser sa réputation, son "capital-marque" à l’ensemble de ses marchés.

 

Un réseau d’agences enfin. Celui-ci s'inscrit dans une évolution des modes de représentation. La figure de l'agent vient remplacer progressivement, sans pour autant les faire disparaître, celles du commis-voyageur et du représentant de commerce, qui ont contribué à assurer le développement du négoce du champagne dans la première moitié du XIXème siècle. Ces agents répondent sans doute à une évolution au sein du négoce du champagne : la demande toujours plus importante impose d'avoir un intermédiaire sur les principaux marchés ou places avec lesquels une maison fait des affaires, non seulement pour entretenir et accroître sa clientèle, mais également pour gérer ses intérêts commerciaux. Il accompagne cette phase de croissance que connaît le négoce du champagne dans la seconde moitié du XIXème siècle. Il semble d’ailleurs que ce soit sur le marché anglais que ces agents ont été les plus présents, et ce dès la première moitié de ce siècle. Dans le cas de la maison Pommery, ces agents sont venus suppléer le travail de voyageur de N. Greno, qui leur a confiés la clientèle qu’il a lui-même créée. Ils coexistent dans un premier temps avec une multitude de représentants, voyageurs et autres consignataires, dont les ventes sont relativement faibles et avec qui les relations épistolaires sont distendues. Ce sont ses agents, qui assurent principalement le développement de ses affaires au cours de la première période, aidés en cela par des "commissionnaires-entrepositaires", dont le rôle n’est pas négligeable. Ces deux intermédiaires ont contribué à dessiner un espace commercial polarisé, que la géographie épistolaire nous a permis de mettre en évidence, distinct d’un espace commercial mouvant. A partir du milieu des années 1870, c'est un véritable réseau d'agences - et de commissionnaires - qui est mis en place par A. Hubinet, quadrillant l'ensemble des marchés sur lesquels la maison Pommery a l'ambition de développer ses affaires. A. Hubinet s'inscrit dans cette tradition de voyageurs ou d'agents qui, ayant contribué au succès commercial de leur maison, en ont intégré la "sphère dirigeante"- en l'occurrence comme représentant-intéressé chargé de l'établissement des agences, puis directeur de ces mêmes agences. Ce réseau a été progressivement étendu, en fonction des velléités d'expansion et des intérêts de la maison Pommery. Il représente un véritable tournant dans le développement de ses affaires car il s'inscrit dans une réelle perspective de diversification de ses débouchés. De fait, quel qu’ait été le rôle du marché anglais dans la croissance de la maison Pommery, elle n’a, semble-t-il, jamais cherché à y concentrer ses efforts. Ce réseau est sans doute un des ressorts principaux de la spectaculaire progression des ventes de la maison Pommery. Sa mise en  place révèle ses ambitions : partout, A. Hubinet s’est attaché à recruter le meilleur agent, le mieux à même de développer les affaires. Le suivi des affaires qu’il opère lui offre également la possibilité de réajuster, de réorganiser si besoin est, en fonction de l’évolution des affaires et de la concurrence. Il marque surtout une emprise nouvelle de la maison Pommery sur ses agents et sur le développement de ses affaires. Elle entend avant tout faire prévaloir ses intérêts - ce qui représente une rupture par rapport à la première période - notamment dans l’application de sa politique. Ce réseau est une véritable ressource pour la maison Pommery, sur laquelle elle s’appuie pour accompagner les évolutions que connaît le négoce du champagne, à savoir diffuser ses vins "secs" et "extra-secs" et répondre à une demande en forte progression.

 

Cette éclosion relève-t-elle d'une "stratégie" ? Cette notion aide-t-elle à la compréhension du développement de la maison Pommery ? Une stratégie suppose la définition d’un ou plusieurs objectifs, qui engagent dans le long terme, et de moyens pour les atteindre. Dans le cas de la maison Pommery, il existe une véritable ligne de pensée, exprimée et appliquée dès ses débuts. Elle fait de l’établissement de la réputation de la marque un "objectif", lié aux contraintes d’un négoce au sein duquel il apparaît difficile de se démarquer. A deux reprises, la maison Pommery se trouve à contre-courant, mais dans des sens opposés, sur les marchés allemand et anglais. Dans les deux cas, cette position n’est pas tenable. La réputation apparaît alors comme une "variable stratégique". Elle est perçue, par la maison Pommery, comme devant lui permettre de rivaliser avec ses principaux concurrents et de développer ses affaires. La politique exigeante, orientée vers la qualité, qu’elle semble avoir mise en place, vise à réaliser cet objectif : ses prix élevés et le recentrage sur les vins de qualité supérieure s’inscrivent en effet dans cette perspective. Elle a fait par-là même un véritable "choix de développement", nécessitant des investissements importants, alors même que la marque est peu connue. Pour autant, l’application de cette politique est difficile au cours de la première période que nous avons mise en évidence. L’application d’une "stratégie" suppose une certaine marge de manœuvre, que la maison Pommery n’a manifestement pas, tout du moins au cours de cette première période. Cette marge de manœuvre est en partie réduite par les intermédiaires qui assurent le placements de ses vins et qui ne sont que des relais imparfaits de sa politique. La maison Pommery s’est efforcée de faire valoir sa ligne de conduite, mais elle est restée dépendante de leur bonne volonté et de leurs capacités ; l’exemple de A. Hubinet l’illustre positivement. En outre, elle souffre du manque de notoriété de sa marque, qui rend d’autant plus difficiles leurs démarches. Au début des années 1870, la réputation acquise par la marque sur le marché anglais concrétise en partie cet objectif initial, et lui autorise une marge de manœuvre plus importante. De fait, la maison Pommery s’appuie sur ses prix, qu’elle veut être les plus élevés du marché, pour établir, ou gérer, cette réputation sur ses autres marchés. Là encore, cela s’inscrit dans une logique concurrentielle ; d’autres maisons ont cherché, pour les mêmes raisons, à appliquer la même politique. Les voyages de A. Hubinet représentent un véritable tournant dans cette perspective, car ils offrent une garantie supplémentaire à la maison Pommery en vue non seulement du développement de ses affaires, mais surtout de l’application de sa politique. En définitive, il semble bien que, si la marque Pommery est devenue l’une des plus prestigieuses du négoce aussi rapidement, elle le doit en grande partie à cette ligne stratégique, exprimée et appliquée dès les premiers temps. Nous ne saurions ignorer l’opportunisme de son succès sur le marché anglais. Si elle manifeste un attachement particulier à son cachet de vin "sec" - il n’y a pas là d’opportunisme de sa part -, elle doit surtout à l’initiative de A. Hubinet d’être devenue une marque pionnière dans le vin "extra-sec". C’est lui en effet qui l’a incitée à s’orienter sur le marché anglais de manière quasi exclusive vers ce genre de vin. A ce propos, faire de Madame Pommery l’"inventeur du champagne brut" n’a pas de sens ; des vins "bruts" ou sans liqueur sont d’ailleurs présents sur ce marché depuis la fin des années 1850 au moins. La maison Pommery a surtout parfaitement su profiter de ce mouvement grâce à son agent. Elle doit la réputation acquise à un "positionnement" sur ce marché, qui a été peut-être plus subi que choisi, et ce quelle que soit la qualité du vin "extra-sec". Cependant, si elle a joué d’opportunisme, ce succès est parfaitement intégré par la suite : le vin "extra-sec" devient dès les années 1870 un élément "identifiant" de la marque Pommery et elle a sans doute contribué à le diffuser.

 

Le développement commercial de la maison Pommery semble nous donner l’exemple d’une stratégie réussie. Cependant, il est possible de se demander si ce concept permet de bien le comprendre, s’il est adapté à la réalité du négoce du champagne et à l’époque étudiée. Il s’agit avant tout d’un concept contemporain, qui nous invite à adopter une perspective rationnelle qui, dans notre cas, est difficile à appliquer rétrospectivement. Si la réputation d’une maison par exemple a un fondement objectif, elle échappe en partie à un schéma rationnel. Le concept de "marque" paraît, à notre sens, peut-être plus approprié, sans qu’il soit incompatible avec celui de "stratégie" d’ailleurs. Le développement de la maison Pommery se comprend en effet dans l’optique de la construction d’une grande marque de champagne. Les trois acteurs principaux de ce mémoire agissent dans ce sens : Madame Pommery, H. Vasnier - sans doute la voix fidèle, auprès des agents et représentants, de la pensée de cette dernière - dont le discours semble largement orienté par cette préoccupation, et A. Hubinet, dont nous avons vu que les orientations qu’il suit sur le marché anglais, puis son travail de grand voyageur, vont dans le sens des intérêts de la marque et de sa réputation. La fidélité témoignée au discours initial en fait véritablement un moment fondateur, par lequel la maison Pommery s’affirme au sein du négoce du champagne ; elle manifeste sa singularité, son identité, en même temps que celle de la marque. Nous avons parlé de "positionnement", parce que ce discours relevé dans la correspondance nous a semblé révélateur de son insertion de la maison Pommery dans le négoce du champagne et de la place qu’elle a entendu y jouer. Mais ce discours témoigne avant tout d’une "profession de foi", plus que d’un choix qui serait fait dans l’intérêt de la marque. L'attachement à son cachet de vin sec et à une optique de qualité semblent bien plutôt relever ici des convictions de la maison Pommery, de sa conception du champagne. Il n’est sans doute pas possible de raisonner sur une maison de champagne exactement comme sur n’importe quelle entreprise, car il y est affaire de goût - à l’instar de l’art. Le concept de "marque" prend en compte l’"exigence" propre aux "industries du luxe", et notamment cette exigence de qualité, cette prétention à l’excellence. A la lecture de nos sources, élaborer un vin de qualité n’apparaît pas seulement comme un impératif face à une concurrence active, mais également comme une exigence vis-à-vis du consommateur. En ce sens, la qualité est sans doute tout autant une exigence qu’une variable stratégique. Ce discours est très certainement révélateur de celui tenu par les grandes marques de cette époque. Par ailleurs, le négoce du champagne accorde une large place à la réputation. De fait, la maison Pommery n’a jamais cessé de développer son image de marque. La volonté de se recentrer sur les qualités supérieures à ses débuts vient en témoigner. Quant à ses prix, ils résultent de la qualité qu’elle estime être celle de son vin, notamment par rapport à la concurrence. Dans les années 1870, ils constituent un élément fort de son "capital-marque". L’extension de ce capital, créé essentiellement sur le marché anglais, s’inscrit également dans cette optique : les modes de réclame choisis et les cibles auxquelles elle cherche à s'adresser traduisent une image de qualité, de raffinement. En ce sens, le développement de la maison Pommery est l’illustration de la naissance et du développement d’une grande marque de champagne. Son parcours témoigne plus largement de la réussite commerciale d’un négoce, et des maisons qui l’animent.

 

La correspondance envoyée à ses intermédiaires est, dans le cas d’une maison de champagne, une source intéressante. Elle se prête aussi bien à une analyse "thématique" que "quantitative" ou "structurelle". Sa richesse permet une diversité de traitement, qu’il s’agisse dans notre cas de reconstituer les chiffres de ventes de ses représentants ou d’établir une géographie épistolaire de l’organisation commerciale de la maison. Elle est intéressante par sa nature même, à savoir qu’elle est envoyée à des intermédiaires à qui il revient de mettre en œuvre la politique commerciale de la maison Pommery. Elle offre à la fois une vision sur la perception que la maison Pommery a d’elle-même et de son environnement - ou sur la perception qu’elle veut en donner, ce qui n’est pas moins intéressant - sur le rôle confié à ses intermédiaires, mais également sur les tensions qui peuvent exister avec eux. En cela, elle permet de souligner les difficultés rencontrées ; elle n’offre pas une image "lisse" de son développement commercial. Elle ne présente cependant que le point de vue de la maison Pommery. Or, un des intérêts de ce mémoire est bien de montrer l’importance du rôle de ses intermédiaires, l’influence que peuvent avoir - aussi bien sur le développement de ses affaires que sur l’image de la marque elle-même. S’ils ne font pas partie de la maison, ils en sont des personnages incontournables, au même titre que les négociants eux-mêmes. L’étude de la correspondance qui leur est envoyée pourrait être utilement complétée par la correspondance qu’ils lui envoient - qui manque dans le cas de la maison Pommery. La compilation de la correspondance de A. Hubinet nous a été particulièrement précieuse, et ce d’autant plus que le rôle de celui-ci en a fait une figure centrale de la maison Pommery, exerçant une responsabilité non seulement dans son expansion commerciale, mais également dans sa politique générale. L’exemple de la maison Pommery nous éclaire en partie sur le négoce du champagne, ses évolutions, mais il n’en reste pas moins que ce mémoire ne prendra sa véritable valeur qu’à la lumière d’autres travaux portant sur le même thème, en s’attachant davantage aux relations entre les maisons et leurs intermédiaires qu’à la personnalité des négociants, aussi riche soit-elle. L’histoire des maisons de champagne, et partant celle du négoce dans son ensemble, ne peut que gagner à cette ouverture.

 

 

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