CHAPITRE IV

L’écrit et le terrain

1 Un peu d'historiographie récente

2 Promenades dans la France des sites industriels
Une manufacture échappée au temps: Villeneuvette
Les salines de Salins et d'Arc-et-Senans
La grande forge de Buffon et le patrimoine sidérurgique de la Bourgogne du Nord .
Les chemins de la soie dans les Cévennes
Le Familistère de Guise
L’écomusée de la région de Fourmies-Trélon et ses antennes
Noisiel, sur les bords de Marne

Notes du chapitre 4

L'objet de ce chapitre est double. D'une part, retracer l'émergence du champ disciplinaire nouveau que constitue l'étude du patrimoine industriel dans le contexte français, et indiquer comment s'est construite la bibliographie du sujet. D'autre part, orienter l'amateur dans nue visite des principaux lieux de ce patrimoine : son approche sensible, en effet, ne peut être remplacée par aucune lecture. Soyons donc touristes, an sens le plus enrichissant du terme.

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UN PEU D'HISTORIOGRAPHIE RÉCENTE

Il est toujours malaisé d'être le témoin objectif de la naissance d'un mouvement lorsqu'on y a été partie prenante. C'est pourquoi les pages qui suivent doivent être lues à travers leur subjectivité, qui laisse leur validité à d'autres témoignages possibles.

Incontestablement l'appréhension du patrimoine industriel a d'abord été moins technique que formelle, accrochée à l'architecture et à l'image. Favorisée, aussi, par le développement d'une sensibilité nouvelle à l'architecture des XIXème et XXème siècles, gravement mise en danger par la conjonction de spéculations immobilières urbaines intenses et de l'inertie d'une conception du monument historique bornée à l'avant 1800. On rencontre ici l'intérêt nouveau suscité par l'architecture du métal, architecture d’ingénieur1 et par son triomphe dans de nombreux secteurs de la construction, y compris celle à destination industrielle; mais à vrai dire. le même intérêt s'adresse depuis les années soixante-dix aux autres matériaux nouveaux, béton, céramique industrielle utilitaire ou décorative, verre, si largement associé aux précédents, qui, tous, entrent dans l'élaboration structurelle et fonctionnelle d'une nouvelle architecture pour l'industrie2.

On se situe alors en pleine réaction contre la destruction des Halles de Baltard, dont seul un pavillon sera sauvé pour être remonté à Nogent-sur-Marne. Des points ne seront véritablement gagnés qu'avec la conservation de la Gare d'Orsay et la remise à neuf de la grande halle de la Villette3. On est bel et bien, désormais, en pleine défense du patrimoine industriel car les monuments cités, pour n'être pas des usines, n'en sont pas moins ceux d'une consommation ou d'un système de communications liés à l'âge industriel. Ici et là, du reste, les matériaux, les solutions techniques sont identiques ou analogues.

En 1972, une exposition du Centre de Création Industrielle, qui n'est pas encore installé au Centre Pompidou, est consacrée au «temps des gares». En 1979 paraissent « Les Châteaux de l'Industrie4», superbe catalogue d'exposition à la gloire de l'architecture industrielle fin de siècle dans la région lilloise, résultat de la collaboration d'un groupe d'architectes ou historiens de l'architecture influencés par le groupe bruxellois des « Archives de l'Architecture Moderne5». Contemporaine de cette initiative, la publication par l'Inventaire de deux volumes sur l'architecture tourquennoise, où se trouve indirectement exaltée une des plus riches architectures patronales de la France d'avant 19146. Heureuse osmose.

Deuxième acteur à entrer en jeu au début de la même décennie les sciences sociales. Et d'abord l'ethnologie, en un temps où l'ethnologie de la France prenait son essor. Un grand patronage intellectuel s'exerce ici, celui de Georges Henri Rivière, à l'origine de la création des Ecomusées français7. L'Ecomusée du Creusot (1973), magnifiquement localisé en un haut lieu de l'industrialisation française (même si depuis la mort de Charles Schneider, en 1960, le destin de la dynastie et celui de la ville dissolvent progressivement leur union), est pour une part le berceau de l'archéologie industrielle en France. En effet, qu'est-ce qu'un écomusée ? Abstraitement, on pourrait le définir comme la deuxième génération du mouvement de rénovation de la muséologie en France, après celle des Arts et Traditions Populaires qui avait pris en charge la sauvegarde de la mémoire et des objets de la civilisation rurale traditionnelle, que la civilisation industrielle n'aura pas mis vingt ans à suivre sur la voie de l'obsolescence. L'écomusée est un organisme qui, sur une base territoriale limitée, se donne pour objectif de recueillir et de faire prendre en charge par la population les témoignages multiformes des activités et des genres de vie qui ont modelé son identité. Or, le territoire de l'écomusée du Creusot, ce sont des mines de charbon, des verreries, des tuileries, outre l'usine métallurgique qui a pris une si formidable extension entre 1836 et 1914, c'est aussi l'artère de circulation constituée par le Canal du Centre (Loire-Saône); et encore, la ville même du Creusot, née de presque rien et devenue, à tort ou à raison, l'archétype toujours invoqué de la ville liée à une entreprise8. La vision serait trompeuse, du reste, qui identifierait entièrement à l'industrie le territoire en question; l'interpénétration ville-campagne ici reste forte, jusqu'à aujourd'hui, et le bassin industriel s'est nourri principalement du réservoir démographique de la Saône-et-Loire, notamment dans ses moyennes montagnes. C'est sur ces lieux en tout cas que s'est élaborée la notion française de patrimoine industriel (cf. la dualité de vocabulaire en anglais, entre archaeology et heritage), cousine de celle de patrimoine ethnologique (un patrimoine dès ce moment reconnu par la Direction du Patrimoine auprès du Ministère de la Culture comme un domaine spécifique, sous l'influence d'Isaac Chiva9). C'est sur ces lieux qu'on commença à concevoir l'urgence de l'inscription ou du classement d'un certain nombre de monuments-témoins10. Une revue prit naissance, l'une des premières du genre, en France, à traiter de la culture de l'industrie11.

D'une façon indirecte, mais dont les effets polémiques furent scientifiquement fructueux, l'anthropologie historique et la sociologie de la même décennie invitèrent certains chercheurs à s'intéresser de plus près au cadre matériel de la vie ouvrière (au travail et hors du travail) et de l'urbanisation/industrialisation, et à tester au moyen d'une approche archivistique, archéologique et à l'occasion d'histoire orale, un certain nombre de concepts fragilisés par l'usage dogmatique qui commençait à en être fait : on pense à «surveiller et punir» (Michel Foucault) et à l'inclusion de l'usine dans le système de l'enfermement généralisé ; à l'interprétation univoque et généralisante du «paternalisme» et à la vogue du «contrôle social» (Murard et Zylberberg) 12; à l'étiquette de la «ville industrielle» utilisée sans connaissance véritable de la complexité des cas de figure, etc. On saisit là l'un des enracinements les plus solides de l'étude du patrimoine industriel : liée à un retour au terrain et à l'étude de cas, elle est un instrument de vérification avant de devenir le point d'appui d'autres interprétations, d'autres classifications.

Ce n'est pourtant qu'autour des années 1975-1980 que l'archéologie industrielle a commencée à être «mise en ordre», à voir clair dans ses contenus, ses objets, ses méthodes. Si ses contours ont été mieux dessinés, cette fois, par des historiens, ce n'a pas été au prix d'un sacrifice de la multiplicité des approches dont elle avait été précédemment la bénéficiaire. Au contraire, l'émergence de l'archéologie industrielle dans le champ scientifique a été l'occasion, fût-ce au prix de tensions passagères, d'une expérience particulièrement concrète d'interdisciplinarité, non seulement dans les sciences sociales, mais avec les architectes, les ingénieurs, sans parler de la collaboration instaurée avec le monde des musées, des associations, des administrations aussi.

Des historiens, mais lesquels ? Ceux d'entre eux que leur spécialisation rendait plus attentifs aux bouleversements structurels ou aux accidents conjoncturels qui atteignaient alors l'appareil de production industrielle et la vieille société « ouvrière» ; c'est à dire les tenants d'une histoire économique et sociale qu'avait récemment incarnée avec une particulière vigueur un Pierre Léon ou qu'allaient rajeunir une Michelle Perrot, un Yves Lequin. Mais encore, ceux que leur situation particulière mettait en contact régulier avec les milieux où, hors de France, l'archéologie industrielle était déjà pratiquée et formalisée. Ce sont des historiens de l'industrie française qui, en réagissant clairement à des phénomènes de société et en captant les signaux venus du dehors, ont provoqué la catalyse nécessaire.

Si l'on veut dans le cas français mieux fixer les idées en avançant le nom d'un père fondateur, ce ne peut être que celui de Maurice Daumas (disparu en 1982). Ce dernier représentait en France, presque seul, l'enseignement supérieur de l'histoire des techniques, dans sa chaire du Conservatoire National des Arts et Métiers (ce secteur disciplinaire fort marginal en France ayant été, par ailleurs, illustré par Bertrand Gille comme directeur d'études à la IVe section de l'E.P.H.E.). L'un et l'autre ont laissé derrière eux une oeuvre monumentale, dans la collection de la Pléiade d'une part13, dans les grandes collections des Presses Universitaires de France de l'autre14. C'est à partir de l'histoire des techniques, et dans le sillage de son réseau d'amitiés personnelles hors de nos frontières, que l'archéologie industrielle est entrée dans l'horizon intellectuel de Maurice Daumas dans la dernière décennie de sa vie, et sans du reste qu'il ait envisagé à aucun moment d'être plus et plus durablement que celui qui ouvre une voie et indique une direction nouvelle à exploiter. Le dernier ouvrage, de publication posthume15, de Maurice Daumas est d'une veine toute différente. Un contrat de recherche l'amena en 1975?1976 à effectuer le premier repérage sommaire des «lieux de mémoire16» de l'industrie française, à la fois par enquête-questionnaire auprès des services départementaux d'archives, et par une exploration de terrain, Maurice Daumas a toujours dit qu'il aimait à chausser les bottes de l'archéologue. Il en sortit une première publication, malheureusement non commercialisée, concernant une sélection de sites anciens17. A l'image d'une bonne habitude anglo-américaine, Maurice Daumas commença d'autre part la diffusion restreinte d'une modeste « newsletter» , l'Archéologie Industrielle en France18, que ses continuateurs devaient transformer en un périodique, le seul à ce jour en France à s'être spécialisé dans les problèmes du patrimoine industriel. Enfin, et surtout, il publia en 1980 un gros volume très illustré qui, sous le même titre, développait ses informations antérieures en une sorte de panorama des secteurs et des régions de ce patrimoine, en des chapitres où sa culture mêlait aisément l'histoire générale, celle de l'économie et de la technologie industrielles, la caractérisation architecturale des édifices19 A ce jour encore, ce livre n'a pas été remplacé. Il est vrai que dans notre pays aucun organisme n'a pris l'initiative de consacrer d'album photographique à une sorte d'initiation du grand public aux hauts lieux de l'industrie, et que la difficulté rencontrée par l'archéologie ou le patrimoine de l'industrie à s'infiltrer dans les cursus universitaires ou autres ne leur a pas favorisé l'ouverture des collections d'enseignement supérieur.

Cependant, ce sont des chercheurs et enseignants de ce niveau qui ont à ce stade très rapidement rejoint Maurice Daumas et ont assuré la reprise de son héritage : Yves Lequin, en créant une petite Association pour l'Histoire Matérielle de la Civilisation Industrielle; Serge Chassagne, en rejoignant avec Dominique Ferriot20 le mouvement international pour le patrimoine industriel à la Conférence Internationale de Stockholm en 197821; les mêmes et quelques autres, dont Louis Bergeron, en constituant en 1979 le Comité d'Information et de Liaison pour le patrimoine industriel22 et en organisant en France la IVe Conférence internationale à Lyon et Grenoble en 198023.

Alors a commencé véritablement le travail et la répartition des tâches en vue d'acclimater la notion de patrimoine industriel dans la culture générale et officielle. L'un des objectifs prioritaires a été de mettre au point une discipline de recherche, sorte d'archéologie moderne et contemporaine des sites industriels, en même temps que de contribuer à la mise en place de nouveaux lieux muséaux directement liés à des sites et à des vestiges matériels. La collaboration avec le jeune Ecomusée du Beauvaisis, dirigé par Claudine Cartier, a permis de lancer un programme de recherche sur l'histoire des applications industrielles et des perfectionnements du moteur hydraulique; le relais offert par des contrats de recherche24 a permis d'aboutir à un volume d'études collectif25 et à un numéro spécial de revue26 où le moulin est apparu, au-delà de son image convenue de cadre idyllique ou romantique d'une activité essentiellement rurale, comme le support dans le très long terme de choix énergétiques fondamentaux27. L'enthousiasme pour la promotion d'un nouveau type de musée industriel et technique s'est exprimé sur le site des forges Buffon, au cœur de la vieille région sidérurgique de la Bourgogne du Nord (Bernard Rignault, transfuge du Creusot ; Serge Benoît, Denis Woronoff), comme dans la Haute-Normandie ravagée par la dissolution de l'industrie textile, où Serge Chassagne réussit le sauvetage de la Corderie Vallois à Notre-Dame-de-Bondeville (Seine-Maritime) 28.

Les autres objectifs, faire connaître et reconnaître une nouvelle forme de patrimoine, support d'une forme concrète de la culture technique, furent atteints par le biais de l'organisation de conférences nationales annuelles, génératrices de toute une littérature29, comme par celui d'une action patiemment concertée auprès des pouvoirs publics30.

La date de 1983 introduit une coupure dans notre récit historicobibliographique. La création d'une «cellule du patrimoine industriel» auprès de l'Inventaire Général des Monuments et Richesses Artistiques de la France, en effet, outre sa signification culturelle générale, a fait avancer de front une connaissance systématique de ce patrimoine, le travail de protection des sites les plus significatifs, et, parallèlement, la recherche et la publication de ses résultats, dans les limites des possibilités budgétaires. Le Catalogue des publications de la Direction du Patrimoine et de la Caisse nationale des monuments historiques et des sites permet de mesurer la place aujourd'hui non négligeable, une douzaine d'années plus tard, que le patrimoine industriel s'est acquise dans ce genre de bibliographie spécialisée.

Ces publications se répartissent en un assez grand nombre de collections ou séries. Une démonstration générale et comparative de la manière de travailler a été donnée à l'occasion d'un colloque sur les Inventaires du patrimoine industriel: objectifs et méthodes (1986), paru en 1987. Le seul secteur, combien important, certes, du patrimoine industriel à avoir bénéficié d'une action systématique de recherche et de publication est celui de la sidérurgie et de la métallurgie, principalement anciennes, action coordonnée et pour une part exécutée par Jean-François Belhoste, chercheur à la Cellule du Patrimoine industriel, mais qui a impliqué un grand nombre de conservateurs ou chercheurs à l'échelon des régions. Les « Cahiers de l'Inventaire», devenus récemment «Cahiers du Patrimoine», en ont réuni la plupart des résultats, dont voici la liste :

1984 : Les Forges du Pays de Châteaubriant (Loire-Atlantique) ? J.F. Belhoste, H. Maheux, J. Meyer, P Canavaggio-Ramin, C. Herbaut, J.Y Inevez.

1987: La Métallurgie du fer dans les Ardennes, XVle?XIXe siècle ? J.F. Belhoste, L. André, P. Bertrand.

1991: La Métallurgie normande, Xlle?XVlle siècle. La révolution du haut fourneau ? J.F. Belhoste, Y Lecherbonnier, M.Arnoux, D. Arribet, Brian G. Awty, M. Rioult.

1994 : La Métallurgie comtoise, XVe?XIXe siècle. Etude du val de Saône ? J.F. Belhoste, C. Claerr-Roussel, F. Lassus, M. Philippe, F. Vion-Delphin.

A paraître : La Métallurgie du fer en Haute-Marne, XVe?XIXe siècle. La Métallurgie dans le Maine.

Il faut cependant se reporter à la collection «Images du Patrimoine» pour trouver deux volumes consacrés l'un, à L'ancienne métallurgie dans le département des Vosges (1988), et l'autre à Fonte, fer, acier, Rhône-Alpes (1992). La même collection offre aussi : la Construction navale en Basse-Loire (1992) et annonce : la Société métallurgique de Normandie (Calvados); et Les Forges de Syam.

Les «Cahiers» consacrés à la sidérurgie ancienne constituent un apport très important à l'histoire des techniques et à l'histoire des entreprises, et proposent une application rigoureuse de l'analyse des sites au renouvellement des schémas antérieurement acquis de l'histoire industrielle. Ils situent bien l'archéologie industrielle au cœur d'une évolution de la manière de faire l'histoire dans ce champ.

En revanche, le secteur textile a très peu bénéficié d'efforts du même type. En 1984, certes, le départ avait été donné avec un remarquable «Cahier» consacré à : La Manufacture du Dijonval et la draperie sedanaise 1650-1850, par 1. Balsamo, J.F. Belhoste, G. Gayot, P. Bertrand. Mais depuis il n'y a à signaler que : Au fil de la soie, architectures d'une industrie en Cévennes (Gard-Hérault-Lozère), 1991, dans la collection «Images».

Cette dernière collection, relativement légère, est aussi particulièrement souple dans ses affectations. Elle utilise parfois le biais de la monographie d'entreprise ; ainsi a-t-on eu : Japy, sites et architecture, Franche-Comté, par Bernard Lardière, 1993 ; Noisiel, la chocolaterie Menier (Seine-et-Marne), par C. Cartier, H. Jantzen, R. Michel, M. Valentin, 1994 ; LU, une usine à Nantes, 1989.

Conformément, toutefois, à une démarche classique de l'Inventaire, les «Images du Patrimoine» adoptent plus souvent un découpage territorial, au niveau du canton, parfois de la ville. Relevons, par ordre chronologique, que dans les années 1980 le patrimoine industriel ne trouvait que fugitivement sa place aux côtés du patrimoine traditionnel. Les Cantons de Geispolsheim, Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin) en 1983 accordaient une simple mention au passage à l'usine de la Société des Tanneries de France à Lingolsheim (détruite); les Cantons de Briey, en 1985, s'arrêtaient deux pages sur des demeures patronales des de Wendel, une page sur Homécourt et une page sur Joeuf; les Cantons de Wittenheim et Mulhouse-Sud (Haut-Rhin) en 1987 montraient la lithographie d'une indiennerie Schlumberger (1824); en 1988, Clermont-l'Hérault et son canton (Hérault) donnait droit à quatre petites pages à l'ancienne manufacture drapière de Villeneuvette et, la même année, le Canton de Longuyon (Meurthe-et-Moselle), deux pages à Pierrepont, le berceau de la fortune industrielle et financière des Seillière. Cependant, à partir de ce moment, s'affirment de remarquables réussites, comme Les Ardoisières en Pays de la Loire (Loire-Atlantique, Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe), 1988 ; Canton et dentelles d'Arlanc, 1989 ; Architecture et industrie à Aire-sur-la-Lys (Pas-de-Calais), 1990; Le pays de Longwy (Meurthe-et-Moselle), 1991. En 1990, le volume consacré à Mulhouse (Haut-Rhin) dédiait une partie de son Introduction aux rapports entre ville et industrialisation, et trois rubriques à «Usines», «Cité ouvrière», «Demeures patronales». En 1992 Habsheim?Illzach Haut-Rhin consacre les pages 60?67 à la commanderie de Rixheim et à la manufacture Zuber, illustrant aussi les produits (les fameux papiers à motifs panoramiques). On attend maintenant un Patrimoine industriel de l'Orne. Quel chemin parcouru depuis le temps où l'une des «Images», en 1983, pouvait traiter des cantons de Freyming-Merlebach et Saint-Avold en contournant les houillères (ou depuis 1980, quand l'Inventaire topographique du canton de Thann pouvait négliger le centre industriel de Vieux-Thann)...

Ajoutons à cette moisson, dans la nouvelle série «Mon Patrimoine», Le Viaduc de Garabit et le patrimoine ferroviaire en Auvergne (1992), et dans celle, plus légère, des «Itinéraires du Patrimoine» (à usage purement touristique), l'annonce d'un Elbeuf, d'un Le Havre, d'un Saint-Claude ; enfin les «Cahiers» consacrés dès 1990 à Cognac, cité marchande, urbanisme et architecture par R. Favreau, G. Jouannet, YJ. Riou, G. Renaud-Romieux, J. Debelle, W. van Riesen, une occasion de rappeler fermement que la fabrication des vins, alcools et liqueurs rentre pleinement dans le patrimoine industriel français) et, dès 1988, aux Architectures d'usines en Val de Marne (1822?1939) par J.F. Belhoste, H. Bougie, O. Cinqualbre, F. Hamon.

Sur les mêmes dix dernières années, la publication de travaux universitaires, les thèses, les unes aboutissements de longs doctorats d'Etat, les autres plus brèves issues du nouveau régime de 1984, a connu un rythme plus irrégulier, plus aléatoire, lié aux destins individuels. Du point de vue des sources et de la méthode de recherche en archéologie industrielle, trois travaux sont à citer. Jean-Michel Chaplain, travaillant sur Louviers31, a parmi les premiers exploré toutes les nouvelles approches spatiales, technologiques, humaines d'une histoire patrimoniale et matérielle de l'industrie. Les thèses de Denis Woronoff32 et Serge Chassagne33 ont été pionnières dans l'introduction, dans les canons de la thèse de doctorat d'Etat, de chapitres dédiés à l'analyse de l'inscription au sol et des formes architecturales spécifiques des usines sidérurgiques et textiles.

Puis est arrivée une génération nouvelle de recherches et de chercheurs. Trois thèses des années 80 expriment clairement l'intérêt suscité par l'approfondissement des rapports entre l'eau et l'industrialisation au cœur du XIXe siècle, à partir de l'histoire de sites ou de paysages caractéristiques. Celle de Véronique Fruits34, traitant de l'usage polyvalent de l'eau motrice dans les petites vallées voisines de Rouen. Celle de Geneviève Outrasses35, étudiant le destin de longue durée d'une grande famille de cotonniers installés sur le cours de l'Avre. Celle de Gracia Dorel-Ferré36, portant hardiment outre-Pyrénées une problématique analogue pour l'appliquer aux vallées de l'arrière-pays barcelonais. Pour nous limiter aux travaux de valeur exemplaire, citons d'autre part les autres voies suivies : pour la sidérurgie ancienne, par Jean-Yves Andrieux37 dans le cadre breton; par Gérard Gayot38 pour la draperie ardennaise (cf. le Dijonval cité plus haut); par Louis André39 pour la papeterie.

Il est un dernier secteur de la bibliographie sur le patrimoine industriel plus difficile à traiter, parce qu'il renvoie à un éparpillement et à une spécialisation sur lesquels, du reste, l'information est malaisée à collecter. Il s'agit de toutes les publications, plus ou moins commercialisées, issues du milieu des musées et associations. Certains éditent des bulletins périodiques d'une épaisseur variable, mais d'un intérêt considérable parce qu'ils font émerger une recherche absolument originale ou informent sur les différentes modalités expérimentées par les hommes et femmes de terrain dans leur effort de valorisation du patrimoine industriel de leur pays. A titre d'exemple : le Bulletin Sauvegarde et Promotion du Patrimoine Industriel en Vaucluse40; De fil en aiguille41, bulletin de l'Association de Sauvegarde du Patrimoine métallurgique hautmarnais; la lettre d'information de l'Association pour la Sauvegarde et l'Animation des Forges de Buffon43; ou même Rattacheux de l'Écomusée (de la Région Fourmies-Trélon44... Un Ecomusée tel que celui du Roannais a derrière lui la publication d'une série de volumes d'études et de documents luxueusement édités45. L'Ecomusée du Beauvaisis l'avait d'ailleurs précédé dans cette voie. 46

La conclusion, au moins provisoire, de cette orientation bibliographique peut se formuler comme suit. La France souffre d'un déficit considérable en matière de publications de tout niveau dans le champ considéré. Elle organise aussi très peu d'expositions47. Elle n'a pas ou peu d'enseignements organisés débouchant sur des carrières professionnelles ou scientifiques axées sur le patrimoine industriel et technique. En revanche, elle dispose d'une avance importante dans le domaine de l'inventaire et de la protection, grâce à ses structures administratives centrales, régionales et départementales, et d'un réseau associatif (cf. la Fédération des Ecomusées et Musées de Société) vigoureux en dépit des difficultés qu'il rencontre au niveau de sa survie matérielle et de son déficit en moyens humains. Elle possède aussi un noyau restreint mais actif de chercheurs et d'enseignants (présents jusque dans les établissements secondaires) auxquels cette revue sommaire de titres est principalement destinée.

2
PROMENADES DANS LA FRANCE DES SITES INDUSTRIELS

En nous limitant à sept sites majeurs, nous avons bien conscience d'opérer, faute de place, de manière arbitraire. On aurait pu parler des forges de Salles en Bretagne, d'une majesté sévère; des «châteaux de l'industrie» du Nord aux architectures pittoresques; ou encore de la corderie Vallois, près de Rouen, dont l'état de conservation est tel qu'on s'imagine en faire la visite pendant la pause des ouvriers ...On s'étonnera de ne pas voir mentionné Le Creusot, vétéran et pionnier de l'archéologie industrielle en France; que Mulhouse, la ville aux dix musées techniques et scientifiques n'ait pas sa place, ni combien d'autres lieux, tous plus suggestifs et attachants les uns que les autres et qui demanderaient chacun une étude particulière. L'archéologie industrielle, selon Denis Woronoff, c'est d'abord une émotion à partager. Pas seulement.

En faisant nos choix, nous avons cherché à mettre en évidence, à partir de quelques ensembles monumentaux significatifs, des espaces de tailles différentes, des industries de nature différente, des histoires de durées différentes.

Sans doute n'existe t il pas en France de lieu plus évocateur concernant les manufactures d'Ancien Régime que Villeneuvette, dans l'arrière-pays de Montpellier! En effet, malgré les ajouts dus aux époques suivantes, Villeneuvette, manufacture de textile de laine, a conservé l'essentiel de son bâti d'origine ainsi que l'allure générale voulue par ses premiers fondateurs.

Depuis la fin du Moyen age, le territoire compris entre Carcassonne et Pézenas se consacrait à l'activité lainière. Habituée de plus en plus à produire pour vendre, la région s'était progressivement dotée d'une organisation complexe, conjuguant le travail dispersé à domicile pour la filature et le tissage, et les concentrations près des cours d'eau qui procuraient la source d'énergie et l'élément de base pour le lavage, la teinture et le foulonnage. Les drapiers des villes s'y étaient enrichis, et la production locale était estimée.

Louvois, ministre de la guerre de Louis XIV ayant décidé de doter tous ses soldats d'uniformes, un manufacturier de Clermont, Pierre Bayle, voulut profiter de cette opportunité. Il créa un premier établissement: il s'agit des constructions qui se trouvent à Villeneuvette de part et d'autre de la rue de la Calade, en descendant vers la rivière. Là se trouvaient les maisons des tisserands que Bayle fit venir d'Elbeuf, de Flandres, de Hollande. Perdu de dettes, Bayle dut céder l'affaire à son principal créancier, le financier André Pouget. Ce dernier avait des vues larges et ambitieuses: c'était l'époque de la fondation du port de Sète et du percement du Canal du Midi. Il s'adressa à l'intendant du Languedoc, d'Aguesseau, sut intéresser Colbert à sa manufacture, et obtint des lettres patentes en 1677. Devenue manufacture royale en 1715, Villeneuvette produisit des draps « londrins seconds» pour les Echelles du Levant. Dans cette période de prospérité, elle s'agrandit et acquiert sa physionomie actuelle. C'est à un nouveau propriétaire, Castanier d'Auriac, que l'on doit cependant l'essentiel des constructions d'Ancien Régime observables aujourd'hui.

Le village étant clos de murs, à l'origine, on entre dans Villeneuvette par un portail de style classique. On lit encore, sur la partie supérieure: «Manufacture royale», bien que le dernier mot ait été martelé à la Révolution. Passé le portail, on se trouve sur une place rectangulaire, autour de laquelle se trouvent l'église, la maison de maître, avec ses magasins au rez-de-chaussée et son logement à l'étage, des maisons ouvrières. L'une d'elles était consacrée au ravitaillement, sorte d'économat avant la lettre. Cette place, ombragée, avec sa fontaine centrale et la présence d'édifices majeurs, fait irrésistiblement penser aux bastides, dont elle se rapproche par l'usage des matériaux locaux (toits couverts de tuiles, fenêtres encadrées de pierre de taille, murs crépis). Le quartier des maisons ouvrières, toutes semblables de part et d'autre de leurs rues pavées au caniveau central, renforce cette impression. Il s'agit pourtant d'un superbe exemple d'habitat ouvrier, en tout point semblable à celui que Pierre Bayle avait fait construire rue de la Calade. Une croix blanche marque la porte d'entrée. Une fois franchie, on se trouve dans un couloir qui dessert un logement de part et d'autre et donne accès à l'étage où se trouvent les pièces complémentaires. Chaque logement du rez-de-chaussée se composait d'une pièce de douze mètres carrés environ, éclairée par une grande fenêtre à l'unique volet de bois peint, comportant un évier et une cheminée. On ne sait si cette pièce de vie était également le lieu de travail des tisserands. Non loin de là se trouvaient les étendoirs ainsi que les aménagements hydrauliques indispensables pour les opérations de finition des lainages. Toute cette partie du site, bien que capitale pour la compréhension du fonctionnement de la manufacture, est à l'abandon. Or, dès le début, de grands travaux avaient été réalisés: barrage en amont, adduction d'eau par canaux, aqueduc, grand bassin réservoir. Castanier d'Auriac, dans un souci de mise en valeur esthétique qu'un Buffon n'aurait pas désavoué, avait prolongé les installations industrielles par un jardin à l'anglaise et un buffet d'eau, dénommé le «Grand Guillaume». L'ensemble est bien dégradé aujourd'hui.

Le XIXe siècle a apporté sa marque, sans dénaturer le site. Dès l'entrée, cependant, le fronton qui surmonte le portail XVIIle avec l'inscription « Honneur au travail», annonce une autre conception, non seulement du travail mais du rôle de ceux qui l'exécutent. Villeneuvette passe alors entre les mains d'une famille de Clermont, les Maistre, qui allaient régir ses destinées pendant un siècle et demi. Dès 1810 la filature est mécanisée; les ressources hydrauliques sont exploitées à leur maximum; l'énergie de l'eau est complétée, puis remplacée par celle de la vapeur; une usine construite en arrière de la place Louis XIV intègre des constructions antérieures. Cependant l'industrie du Languedoc avait à lutter contre la concurrence du Nord et de la Normandie. A Villeneuvette, finis les beaux londrins seconds: on fabriquait désormais les rudes tissus destinés aux couvertures, aux uniformes militaires, à l'habillement des ordres religieux ou des lycéens. Après la guerre de 1914, l'entreprise entra progressivement en déclin, jusqu'à sa fermeture en 1955. Curieusement, les bâtiments du XIXe siècle ont le moins bien résisté à l'abandon. Villeneuvette, qui a été à la fin du siècle dernier le lieu d'exercice d'un paternalisme poussé, avec Casimir Maistre, disciple de Le Play, se replie, dans une tranquille méditation, sur la partie de son passé la plus originale.

La célébrité d'Arc Et Senans occulte l'intérêt que présentent, du point de vue de l'archéologie industrielle, les salines de Salins. Chacun des deux sites ne s'explique cependant pas sans l'autre.

C'est surtout depuis le Moyen age que nous pouvons suivre avec précision les progrès de l'exploitation du sel en Franche-Comté. La fabrication se faisait sur les lieux de captage ou d'extraction de l'eau salée. La technique utilisée était fort simple: l'eau salée, puisée dans les couches de terrains où elle avait été détectée, était versée dans de grandes chaudières, les < poêles», et portée à ébullition jusqu'à complète évaporation. Le sel pouvait être alors recueilli et expédié. La récupération de l'eau salée a donné lieu à la mise en place, dès la fin du Moyen age, de mécanismes d'élévation de l'eau, grâce à des machines hydrauliques ou des manèges à chevaux. Au XVIIle siècle, des pompes à piston, entièrement en bois, sont également affectées au pompage de l'eau salée. On peut encore en admirer une aujourd'hui à Salins, au puits d'Amont, dite « machine à deux T», mais elle date du XIXe siècle tout en manifestant la persistance de techniques d'extraction déjà anciennes.

Le deuxième problème à résoudre était celui de l'évaporation de l'eau salée. Malgré les perfectionnements apportés aux «poêles», le processus requérait une quantité considérable de bois de chauffage. Or les bois environnant Salins avaient été surexploités et commençaient à manquer. C'est alors que Claude Nicolas Ledoux, nommé depuis 1771 Inspecteur Général des Salines du Roi, proposa d'amener l'eau salée par une conduite en bois, véritable « pipe?Line » avant la lettre, jusqu'aux forêts de Chaux, distantes de vingt kilomètres, entre les villages d'Arc et de Senans, où serait établie une nouvelle saline. L'innovation technologique s'arrête là, car rien dans le procédé de fabrication ne devait être modifié par rapport aux pratiques existantes. On sait que Ledoux mit à profit la commande royale pour imaginer et réaliser partiellement une ville industrielle idéale. Il proposa une première esquisse au roi Louis XV, lequel, intéressé, aurait dit: « Ces vues sont grandes! Mais pourquoi tant de colonnes? Elles ne conviennent qu'aux temples et aux palais des rois.» Ledoux modifia le projet, mais conserva les colonnes, qui donnent à la maison du directeur sa sobre majesté.

Si nous sommes sensibles au charme épuré du site, tel qu'il a été mis en valeur, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'abord et avant tout d'un site industriel, avec sa logique fonctionnelle propre. Il reste quelques témoins, à Arc Et Senans, de la canalisation qui fut imaginée pour amener l'eau salée depuis Salins, et du procédé mis en oeuvre pour la réaliser. Celle-ci ne pouvait être en plomb, trop onéreux sur une telle distance et de plus oxydé par le sel, ni en terre, trop fragile. L'usage de la canalisation en fonte n'était pas connu. On perça par conséquent les troncs de 15000 arbres, que l'on plaça en double rangée, à un mètre de profondeur et un mètre d'entre-axe. Sur les 21,250 km, on répartit 6 postes de contrôle.

L'eau salée parvenait à la saline avec un dénivelé de 143 m et alimentait les deux bâtiments du sel. Aujourd'hui, bien sûr, ce «saumoduc» ne fonctionne plus.

Le visiteur qui pénètre dans la saline franchit l'imposant portique de style dorique, puis dépasse la grotte artificielle, évocation probable des entrailles de la terre d'où sont recueillies les eaux salées. Ensuite on traverse un couloir encadré par deux postes de gardes, un lavoir, une boulangerie et ...une prison! Dans l'axe de l'entrée, sur le diamètre que forme le demi-cercle de la saline, s'élevait le pavillon du directeur, conçu comme un temple avec son péristyle et son fronton triangulaire. A l'intérieur, le rez-de-chaussée était occupé par les bureaux, une salle d'audience, les salons, les cuisines. En haut de l'escalier monumental, à l'étage, se trouvait la chapelle. De part et d'autre, les bâtiments des sels ont une allure plus neutre: Ledoux les avait voulus ainsi, pour accentuer leur effet de masse. Là le sel était produit dans quatre poêles, immenses cuves de 10 mètres de long sur 5 de large, qui évaporaient la saumure jour et nuit. Le sel était ensuite stocké en bout de chaque bâtiment, dans la salle des Bosses ?une bosse étant un tonneau de sapin d'une contenance de 560 livres de sel en grains. De part et d'autre des bernes et aux extrémités, se trouvent le bâtiment des commis et celui de la gabelle. Les quatre bâtiments incurvés sur le demi-cercle étaient destinés aux tonneliers, maréchaux et forgerons, d'un côté, et de l'autre, aux charpentiers, menuisiers et charrons. Le corps central était affecté aux ateliers, et les ailes servaient de logements aux familles des ouvriers.

On trouve chez Ledoux non seulement l'expression de la rationalité du XV IIIe siècle auquel il appartient totalement, même dans ses visions les plus étonnantes, comme le cimetière sphérique de Chaux, qu'il n'a pu réaliser, mais aussi l'anticipation, et la tentative de résolution, de quelques-unes des questions les plus brûlantes du XIXe siècle. La ville idéale qu'il construit tient pour une part du phalanstère que Fourier n'a pas encore inventé: «Chaque chambre (dans les pavillons des artisans) est occupée par une famille; une galerie aboutit à un foyer commun." Pour lui, la vie en famille est un fort élément stabilisateur et moralisateur: < ...entouré des plus douces illusions, (l'ouvrier) est avec sa femme, il est avec ses enfants pendant les heures destinées au repos; il est à l'abri de toutes les distractions coûteuses et de tous les délires bachiques qui peuvent inquiéter l'hymen, tenter ou surprendre l'oisiveté...» Les jardins attribués à chaque famille ouvrière dessinaient une dernière couronne concentrique. Ils avaient une fonction bien définie par Ledoux lui-même, comme moyen d'équilibrer l'ouvrier par de sains loisirs. Audacieux projet inachevé, on reprochait à Ledoux ses conceptions visionnaires et coûteuses, Arc Et Senans a fonctionné comme saline jusqu'en 1895. Près de tomber en ruine et de disparaître, il a été récupéré par le Conseil Général du Doubs, restauré et ouvert au public. Il rayonne aujourd'hui de toutes les idées de son créateur, l'un des premiers à avoir affirmé le rôle social de l'architecture.

La forge modèle du grand naturaliste Buffon, édifiée dans une région de très ancienne activité métallurgique, vient confirmer que, tout comme à Salins et Villeneuvette, l'activité industrielle n'est pas surgie d'un coup, à la fin du XVIIIe siècle, à la faveur d'un hypothétique démarrage économique. Bien au contraire, dans ce domaine, Buffon et la Haute Bourgogne s'inscrivent dans la longue durée.

Comme toutes ces régions du Bassin parisien formées aux ères secondaire et tertiaire, telles que la Thiérache ou la Basse-Normandie, la Bourgogne du Nord est marquée par la présence, en surface ou à faible profondeur, de gisements ferrifères qu'elle a très tôt exploités. Grâce à ses abondantes forêts, les forges à bras s'étaient multipliées dès la période celtique. Une première révolution a lieu avec l'utilisation des ressources hydrauliques, abondantes en Bourgogne du Nord. Les vallées sont progressivement investies, comme en témoigne l'exceptionnelle forge de l'abbaye de Fontenay. Elle devait comprendre plusieurs ateliers mus à l'hydraulique. Il semble toutefois que les lingots de métal brut continuaient à être produits en forêt, à partir des nombreux puits d'extraction que l'on a repérés tout autour, dans le plateau boisé.

La fin du XVe siècle voit la diffusion spectaculaire du procédé indirect et des hauts-fourneaux actionnés par l'énergie hydraulique: les vallées concentrent désormais l'essentiel du processus de transformation, laissant aux interfluves les tâches d'extraction du minerai et de fabrication du charbon de bois. Les traces de cette ancienne activité sont nombreuses, bien que souvent reprises dans des édifices postérieurs. Néanmoins, le site le plus évocateur, aujourd'hui, est bien celui de la Grande Forge de Buffon.

L'illustre naturaliste possédait des bois et des terres à une faible distance de Montbard, non loin de l'abbaye de Fontenay. C'est là qu'il décide d'implanter une usine-modèle, sur les berges de l'Armançon. Grâce aux travaux de restauration dont le site a fait l'objet, le visiteur distingue aisément les deux parties qui le composent: l'espace de résidence et de direction, d'une part, et l'espace usinier de l'autre.

L'espace de résidence a été conçu comme une grande ferme à cour fermée. Dans l'axe de la porte d'entrée, se situe le pigeonnier, de forte signification seigneuriale, avec de part et d'autre, des logements pour les ouvriers. Leur simplicité était celle couramment de mise à l'époque, pour ce type de logement: une pièce unique, comportant une cheminée et une pierre d'évier qui recevait la clarté d'une unique fenêtre. Un débarras complétait le tout. Rien de bien différent, donc, de ce que l'on trouve à Villeneuvette, où subsiste également un ensemble conséquent du XVIIIe siècle. Par contre les techniques de construction sont, elles, bien locales, avec les murs de hourdis blanchis à la chaux. L'accès à la partie usinière était encadré par le logement de Buffon et celui du régisseur. Ce sont des logements simples et fonctionnels, d'inspiration bourgeoise, construits dans le style régional en belle pierre, avec une solide charpente de chêne et un haut toit de tuiles. Face à eux, dans l'axe du passage, on accède au monumental haut-fourneau, le lieu le plus prestigieux de l'ensemble. A l'époque de Buffon, il était flanqué des grandes halles à charbon de bois et à fer, offrant ainsi à la vue une suite plus longue et plus imposante. La façade actuelle ne laisse pas d'étonner, avec ses niches et ses arcades; la surprise est encore plus vive lorsqu'on franchit la porte et que l'on embrasse du regard la halle de coulée, du haut d'une double balustrade d'où part un grand escalier d'honneur en fer à cheval, à la rampe de fer forgé. Cet escalier d'apparat manifeste sans doute 1a volonté de Buffon de mettre en scène le moment le plus spectaculaire de la fabrication du fer pour ses visiteurs de marque. On se rappelle qu'à la même époque, on se pressait à Saint-Gobain pour assister à la coulée sur table. L'escalier de Buffon a cependant une destination plus prosaïque: il permettait de dissimuler l'entrée dumagasin de sable nécessaire à la fonte. Nul doute, à ce propos, que Buffon n'ait voulu allier l'utile à l'agréable.

Le haut-fourneau et ses annexes occupaient une terrasse qui surplombait de 7m. le cours dévié de l'Armançon. En contrebas, la roue hydraulique actionnait les souffleries. L'ensemble roue et soufflerie a été reconstitué par les classes d'établissements d'enseignement technique et mis en place depuis quelques années. Au-delà, on trouvait la forge, la fonderie et l'aire de lavage du minerai, espaces de travail qui fonctionnaient à l'aide d'autres roues hydrauliques: on en a compté jusqu'à onze! C'est là que les «gueuses" sorties du haut-fourneau étaient purifiées de leur carbone et travaillées en formes élémentaires (barres, tôles, etc.). La forge comportait deux foyers d'affinerie avec leurs souffleries respectives et deux marteaux à ordons, le tout mu à l'hydraulique. Plus loin, la fonderie comprenait la fonderie proprement dite, une batterie servant à la fabrication de la tôle et un martinet pour la fabrication de petits fers et la mise en forme d'éléments d'outils et de

 

 

 

Trou de coulée et admission d'air à la base du haut-fourneau (Forges de Buffon, Côte d'Or).

machines pour l'agriculture et l'artisanat. Différentes reconstitutions grandeur nature et des maquettes de machines anciennes aident à comprendre les processus de fabrication et la suite des opérations dans une forge d'Ancien Régime.

Il y a, à Buffon, une volonté de démonstration presque pédagogique: démontrer que l'on peut faire une construction rationnelle et fonctionnelle, tout en étant à la pointe du progrès. Point de ces fioritures ou de ces ostentations que l'on trouve dans certains bâtiments usiniers: nous sommes loin de la manufacture des Rames d'Abbeville ou du Dijonval de Sedan. Point de maison de maître imposante et bien en vue comme aux forges de Salles, en Bretagne. Le fameux escalier d'honneur du haut-fourneau est moins ostentatoire que pédagogique, lui aussi: il semble souligner l'aspect grandiose d'une activité plus qu'humaine puisqu'elle transforme la nature. Par contre, l'existence d'une orangerie, le fait que les orangers décoraient la cour, en saison, devaient imprimer au site un air de luxe totalement inhabituel, même chez les industriels les plus huppés de ce temps.

A Buffon, la production sidérurgique continua, avec des fortunes diverses, jusqu'en 1866. Plus qu'une implantation économiquement rentable, elle reste, très historiquement datée, la marque d'un des plus grands esprits du XVIIIe siècle, de ses recherches, de ses passions, de ses anticipations. C'est ailleurs qu'il faut chercher le témoignage de l'industrie du XIXe siècle, de ses innovations technologiques, de ses combats. Ampilly-le-sec ou Sainte Colombe-sur-Seine en sont aujourd'hui de bons témoignages. A Ampilly, on peut voir le haut-fourneau de 1839 qui fonctionnait encore au bois, et le système hydraulique de l'ancienne forge à l'anglaise, devenue tréfilerie en 1863. A Sainte Colombe, il reste, du rêve de Marmont, maréchal d'Empire confiné sur ses terres, les vestiges de ta forge de 1822, la maison du directeur et les immeubles des maisons ouvrières, d'un grand intérêt.

Contrairement à la plupart des sites majeurs de l'archéologie industrielle, nous trouverons peu d'édifices monumentaux dans les Cévennes; par contre, l'impact de l'industrie de la soie a été tel qu'il marque le paysage depuis les plaines du Languedoc entre Montpellier et Avignon jusqu'aux rudes vallées de la bordure des Cévennes et du Vivarais méridional. Partout le mûrier, qu'une loi de 1941, toujours en vigueur, interdit d'arracher. Partout, des magnaneries, où l'on élevait les cocons, reconnaissables à leurs petites fenêtres alignées au dernier étage des maisons, à la ville comme au village... Un paysage qui pourtant n'a pas plus de 200 ans.

En effet, malgré des débuts prometteurs, au XVIe et au XVIIIe siècles, malheureusement compromis par la politique de répression contre les protestants dans la période qui précède et accompagne la Révocation de l'Edit de Nantes, c'est à partir du XVIIIe siècle que se développe la culture du mûrier et les activités qui en découlent: tirage, moulinage, tissage, bonneterie. Dans les fermes et dans les villages, on installe des magnaneries; chaque famille possède un tour et file sa propre récolte; des manufactures se créent; les foires de Beaucaire et d'Alès consacrent cet essor, particulièrement sensible dans la deuxième moitié du siècle. C'est que la

 

 

 

 

Anciennes filatures de soie à Ganges au bord de l'Hérault.

région dispose d'un débouché immense: l'Espagne et ses colonies d'Amérique. L'épisode révolutionnaire est un coup d'arrêt: non seulement le marché est perdu, du fait du blocus et des mouvements d'indépendance des colonies espagnoles, mais de plus, les Cévennes subissent la concurrence directe du Piémont, qui désormais fait partie de l'Empire napoléonien, et dont la production de soie est de bien meilleure qualité. Notons que pendant toute cette période, intendants et inspecteurs des manufactures, en particulier Vaucanson, avaient tenté d'améliorer les conditions du filage et du moulinage de la soie. Mais la structure très morcelée de cette industrie annulait les efforts entrepris en ce sens. Par contre, les perfectionnements techniques apportés par Gensoul dès l'époque du Premier Empire (étouffement des graines dans un bain de vapeur, mécanisation de l'étirage, usage intensif de l'énergie hydraulique, puis de la vapeur), le redressement spectaculaire de l'industrie de la soie à partir de la Restauration, tout cela va conduire à concentrer la production et à la localiser dans les vallées. L' éducation des vers à soie garde essentiellement un caractère familial, mais les petites unités d'étirage se multiplient. A titre d'exemple on rappellera qu’Alès, en 1810, comptait une foule de petits établissements rassemblant une dizaine d'ouvrières, et quatre filatures dotées de machines à vapeur, dont le nombre d'ouvrières s'élevait à 584. Car c'est un travail de femmes, qui requiert des soins minutieux et constants ...et qui est peu payé. Ces établissements, qui se multiplient dans la première moitié du XIXe siècle, sont facilement repérables: situés au bord de l'eau, ils sont de taille généralement moyenne, allongés sur une demi-cave, avec un niveau dont le mur pan est percé de grandes baies vitrées en plein cintre. Beaucoup, comme la manufacture Laupiès-Cauvel d'Alès, datée de 1839, disposent d'une magnanerie au-dessus de la salle d'étirage. If accès se fait généralement par le pignon, au moyen d'un escalier qui prend parfois une allure quasi-seigneuriale, comme c'est le cas pour la jolie manufacture de Corbes, dans le Gard. D'autres enfin, comme la maison de Fontrouch, dans la haute vallée de l'Hérault, ornent leur façade de portiques classiques, qui évoquent le style des villas palladiennes. La filature de MaisonRouge, construite en 1836 à Saint-Jean-du-Gard, est la plus importante de la vallée des Gardons, avec ses deux niveaux, ses baies cintrées et un magnifique escalier d'accès en fer à cheval. De deux années postérieure, la manufacture de Laroque, près de Ganges, tout en conservant les modes de constructions traditionnels sur 45 mètres de façade, est d'allure plus sévère. Au Mazel et à Peyregrosse, on a construit, respectivement en 1830 et en 1841, les deux plus grosses filatures des Cévennes, comptant chacune autour de 200 ouvrières. Le Mazel est un long bâtiment central de trois niveaux, flanqué d'ailes latérales plus élevées, ce qui lui donne une réelle apparence de «château de l'industrie». Elle correspond pourtant à une répartition rationnelle du travail: moulinage au rez-de-chaussée, filature à l'étage; logement du filateur dans l'aile droite, dortoir des ouvrières dans l'aile gauche... Aujourd'hui, le travail de la soie a pratiquement disparu et, de plus en plus, on adapte à d'autres usages les vestiges pittoresques de cette industrie, autant diffuse que profuse.

En quittant Saint-Quentin, la ville des brodeurs, pour se diriger vers la Thiérache du bocage industrialisé, on passe par la petite ville de Guise. C'est là que l'industriel Jean-Baptiste-André Godin choisit d'implanter son usine d'appareils de chauffage et d'édifier un «Palais Social» dont le retentissement fut immense, et dont l'ensemble reste puissamment évocateur. Godin lui-même avait longuement expliqué ses intentions dans son ouvrage, Solutions Sociales, qu'il fit paraître en 1871, dès que l'ensemble du Familistère proprement dit eut été achevé.

Le créateur des fameux poêles Godin était issu d'une famille d'artisans de cette Thiérache dont la tradition métallurgique remonte au Moyen age. Né en 1817 dans le village d'Esquéhéries, il fait son tour de France entre 1834 et 1837, puis de retour chez lui, se lance dans la fabrication d'un nouveau modèle de poêle pour le chauffage domestique. Jusque là on utilisait des poêles en tôle qui brûlaient du bois. Le trait de génie de Godin consiste à proposer un poêle en fonte, qui fonctionne aussi bien au bois qu'au charbon, donc plus souple, moins encombrant, adaptable à tous types d'intérieurs. C'est le succès. En 1842, il s'installe avec 32 ouvriers, près de son village d'origine, aux portes de la ville de Guise, où il avait trouvé des terrains bon marché et une main d’œuvre disponible, abondante et peu chère.

 

 

 

 

L'aile droite du "palais social" voulu à Guise par Jean-Baptiste Godin pour procurer à ses ouvriers "les équivalents de la richesse" (reconstruction de 1923).

De part et d'autre de l'Oise, il détermine deux espaces, l'un consacré au travail, l'autre au logement et aux services, d'où l'église est absente. I: espace usinier, d'un réel intérêt architectural, est énorme, avec une emprise foncière supérieure à celle du Familistère et de ses annexes. Une avenue, la rue du Familistère, relie la partie travail à la partie logement, en longeant le lavoir, une des constructions les plus originales de l'entrepreneur. Bénéficiant d'une canalisation d'eau chaude venant de l'usine, il se composait d'une piscine au plancher amovible pour permettre l'apprentissage de la natation aux plus jeunes, du lavoir proprement dit et d'un vaste séchoir.

On sait que Godin s'est inspiré de Fourier pour réaliser son Familistère, avec de notables divergences toutefois, puisqu'à la grande galerie couverte, lieu de passage et de rassemblement chez Fourier, Godin substitue la cour vitrée, qui concentre et qui favorise l'auto-surveillance. Par ailleurs, cette disposition lui permettait, à partir d'un module de base, un immeuble autour d'une cour vitrée rectangulaire, de construire son Familistère en plusieurs étapes. Commencé en 1860, l'ensemble fut terminé en 1870. Entièrement en brique, le matériau de l'industrie le plus employé et le moins cher, il comprend, sur quatre niveaux, trois corps de bâtiments, la partie centrale en retrait, ce qui lui donne une allure imposante, dont la sévérité est accentuée par les frises en brique qui soulignent la bordure du toit et rythment les fenêtres. L'aile droite, la plus ancienne, détruite pendant la Première Guerre mondiale, fut reconstruite dans les années 20. Elle manifeste un triomphalisme exubérant que Godin eût sans doute désavoué. Par la suite, pour répondre à la demande croissante en logements, on construisit le petit Familistère Landrecies en 1882, puis le Familistère Cambrai, en 1883, plus important, mais dont la cour n'était pas vitrée et n'avait donc pas la même signification ni le même usage que celles du Familistère central. Bien entretenu par ses propriétaires actuels, il donne une idée plaisante de l’œuvre de Godin.

Face au Familistère central, le complexe culturel s'articule de part et d'autre du théâtre. Celui-ci a été récemment restauré dans le respect scrupuleux du théâtre initial. C'est là que Godin réunissait les habitants du Familistère, c'est là que se faisaient les distributions de prix. Il était flanqué des écoles, mixtes, d'un côté, et de la bibliothèque, de l'autre. Plus loin se trouvait l'économat, aujourd'hui très délabré, mais qui devrait faire l'objet d'une prochaine restauration: il rassemblait la boulangerie, la boucherie, la buvette ou casino. Parmi les loisirs organisés dont on trouve encore la trace, il faut citer le jeu de boules, près de l'actuelle bibliothèque, le tir à l'arc, non loin du lavoir, et le kiosque à musique. Certains éléments essentiels, comme la nourricerie, ont été détruits pendant la Première Guerre mondiale et n'ont pas été reconstruits.

Le Familistère est resté immeuble d'habitation, ce qui explique son relatif bon état de conservation. Cependant, une restauration de l'édifice serait urgente, en particulier s'agissant des parties communes et des verrières avec leur charpente en bois, oeuvre des compagnons du milieu du XIXe siècle. L; économat et le lavoir tombent en ruine; tout le site demande à être repensé, très vite: il s'inscrit déjà dans la catégorie des chefs-d’œuvre en péril.

L'écomusée de Fourmies-Trélon est au cœur d'une structure culturelle et d'un territoire qui comprend 15 communes de l’Avesnois-Thiérache. Parmi ses six antennes, qui recouvrent tous les aspects de l'histoire, de l'anthropologie et de l'écologie de la région ainsi définie, il faut citer le musée du textile et de la vie sociale de Fourmies, le plus important, et siège des infrastructures de l'écomusée, et le musée du verre de Trélon. Ce dernier est installé dans l'ancienne verrerie Parant, fondée en 1823, qui a conservé sa halle des fours, dont certains datent de 1850, et d'autres de 1920. Une exposition permanente retrace l'histoire de l'industrie verrière dans la région, et des différents procédés de fabrication. Des démonstrations sont faites, régulièrement, du soufflage à bouche et de la taille de gobeleterie.

Le musée du textile et de la vie sociale est installé dans une filature construite en 1874 pour l'industriel Prouvost. Fermée en 1978, elle a fait l'objet d'une opération de réhabilitation, pour la quasi totalité de l'édifice usinier. Une première partie de l'ancienne salle de la filature est consacrée à la présentation du processus de la filature, dans ses aspects scientifiques, techniques et sociaux, à partir d'une collection de machines que d'anciens ouvriers de la filature entretiennent, présentent aux visiteurs et mettent en mouvement. Une première série de machines, qui datent des deux premières décennies de ce siècle, résument l'ensemble des opérations: il s'agit en fait de décomposer les gestes de la fileuse en autant d'opérations simples confiées à autant de machines spécifiques qui produiront en quantité. C'est, d'abord, la préparation à la filature avec la batteuse ouvreuse, qui démêle la laine et facilite le cardage; le cardage proprement dit; l'étirage par les «gills»; le finissage. La filature est présente avec un renvideur, l'une des premières machines à filer, appelées également self acting, qui assurait plusieurs opérations : l'étirage, la torsion et le renvidage. Celle-ci date de 1926. On a également présenté un continu à filer, machine qui a remplacé progressivement les renvideurs, auxquels on reprochait, en particulier, leur encombrement et leur complexité. Une deuxième série de machines présente la préparation et le tissage de la 2e génération, avec des machines des années 1960-1980.

Celles-ci, contrairement aux principes mis en pratique précédemment, rassemblent plusieurs opérations dans la même enveloppe, selon des mécanismes qui ne sont plus apparents. Pour rendre l'évocation plus sensible, l'atelier du contremaître, correspondant à l'usine du début du siècle, a été fidèlement reconstitué. De sa cage de verre, au milieu de l'usine, il pouvait surveiller la salle tout en effectuant ses travaux de contrôle et de mesure: contrôles de résistance et de régularité des productions, détermination du titrage, vérification de la température de l'hygrométrie indispensables à la bonne marche des opérations.

Quelques machines évoquent le tissage, à partir du filé produit, mais la partie la plus importante, après la filature, concerne la fabrication des vêtements et leur entretien. L'atelier du bonnetier, qui travaille en famille, quelquefois avec deux ou trois employés, a été reconstitué, de même que l'un des nombreux ateliers de confection qui existaient à Fourmies au début du siècle. Celui-là fabriquait des chemises d'hommes. Un atelier de couturière à domicile a été reconstitué également, d'après une photo 1900. Mais c'est l'entretien du linge et les opérations de la lessive qui offrent l'information la plus originale, avec une gamme de machines ingénieuses, certaines oeuvres d'artisans locaux. Le problème à résoudre étant celui du battage du linge, qui demandait le plus d'effort, on mit au point des systèmes variés, fonctionnant avec un volant ou une manivelle. Ce n'est que vers 1930 qu'apparaissent les machines électriques qui dispensent désormais la ménagère d'un effort physique important. Reste le travail de la blanchisseuse, dont l'atelier est également présenté, avec tous les procédés traditionnels de l'azurage pour raviver le coton blanc, et de l'empesage, pour raidir les cols et les dentelles.

Ainsi passe t’on insensiblement au musée de la vie sociale. Celui-ci présente tout un ensemble de reconstitutions (une salle de classe, un intérieur ouvrier, une rue de boutiques, un estaminet, etc.), tout en fournissant une information éclairante sur l'évolution économique et sociale de la région. Avant le XIXe siècle l'activité de la région était traditionnellement celle de la teinture de la laine. Théophile Legrand installe la première filature de cette fibre en 1825 et se dote d'une machine à vapeur en 1839. Entre 1852 et 1875 le nombre des usines s'accroît considérablement, mais leur capacité de production atteint son apogée vers 1890.

Parallèlement, à partir de 1841, le peignage se mécanise, et des innovations technologiques, introduites tout au long de la deuxième moitié du siècle, rendent la production moins chère et plus abondante. Tout l'espace urbain est investi: l'imbrication des ateliers et des usines est à son maximum. Fourmies est considérée alors comme le véritable centre de filature de laine peignée de France, sinon du monde. En fait, ce sont des entreprises de petite taille, à structure familiale, qui vont souffrir, dès la fin du siècle, de la concurrence des pays qui se sont industrialisés récemment, comme l'Allemagne, leur ancien client. Ce contexte explique peut-être la fébrilité du patronat local, la résonance aux revendications et aux mots d'ordres des syndicats et des partis qui se penchent sur la situation de la classe ouvrière. La fusillade du Premier mai 1891 ne pouvait être passée sous silence; elle fait l'objet d'un montage audio?visuel émouvant. En 1991, un colloque international s'est tenu à l'Ecomusée de Fourmies, il a donné son épaisseur historique à cet événement, d'une portée immense, dont le souvenir est toujours vivace, et a tenté d'en éclairer toute la complexité.

L'écomusée de Fourmies est un musée associatif: la population se sent concernée car elle est à l'origine des collections présentées, et en prend soin. C'est un des rares lieux où la culture scientifique et technique s'exprime avec une réelle tendresse pour son objet d'étude, sans pour cela se départir de la nécessaire rigueur historique, ce dont témoignent les documents produits, avec un soin scrupuleux, par le service éducatif.

TICCIH a recommandé à juste titre l'inscription de Noisiel sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Noisiel, en effet, est à la fois un des plus beaux monuments de l'architecture industrielle et le lieu d'une expérience patronale assez particulière, aboutissant à la création d'une < ville-usine», fort différente d'autres créations contemporaines comme le Familistère de Guise, déjà évoqué. De ce site, entré avec force dans l'actualité depuis la décision de Nestlé, son actuel propriétaire, de le réhabiliter comme siège social de l'ensemble des sociétés du groupe Nestlé-France, on retiendra ce qui permet de comprendre, à travers le patrimoine bâti dans son état actuel, les grandes étapes de son histoire et les intentions de ses promoteurs.

Et d'abord, ce qui frappe le regard, à juste titre: le moulin Saulnier, édifié entre 1872 et 1874. Il succédait à trois autres moulins, et le site même est celui des débuts de l'entreprise. Le moulin que Jean-Brutus Menier avait acheté en 1825 était rapidement devenu une usine de pulvérisation de substances médicinales considérée comme unique en Europe. En se tournant vers le chocolat exclusivement, dont la production avait plus que sextuplé entre 1843 et 1867 son fils Emile-Justin détermina les orientations économiques qui allaient faire la fortune et la gloire de la maison Menier. Les bâtiments de l'usine que l'architecte Saulnier construisit entre 1860 et 1867, ne subsistent que partiellement, intégrés dans d'autres, postérieurs. Par contre, le moulin Saulnier reste tel que Menier l'a voulu, à la fois glorification de son entreprise, et innovation architecturale. Saulnier opte pour une carcasse en fer et pour un « remplissage» de briques vernissées dont les couleurs et les formes arrondies contrastent et mettent en relief l'armature métallique laissée apparente.

 

 

 

Le "moulin Saulnier" à Noisiel (Seine et Marne), l'un des premiers bâtiments du monde à structure portante métallique (1874).

Les rangées de fenêtres entre les croisillons métalliques alternent avec les médaillons qui représentent, stylisées, les fleurs du cacaoyer et ceux qui s'ornent du «M» de la famille Menier. Les tons beiges, ocres et bleus des céramiques forment une harmonie très douce. On a beaucoup épilogué sur les influences que Saulnier aurait reçues; il reste que cette nouvelle usine hydraulique, la quatrième sur le site, est unique par son organisation du travail, sa machinerie hydraulique et la promotion du système constructif dans lequel on peut voir la naissance du gratte-ciel et du mur rideau. Richesse de la décoration, monumentalité, mise en valeur par le paysage environnant, véritable écrin de ce bijou de l'architecture industrielle: Emile Menier n'avait rien voulu épargner pour en faire son symbole et son étendard.

Le moulin Saulnier à peine terminé, Emile Menier s'engageait dans un programme de construction de maisons ouvrières dont il a pensé les moindres aspects, du plan des logements jusqu'aux papiers peints prévus pour les chambres. A cette date, quelques expériences célèbres ont été réalisées et abondamment commentées. Dans la cité de Dollfus à Mulhouse, mise en chantier en 1853, on a choisi l'habitat individuel, par quatre maisonnettes adossées, donnant chacune sur un jardin; par contre, à Guise, Godin édifie entre 1860 et 1870 un ensemble d'immeubles. Menier repousse le logement collectif, et choisit le type mulhousien, mais en adossant les maisons deux par deux, ce qui conduit à une emprise foncière importante. Enfin, signe supplémentaire de réussite sociale et économique, il acquiert en 1879 le magnifique château et son parc contigus à l'usine, qui appartenaient au duc de Lévis-Mirepoix. Les bases d'un véritable village industriel étaient jetées. Il sera complété par ses fils, en particulier entre 1881 et 1914: c'est à eux que revient la construction de la plus grande partie du Noisiel qui nous est parvenu.

En effet, l'usine-modèle de Saulnier est déjà trop petite: dès 1880, d'importants travaux confiés à l'ingénieur Logre conduisent à la construction de l'original bâtiment des refroidissoirs, puis à toute une série de magasins, de remises et d'ateliers qui s'allongent le long de la Marne, vers l'amont. Ils doublent la surface de l'usine proprement dite. Puis, entre 1906 et 1908, Logre et Sauvestre investissent l'ancien village, Marne aval, qui disparaît pour faire place aux nouveaux ateliers de fabrication et d'emballage. Une

passerelle les relie aux nouveaux mélangeurs, une construction si imposante que, très vite, les ouvriers l'ont surnommée «la cathédrale». Cet ensemble constitue la nouvelle chocolaterie, bien que le moulin Saulnier garde toujours sa fonction de broyage des fèves de cacao. L'essentiel de l'architecture est principalement en béton; les larges baies cintrées, les pilastres, le faux chaînage en pierre, tout cela se rattache à un style triomphaliste néoclassique qui ne manque pas d'intérêt, mais qui est loin de la poésie et de l'inventivité du moulin Saulnier. En même temps qu'ils affirment leur puissance industrielle, les frères Menier étendent leur cité ouvrière qu'ils équipent de la façon la plus complète possible: à la fin du XIXe siècle, elle comprend des "bâtiments de subsistance», vastes magasins d'alimentation dont une partie des denrées vient de la ferme-modèle du Buisson; des réfectoires grandioses, deux hôtels restaurants, une mairie, une maison de retraite, un groupe scolaire particulièrement bien équipé complètent le tout. Un service médical était assuré; les lavoirs et les bains douches rappellent les préoccupations hygiénistes du temps. Les quelques constructions que l'on édifiera par la suite, en particulier dans l'île, au-delà du moulin Saulnier, ne modifieront pas la physionomie d'ensemble de l'usine modèle qui aligne ses bâtiments sur un kilomètre de façade, et son village, qui a cette époque, comprend près de 1500 habitants. La réhabilitation prévue pour la fin 1995, respectera au mieux cet héritage que l'on a pas encore entièrement exploré.

Il y a bien d'autres richesses du patrimoine industriel à découvrir en France, l'échantillon qu'on vient d'en proposer n'était destiné qu'à stimuler la curiosité du lecteur, à montrer que le patrimoine industriel dans sa diversité est accessible à tous peut agrémenter la promenade de l'honnête homme de la fin du XXe siècle et prendre place comme l'une des composantes de sa culture, aux côtés des autres grands legs de la civilisation.

Le combat n'en reste pas moins à mener pour que le patrimoine de l'industrie, en quelque sorte, se banalise. Au-delà de la sensibilisation d'un plus large public, l'objectif devrait être celui de l'insertion dans la formation scolaire. La partie ne sera gagnée que le jour où, dans les manuels et dans les classes, on apprendra à analyser une usine du XIXe siècle comme on le fait d'une église romane ou gothique.

 

Notes

1 Parmi les expositions présentées par le Centre de Création Industrielle: «Le Temps des Gares» (1972), «Architectures d'Ingénieurs XIXe XXe siècles» (1978). Un «Supplément au n°77» du Bulletin d'Information Architecturales (Institut Français d'Architecture) est consacré en mai 1983 au «Paysage des Ouvrages d'art»; en 1986 ce sera le superbe catalogue de l'historien de l'architecture Pierre PINON. Un canal, des canaux. Les monuments de l'architecture métallique sont depuis une dizaine d'années l'objet dune attention constante, dont témoignent notamment les ouvrages de Bernard MARREY (ainsi: Le Fer à Paris, Architectures (1989)_ ou encore le catalogue de l'exposition du Musée d'Orsay: 1889, La Tour Eiffel et l'Exposition Universelle (sous la direction de Caroline MATHIEU).

2 Voir: L'Acier dans la construction, Paris, Ed. du Moniteur/Usinor-Sacilor, 1992; ou encore: Eugène FREYSSINET. Un amour.sans limite (présenté par Bernard MARREY), Paris, 1993.

3 Opération de réhabilitation à l'identique pour l'enveloppe, et d'aménagement intérieur flexible et polyvalent .par l'agence d'architecture de Bernard Reichen et Philippe Robert (à l’œuvre en 1994?1995 sur le site de Noisiel).

4 Dès 1975 les Editions des Archives de l'Architecture Moderne (Bruxelles, publient un catalogue d'exposition, Le Paysage de l'Industrie. Ruhr? Wallonie-Région du Nord : des images et des textes qui restent à ce jour une introduction fondamentale. En 1979. Lise GRENIER et Hans Wieser-Benedetti publient sous le titre Les Châteaux de l'industrie (près de 400 photos) le second volet d'une recherche dirigée par Maurice Culot, consacrée à l'architecture de 1830 à 1930 dans la région lilloise (vol. 1: Le Siècle de l'éclectisme, Lille. 1830?1970, intéressant aussi pour les demeures patronales).

5 Egalement en 1979 la Région Nord-Pas de Calais organisait un ample colloque intitulé: «Patrimoine industriel. Stratégies pour un avenir». (ORCEP, 1983).

6 Tourcoing 1711?1984. Architecture du centre-ville. 2 vol., 1984.

7 Sur ce mouvement, voir: La Muséologie selon Georges-Henri Rivière. Cours de muséologie, Textes et témoignages,, Paris, Dunod,

8 Cf. par exemple Christian Devillers, Le Creusot, naissance et développement d'une ville industrielle, /782?1914, Ed. du Champ Vallon, 1981, Et aussi Jean-Pierre FREY, Société et urbanistique patronale, t.l, Le Creusot, 1982: Les implantations Schneider sur le territoire national 1836?1939, t.3. 1986 (Institut de Sociologie Urbaine et Ecole d'Architecture de Paris-La Défense. Jean-Pierre Frey a depuis publié : La cille industrielle et ses urbanités, la distinction ouvriers-employés, Le Creusot, 7870?1930, Mardaga, 1986.

9 Une Mission du Patrimoine Ethnologique est créée en 1992 inspirée par Isaac Chiva.

10 Font l'objet d'on classement la Halle aux Locomotives et la Combe des Mineurs, édifices emblématiques a des titres divers nu sein de l'empire Schneider.

11 il s'agit de la revue Milieux dont 33 numéros ont paru de 1980 à 1988.

12 Léon MURARD et Patrick ZILBERMAN, Le petit travailleur infatigable ou le prolétaire régénéré. Villes usines, habitat et intimités au XIXe siècle, Recherches n°25 Paris, 1976.

13 Bertrand GILLE (dir.). Histoire des techniques. Encyclopédie de la Pléiade, Paria, Gallimard, 1978.

14 Maurice DAUMAS (dit.). Histoire générale des techniques. 5 vol., Paris, P.U.F., 1962?1979. ou le mythe des révolutions s techniques.

15Id. Le Chenal de César, Paris, 1992

16 Voir sur le sens de cette nouvelle terminologie, la série dirigée par Pierre NORA chez Gallimard de 1980 à 1993; et plus particulièrement: Louis BERGERON, L'âge industriel, III. Les France, 3. De l'archive à l'emblème, pp.130?161.

17 Les bâtiments à usage industriel aux 18e et 19e siècles en France, Centre de Documentation d'Histoire des Techniques. 1978 (330 p.+18 illustr.). Recherche financée par le CORDA Participants: Claudine Fontanon, Gérard Jigaudon, Dominique Larroque. Madeleine Maillebouis, Jacques Payen.

18 A partir de 1984 cette feuille, dont 8 numéros avaient paru, a été reprise et transformée en périodique par le CILAC. Les huit premières Lettres d'information ont été rééditées dans le n°13 de L'Archéologie Industrielle en France, nouvelle formule (le responsable de la publication et le secrétaire de rédaction sont les auteurs du présent volume).

19 Maurice DAUMAS, L'Archéologie industrielle en France, Paris, Robert Laffont. 1980.

20 Collaboratrice de Marcel Evrard à l'Ecomusée du Creusot dans les années pionnières, organisatrice de la conférence internationale de Lyon-Grenoble, Dominique Ferrier est aujourd'hui directeur du Musée National des Techniques, aussi dit Musée des Arts et Métiers (Paris).

21 Précédée de deux premières conférences à Ironbridge (1973) et Bochum (1975). la conférence de Stockholm a été l'occasion de la création de TICCIH (The International Committee for the Conservation of the Industrial Heritage), organisation indépendante travaillant en liaison avec le World Heritage Committee (ICOMOS).

22 Association dont le sigle est «CILAC»(A pour Archéologie. C pour Conservation). En fait ce dernier terme ne rentre nullement dans les objectifs de l'association, et se trouve remplacé dans l'intitulé développé par «étude et mise en valeur du patrimoine industriel». Le CILAC a dès 1979 organisé des colloques nationaux, d'abord annuels puis biennaux (cf.infra, n.29).

23 Comme toutes les conférences internationales, celle de Lyon-Grenoble a donné lieu, d'une part, à un volume de Rapports nationaux publiés l'année même de la rencontre (1980), non commercialisé; et à un volume d'Actes, publié aux Editions du CNRS en 1985 sous le titre: Etude du Patrimoine industriel.

24 En particulier du fait du soutien de la MIDIST (Mission Interministérielle pour la Diffusion de l'Information Scientifique et Technique).

25 N°29 des Cahiers d'Histoire et de Philosophie des Sciences. intitulé «Le moteur hydraulique en France au XIXe siècle» (1990).

26 N' l 1 de la revue L'Archéologie Industrielle en France, 1985.

27 On citera par exemple, à cet égard. Serge BENOIT, L'Eau, énergie de l'Eure, n°74 de Connaissance de l'Eure, octobre 1989. Ou encore des ouvrages aussi divers que: Benoît DUFOURNIER, Energies d'autrefois, Paris, E.P.A., 1980, ou Claude BRELOT et Jean-Luc MAYAUD, L'Industrie en sabots. La taillanderie de Nans-sous-Sainte-Anne, Paris, J.J.Pauvert chez Garnier, 1982.

28 Ouvert au public en 1994 au prix de presque quinze années d'efforts de la part d'une association puis des autorités départementales, ce musée de site industriel, dont tout l'outillage a été conservé sur place, ainsi que son équipement hydraulique

que, est le seul musée qui perpétue désormais le souvenir de la gloire de l'industrie textile cotonnière en Haute-Normandie, industrie frappée d'une obsolescence et d'une destruction quasi totales.

29 -Actes du Colloque d'Archéologie industrielle de Perpignan, 1981, in Comptes rendus du 106e Congrès national des sociétés savantes. section des Sciences, fasc.IV.-Actes du IVe Colloque national sur le Patrimoine industriel, Beauvais, 1982, Écomusée du Beauvaisis, 1983.-Actes du Ve Colloque sur le Patrimoine industriel, Alès, 1983, CILAC 1984.-Actes du Vie Colloque..., La Baule 1984, L'Archéologie Industrielle en France, n°12, 1985 (épuisé).-Actes du Vile Colloque..., Toulouse, 1985, ibid., n°1 juin 1987. ? Actes du Vième Colloque..., Lille, 1987, ibid., n° 17/ avril 1989. ? Actes du IXe Colloque..., La Courneuve, 1988, ibid., n°20?21, t.l et t.2, juin 1990.-Actes du Xe Colloque..., «Le Patrimoine technique de l'industrie», Mulhouse, 1992, in Bulletin de la Société Industrielle de Mulhouse, n°825, 2/1992. 30 Ainsi dès 1980 «l'Année du Patrimoine» fit-elle timidement une place aux monuments du patrimoine industriel. Président fondateur du CILAC,Yves Malécot, ancien président de la Caisse des Monuments Historiques remit en un rapport. Gérard Emptoz se vit confier par la MIDIST un rapport sur la muséologie technique et industrielle aux Etats-Unis, qui ne fut pas sans incidence sur la décision de créer la «Cellule du Patrimoine Industriel» auprès de l'Inventaire Général.

31 Jean-Michel CHAPLAIN, La Chambre des Tisseurs. Louviers cité drapière, 1680?7840, Seyssel, Ed. du Champ Vallon, 1984 (302 p.). Ouvrage rédigé à partir d'une thèse de doctorat de 3e cycle. Université de Paris VIII, 1980.

32 Denis WORONOFF, L'industrie .sidérurgique en France pendant la Révolution et l'Empire, Paris, Éditions de l'EHESS, 1984.

33 Serge CASSAGNE. Le Coton et ses patrons, France, 7760?1840. Paris, Éditions de l'EHESS, 1991.

34 Non publiée in extenso, cette thèse a fait l'objet de deux articles «L'homme et l'eau dans la vallée de Darnetal», Études Normandes, n°l, 1988; «Lieux de travail, lieux de labeur», ib., n°2 1988. Une autre thèse a été consacrée à l'industrialisation des vallées normandes dans une perspective patrimoniale, celle de Eric Lecoeur, Les moulins de la vallée de l'Andelle (Université de Haute Normandie, Rouen 1989, non publiée).

35 Geneviève DUFRESNE, Les Waddington. Sept générations d'entrepreneurs. Thèse non publiée, École des Hautes Études en Sciences Sociales. 1990.

36 Gracia DOREL?FERRE, Les colonies industrielles en Catalogne Le cas de la Colonia Sedo. Paris, Éditions Arguments, 1992

37 Jean-Yves ANDRIEUX, Forges et hauts fourneaux en Bretagne du XVlle au XIXe siècle, Nantes, Cid Éditions, 1987.

38 Gérard GAYOT. De la pluralité des mondes industriels. La manufacture royale de draps de Sedan, 1646?1870 (Thèse de doctorat d'État, Université de Lille III, 1993, à paraître).

39 Louis ANDRÉ, La papeterie en France (1799?1860). Aspects d'une mécanisation, Paris. Éditions de l'EHESS, 1994.

40 On en était au Cahier n°19 au 2ème trimestre de 1993.

41 On en était au n° 14 en juin 1994. Bulletin de Liaison et d'Information de l'Association des Amis du Musée du Textile Choletais.

43 On en était au n° 13 janvier 1994. La rédaction de cette Lettre est assurée par Serge Benoît, secrétaire de l'Association.

44 Il s'agit pour le moment d'un dépliant (n°2, avril 1994).

45 Il s'agit des Cahiers de Fabrique (non numérotés). Signalons: Hortense et Jean-Marie, ouvriers tisseurs, de Danièle Miguet (octobre 1986); Le Roannais: une région textile, de Jean-Pierre Houssel (avril 1986); Travail et Travailleurs à Roanne au XIXe siècle, de J.F. Martinon (1987); Textile à domicile (1987); Gens de tissage (novembre 1987); Louis Masson, Tixier, de Jean Chaumette (janvier 1989); Mailletique: de la productique dans la maille (novembre 1990).

46 Comme les publications citées en note 45, celles de l'Écomusée du Beauvaisis, devenu Écomusée des Pays de l'Oise, ont connu après une décennie une interruption due à une évolution des objectifs ou à des difficultés d'ordre local qui sont malheureusement le lot du mouvement associatif. Parmi les Cahiers de l'Écomusée, il faut retenir, concernant le patrimoine industriel: n°2, Beauvais au fil de l'eau, 1980; n°6, La couverture de laine, 1983; n°9, Initiatives agricoles, contenant une remarquable étude d'André THIBAULT et Jean CARTIER sur le machinisme agricole, 1985; Petite métallurgie du fer en Picardie, 1987; n° 15, L'Oise au 19e siècle: crémerie de Paris, 1990, trop peu d'études consacrées à l'industrie agro?alimentaire n°16, Images de l'Oise: un siècle de mémoire, 1991.En un temps où les opérations d'inventaire du patrimoine industriel n'avaient pas encore été vraiment intégrées dans le «monopole> de Direction du Patrimoine,l'Écomusée du Beauvaisis a également publié Patrimoine industriel picard. Première campagne d'inventaire, mars décembre 1983, et: Deuxième campagne de repérage et d'étude, 1985. En 1983, sur un texte de Jean Cartier, et sous le titre Archéologie industrielle en Beauvaisis, le CRDP d'Amiens a également publié le synopsis d'une émission télévisée de FR 3 Picardie. 47 Du moins, si l'on ne tient pas compte d'expositions très spécialisées et très localisées, ne donnant pas lieu à publication d'un catalogue systématique et illustre qui en puisse perpétuer la trace. A signaler, toutefois, l'initiative en 1994 du Crédit Industriel de Normandie, en coproduction avec la DRAC de Haute Normandie: Le patrimoine industriel de la région de Rouen, catalogue reproduisant la totalité des documents et des légendes (noir et blanc).