Atlas du patrimoine industriel de Champagne-Ardenne - Les racines de la modernité

Novembre 2005

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L'"Atlas du patrimoine industriel de Champagne-Ardenne" permet au grand public et plus particulièrement aux enseignants, aux amateurs d'art, aux acteurs culturels et aux décideurs de la région d'identifier ce patrimoine et de découvrir sa richesse insoupçonnée.
Ce livre constitue un panorama des activités industrielles à travers différentes époques et micro-régions : les industries minière et métallurgique, textile, des arts du feu, agroalimentaire, aéronautique, la production d'énergies hydraulique, vapeur et nucléaire… Il offre un nouveau regard sur les lieux : fonderies, forges, haut-fourneaux, brasseries, caves, crayères, celliers, moulins, silos, parcs, châteaux, magasins, faïenceries, verreries, tuileries, briqueteries, ouvrages d'art, équipements ferroviaires, constructions fluviales, maisons et cités, cimetières, sucreries, bonneteries, ganteries, manufactures…
Mais l'étude du patrimoine industriel ne se réduit pas à une étude de gestes architecturaux, elle nous instruit des sites et des lieux mais aussi de la mémoire des savoirs et des savoir-faire, elle donne les clefs pour le rendre identifiable, proche et lisible par tous.
Cet ouvrage permet aussi de mieux comprendre l'environnement présent, et d'ouvrir des perspectives pour le futur. Que sauvegarder et réhabiliter ? Quelle nouvelle affectation donner aux sites pour les rendre utilisables et rentables ? Quel avenir pour le patrimoine industriel ? La Champagne-Ardenne nous offre un inventaire d'actions possibles.

 

SOMMAIRE

Introduction
Remerciements
Préface du président de Région
Préface du recteur de l'académie
Le patrimoine industriel, un outil pour comprendre le passé et agir au présent
Genèse d'une nouvelle discipline
Problématiques et concepts appliqués à un territoire : la Champagne-Ardenne
Notes d'introduction


Énergies, entre tradition et modernité
Les eaux vives
L'eau et le livre
La fleuristerie d'Orges
Le ru des Auges à Sézanne
De l'eau pour la Macérienne
Machines hydrauliques, machines à vapeur
Saint-Nicolas, Chooz et Nogent/Seine

Textile et cuir, la gloire passée
La manufacture sedanaise
Les châteaux-usines de Sedan
Point de Sedan, feutre de Mouzon
Rethel et la vallée de la Suippe
La laine à Reims
La bonneterie auboise
Des hommes, des machines
La bonneterie troyenne
La ganterie de Chaumont

Mines et métallurgie, une valeur ancienne
L'ardoise, de Fumay à Rimogne
La métallurgie ardennaise
L'industrie dans la Vallée
La Macérienne
La forge domaniale
Fonderie en Haute-Marne
Le Val d'Osne
Marnaval
Les forges de Clairvaux
Couteaux et ciseaux de Nogent

L'agroalimentaire, la richesse toujours renouvelée
Les entrepôts de la richesse
Les grands Moulins de Nogent
Des boissons populaires
La Comète à Châlons
Les glaces de l'entracte
Le champagne, incomparable !
Pommery, une femme, un style
Avenue de Champagne
Deutz, une saga internationale
Le champagne oublié
Défuntes sucreries
Les magasins à succursales

La flamme incertaine des arts du feu
Les Islettes
Apprey, les Auges
Verrerie rémoise
Verreries autour de Reims
Le Bayel et Rouelles
La fonte d'art
Tuileries et briqueteries
Les fours à chaux
La fabrique des saints

Une région ouverte
La batellerie à Vitry-le-François
Canaux de la Marne et de la Seine
Condé, carrefour fluvial
Le canal des Ardennes
Ouvrage d'art en Haute-Marne
Patrimoines ferroviaires
Rotondes de La Chapelle-Saint-Luc
Baptêmes de l'air

Maisons, cités et villages
De la caserne à la cité
Pont-Maugis
Mouzon
Un béguinage industriel
Cités de la soie
Le Chemin Vert
Cités ouvrières d'Épernay
Fontaine-les-Grés
Villas et cités de Troyes
Coopératives des Ardennes

Châteaux et églises de l'industrie
Un château en Ardenne
La Villa Marcadet
Belles demeures et châteaux
Fêtes de la bonneterie
Dieu à l'usine
Les églises du travail
Vivre dans la mémoire

Conclusion

 

 

Commentaire par Paul Naegel (18 juin 2011)

Après des études initiales d’ingénieur, Paul Naegel a été en activité pendant vingt ans dans le secteur privé, industriel et éducatif, en France et en Allemagne.
Sa carrière s’est poursuivie pendant dix huit ans dans différents services du Ministère de l’Equipement, en tant que Chargé de Mission.

Au plan universitaire, Paul Naegel a soutenu une première thèse, en 1982, à Paris-IX-Dauphine, puis une seconde, en 2006, au sein de l’Université de Nantes. En tant qu’historien des techniques, ses thèmes de recherche portant notamment sur les industries et équipements des XVIII et XIXe siècles, en Pays de Loire et en Lorraine.

Sa thèse d’histoire des techniques, sous le titre : « Le département de la Meuse : industrialisation entre 1790 et 1914 - Description et modélisation », dirigée par Michel Cotte et soutenue en 2006 par un jury présidé par Denis Woronoff, a été publiée en 2010 par les Editions Universitaires Européennes.

Paul Naegel est actuellement chercheur associé du Centre François Viète d’épistémologie, d’histoire des sciences et de techniques de l’Université de Nantes.

Après avoir feuilleté ce bel ouvrage qu’est l’Atlas du patrimoine industriel de Champagne-Ardenne, sans doute unique en son genre pour une région de France, une lecture attentive est enrichissante à plus d’un titre.

Déjà l’introduction, après un historique des plus utiles, même pour un lecteur qui croit connaître un peu le sujet, pose de manière très claire les enjeux que représente le patrimoine industriel. Ce que l’auteur a écrit en 2005 reste d’une brulante actualité, bien que le concept même de patrimoine, a plus forte raison industriel, dont on parle très souvent mais sans agir pour autant, mérite certainement d’être interrogé à nouveau, eu égard à ce qui se fait avec les TIC.

Mais entrons dans le vif du sujet, illustré par une iconographie remarquable. Une présentation thématique était incontournable, étant donné la richesse des objets à décrire, quand bien même les sources ont pu être défaillantes dans certains cas. Ainsi, commencer par l’énergie est un choix respectable, encore que l’on pouvait traiter dans un premier chapitre de la population (démographie, savoirs, entrepreneurs, etc.), car sans population, pas d’industrie, et pas de patrimoine industriel.

De même, mais cela tient sans doute à notre tropisme vers le département de la Haute-Marne, à cause de celui de la Meuse qui a été notre sujet de thèse, trouver en second chapitre le textile et le cuir, plutôt que les mines et la métallurgie, est un peu surprenant. Le travail industriel de la laine était pratiquement ignoré en Meuse, malgré la légende de Jeanne-d’Arc (qui au demeurant n’était pas née en pays français). Il y a donc de quoi apprendre pour nous sur ce sujet avec cet Atlas.

Plus familière nous est, en toute modestie, la question des minières de fer, de la sidérurgie qu’elles ont induites, adossées aux forêts, ainsi que le problème des fonderies de seconde fusion. La carte de la page 58 suscite quelques commentaires et une question. Il est sans doute trivial de relever, sur ce document, qu’aussi bien les fonderies existant en 1860 que celles créées après sont toutes localisées sur les cours d’eau : Blaise, Marne, mais également Saulx et Ornain. Il y a là une unité transrégionale de longue date, bien antérieure à 1860. Malheureusement, le département actuel de la Meuse, partie de la région « Lorraine », apparaît comme un limes de celle-ci, ce qui ne crée guère d’enthousiasme à Nancy et Metz. A l’évidence, le patrimoine industriel sidérurgique meusien ne peut plus mettre en avant que deux hauts fourneaux, de plus en mauvais état. On nous pardonnera cette digression, qui nous conduit à la question relative à Paroy. Cette commune, située en Haute-Marne au plus près de Montiers-sur Saulx, en Meuse, nous pose depuis des années un problème. Quels étaient, autour de 1640-1650, les propriétaires de sa forge et/ou son fourneau ? Et cela parce que Mademoiselle de Guise fit déplacer, en 1649 une forge (celle de Paroy ?) vers Montiers, à l’emplacement qu’a occupé l’usine de cette commune jusqu’à sa fermeture, à la fin du XIXe siècle. Paroy faisait sans doute partie de la principauté de Joinville, et, comme la baronnie de Montiers, appartenait à l’époque aux Guise. Mais encore ? Toute information serait la bienvenue !
Après un large « saut » par-dessus les très intéressantes pages consacrées à l’agroalimentaire, richesse s’il en est, sans préjudice de ce liquide qui y pétille, de la partie de la Champagne autrefois dite pouilleuse (avant l’utilisation des engrais et la mécanisation en grand), venons en aux industries du feu, et plus précisément les faïenceries. Dont celle du Bois d’Épense (page 96). Ce petit château, dans lequel j’ai eu l’honneur d’être reçu plusieurs fois par MM. Jacques Jouëtr et Henri Martin, qui valorisent dans leur petit musée des productions des « Bernard », me rappelle de bons souvenirs. Assez curieusement, bien que présentée souvent sous le nom : Faïencerie des Islettes (en Meuse), il faut passer le pont de la Biesme – séparation ancienne entre deux mondes - pour y accéder (en Marne). Cette faïencerie fait évidemment partie d’un ensemble dont le centre de gravité est plus à l’Est. Quelques recherches aux AD55 m’ont permis de situer les parties proprement mécaniques de l’usine, dont il subsiste un vannage, mais sur la rive droite. C’est là que se faisait le malaxage de l’argile et le broyage des couleurs pour la faïencerie. Cela pour servir de modeste contribution à l’histoire de cette faïencerie, que les Bernard ont également dotée d’un moulin à grains, pour l’alimentation des ouvriers, dit-on. A moins qu’il ne se soit agi d’une « diversification ».

Encore un grand saut, pour arriver au patrimoine ferroviaire. Et à la nostalgie de l’arrêt du train de Mulhouse à Paris, la nuit, à Culmont-Chalandrey, dans les années 1950 ! Ce nœud ferroviaire et son dépôt s’imposait bien entendu. Mais ne reste-t-il rien, en Champagne-Ardenne, des réseaux ferrés d’intérêt local, qui ont probablement été réalisés, là comme ailleurs, autour des années 1860, à l’initiative des Conseils généraux et des concessionnaires privés ? Cela permettrait de situer historiquement ce qui se fait, peut être en plus moderne, en matière de « TER » et « Tram-Train » de nos jours.

La question du logement (pp. 134 à 151) occupe, avec une belle iconographie, une place de choix dans l’Atlas, et bien méritée, tant il est vrai que les ensembles qui y sont présentés n’ont que très rarement un équivalent dans d’autres régions. Quant au thème des Châteaux et Églises de l’Industrie, l’image du château Camion (p.156) me rappelle, dans son architecture, ce qu’a fait construire le banquier Varin-Bernier à Bar-le-Duc. Avait-il prévu qu’il abriterait un jour la Médiathèque de la ville ? Ce qui renvoie à la question très sensible du « réemploi » de constructions, à usage industriel, ou en tant que signes de la réussite des entrepreneurs.

Il faut hélas, pour ne pas prolonger outre mesure cette « note de lecture » d’un historien encore débutant malgré son âge, en arriver à ce qui est écrit dans l’Atlas en tant que « Conclusion ». Ce mot ferait frémir, si on l’entendait sonner comme un glas. Pourtant, les lignes écrites en 2005 restent, pour d’autres régions que Champagne-Ardenne, d’une actualité évidente. La question, comme l’annonçait déjà l’introduction, est « celle de l’avenir de notre passé », avec le renvoi précisément à la conclusion du volume (pp.170-171). Il faut bien entendu approuver la condition posée : « Le patrimoine industriel, quelle que soit sa réutilisation, doit être reconnaissable, identifiable, compréhensible ». Encore faut-il qu’il y ait réutilisation. La très récente bataille autour de ce qui subsistait de l’usine Gaupillat, dans le bas de Meudon, le long de la Seine, s’est terminée par la démolition. On laissera de coté pour le moment le triste sort – à notre avis – que va connaître l’île Seguin, près de laquelle on pouvait encore sentir, il y a quinze ans, l’odeur inoubliable que les noyaux de fonderie dégageaient au moment de la coulée des blocs de moteurs.
Sans militer pour les « orgues à parfum », que vaut un site industriel – soit un haut fourneau comme celui d’Uckange – même mis en situation de patrimoine industriel visitable - sans odeur ? Faut-il mettre l’espoir dans la démarche très intéressante initiée par Michel Cotte sous le nom d’O.S.TIC, qui suppose, au-delà de la simple restitution sous forme d’objet virtuel, une recherche et une documentation approfondie et élargie relativement à un élément de patrimoine industriel ? Lequel objet, dans la version la plus aboutie du processus, peut être réellement « reconstruit », comme cela a été fait pour la machine à laver le sel, tombée en ruines, au Musée de Batz-sur-Mer.

Le tourisme industriel (p.170) constitue-t-il réellement une « porte de sortie », au moins à moyen terme ? La visite et le sort de quelques « écomusées » m’a laissé dubitatif. L’espoir réside-t-il alors dans les initiatives que certains élus, voulant promouvoir cette voie, qui prend quelque fois la forme illisible pour le profane d’un « rond point aménagé » ? A titre d’exemple un morceau de l’aérotrain de Bertin du coté de Limours, en région parisienne. Sans qu’on puisse trouver le moindre cartel explicatif sur place.

Il faut, comme y invite un sous-titre de la conclusion, « rendre la passé intelligible ». Cela suppose un intérêt qui ne soit pas que superficiel et occasionnel pour un vieux moulin, dans lequel se broie un peu de sarrasin et où sont proposées à la dégustation des galettes « comme dans l’ancien temps ».

Soyons positifs, sans qu’il soit besoin d’aller chez « Carrefour ». Oui, l’avenir du patrimoine industriel survivant sera celui qu’en feront les « citoyens éclairés ». Il y en a encore, et il y en aura, on peut l’espérer, de plus en plus sur cette planète qui, sinon, sera livrée aux seules agences de notation.

 

 

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