Grand Hornu, l'un des sites majeurs du patrimoine industriel belge

 

Objectifs :

- s'approprier un site, en comprendre la genèse, la trajectoire, le devenir

- mettre en relation le bâtiment, les hommes, les produits, (logiques spatiales, sociales, économiques) dans un contexte explicatif(innovations, demande, débouché)

- s'interroger sur le sens de ce patrimoine aujourd'hui

 

Exemple: Grand Hornu

 

Quelle est la situation politique et économique de cette fraction de l' actuelle Belgique au début du XIX siècle ?

- au XVIII siècle, elle appartenait aux Pays-Bas autrichiens, mais elle a connu l'occupation française de la Révolution et de l'Empire. Pays de bourgeoisie urbaine et entrepreneuriale depuis le Moyen-Age, elle gagnée à certains slogans révolutionnaires de liberté et égalité. Elle accueille favorablement le Code Civil et les mesures organisatrices de l'Empire napoléonien, elle est largement bénéficiaire du blocus continental. Après le Congrès de Vienne, entre 1815 et 1830, elle fait partie du Royaume des Pays Bas. Elle démarre rapidement l'industrialisation, à partir de sa frange wallonne, francophone et catholique, et c'est ce qui alimentera l'opposition libérale puis la revendication nationale qui aboutit à la proclamation de l'indépendance en 1830.

Quelle est la signification d'un grand ensemble comme celui de Grand Hornu ?

- au début du XIX siècle, l'exploitation du bassin charbonnier s'accélère. Mais elle est le fait de petits paysans exploitants qui alternent le travail de mine avec le travail des champs. ( voir les éléments d'histoire du bassin houiller à Lewarde, Les 3 âges de la Mine). Dans ce contexte, comme dans les autres activités de l'Ancien Régime, ce sont les marchands qui dominent la vente du charbon. Des capitaines d'industrie décident d'introduire la grande exploitation, rentable et moderne, en achetant les terres, en creusant des puits et en s'équipant de machines modernes. Par là même, ils créent une main d'œuvre d'un nouveau type, entièrement consacrée au travail industriel, les prolétaires, qu'ils fIXent sur les lieux du travail, grâce à la construction de logements. Face au « modèle » rural, le patron d'industrie oppose le « modèle » urbain : c'est la cité ouvrière (village ouvrier, colonie industrielle).

 

Il est situé sur le Borinage proximité du canal de Mons à Condé ( De Gorge a été l'un des premiers capitaines d'industrie à utiliser le chemin de fer à traction animale vers le canal).

 

C’est un grand quadrilatère de 400 m. sur 500 m., délimité par les puits d'exhaure ou de ventilation et traversé par les puits d'extraction. Les documents joints révèlent la fonctionnalité des lieux : l'usine comme dans un écrin.

  Le Grand Homu exploitait près de 150 000 tonnes de charbon en 1830 et faisait travailler 1000 à 1500 ouvriers, chiffre énorme pour son époque. (1810 : 10.000 tonnes; 1832 : 120 000 tonnes). De Gorge aurait voulu en faire une vraie ville et lui donner son nom.

 

Originalité des constructions de logements maisonnette avec jardin, variété d'exécution; à l'extrémité et au milieu des maisons des ouvriers, les maisons des contremaîtres (chefs porions) pour encadrer les populations ouvrières. On retrouve la hiérarchie dans le travail, dans l'habitat..

 

Équipement : hôpital, école: 1820 début de la scolarité jusqu'à 12 ans, aussi bien pour les filles que pour les garçons. 1889 Loi interdisant le travail des enfants dans la mine

 

Sociabilité : places publiques (Place d'Orange puis place Verte) avec kiosque (fanfare, tir à l'arc,) dans le but de combattre l'alcoolisme (1 débit de boissons pour 4 ou 5 maisons) Le but n'est pas philanthropique, il faut produire : pas d'alcoolisme, une meilleure alimentation. Importance des « Lumières », de la raison. Réf . à Ledoux

 

  Le succès de De Gorge tient à sa personnalité mais aussi à des circonstances qu'il a su bien exploiter. Ses concurrents se trouvent soit plus à l'est, sur une partie du bassin d'ancienne exploitation où les petites paysans-mineurs sont nombreux, soit à la périphérie, de cette zone principale là où les couches de houille sont espacées ou peu rentables. De Gorge acquiert la mine en 1810, les Godonnesche, de Valenciennes, qui avaient installé une première fosse d'extraction, la Sainte Augustine, depuis 1778 (puits n°l). Cependant, son exploitation s'avérait coûteuse. En 1814, De Gorge fait ouvrir un puits plus au sud (n°5) où les couches sont épaisses et régulières. Il fait ouvrir le puits n°7 dans la même veine. C'est cela qui le détermine à une opération de grande envergure. Il achète les premières machines Newcomen, pour le pompage des eaux, et envisage le construction du Grand Hornu. Il achète des machines à Seraing, chez John Cockerill. A sa mort de De Gorge (1832) son épouse continue l'affaire et forme une société civile avec ses neveux et nièces. Un siècle de gloire, mais qui correspond aussi à la disparition des petits paysans mineurs des alentours Ralentissement en 1951, fermeture en 1954, arrêté royal de démolition non signé en 1969, abandon en 1970.

 

Dès 1954, les maisons ouvrières se vendent et certains viennent se servir sur le site pour restaurer leur maison. Henri Guchez (architecte) rachète le site, le réhabilite et en 1989 le revend à la province du Hainaut. La réhabilitation a gardé la spécificité du Grand Hornu. On y a fait une pépinière d'entreprises, et une galerie d'expositions d'art contemporain, l'ASBL Grand Hornu /images.

 

  Trois architectes le lillois François Obin jusqu'en 1825, puis le tournaisien Bruno Genard et le termondois Pierre Cardona jusqu'en 1837 . Bruno Renard formé à Paris a sans doute eu connaissance de l'oeuvre de Ledoux (publiée en 1804)

 

- la cour principale: la plus ancienne (l820- 1828) - bâtiments de direction

 

- l'atelier de construction de machines, (200 ouvriers ; taille modeste) Permet de De Gorge de fabriquer aussi pour les autres exploitants des machines locomotives ; style néoclassique, position des fenêtres demi‑lune,

- les arcades de la grande cour ; cour centrale pavée (au départ plan d'eau) reflète l'ambiguïté du Grand‑Hornu. La cour joue le rôle de forum avec les ateliers autour: ferronnerie, scieries, entrepôts

- statue de De Gorge, 1855 (20 à 30 ans avant la France)

- caveau de famille, dans l'axe

 

-la cour d'entrée (1826‑1828)

- le pavillon central et les portails de l'entrée : symétrie, belle allure de la façade principale

- les pavillons d'angle (Fun d'eux à proximité du puits 7 dont les photos anciennes montrent le chevalement.)

- les bâtiments de retour d'angle, utilitaires ; disposition autour de la basse‑cour où courait la petite volaille : les écuries pour chevaux de surface, sucrerie (1820) cheminée cassée, magasin au foin puis sucrerie (1854 à 1874), puis fabrique de noir animal

 

- la cité ouvrière (1822‑1832)

 

- rue de Wasmes, la plus ancienne, pavée : l'une des voies d'accès entre Mons et Valenciennes ‑rue Louise, conçue avec la cité ; aboutit avec la précédente place Henri, où se trouve un autre buste d'Henri de Gorge, puis les autres rues, au fur et à mesure

- place exceptionnelle d'un habitat d'une telle ampleur pour l'époque: 400 maisons en 1822, 435 vers 1840. Loyer : une journée de travail. Au total : 40% des ouvriers en 1840

 

le Château de Gorge

 

n'a jamais servi de résidence patronale. Les De Gorge habitaient l'ancienne maison des propriétaires précédents ; a cependant accueilli la visite du roi Léopold ler en 1856

les lieux de sociabilité :

- la place Verte : emplacement de l'école, mixte, au début ; lieu des fêtes annuelles (kiosque)

- la place Saint Henri :emplacement de la machine à vapeur qui assurait l'exhaure : eau chaude à volonté pour les habitants, emplacement des bains

Evocation du paternalisme. Son efficacité. Le pillage du site en 1830 est semble-t-il conjoncturel.